Domenech : l’année ou jamais

Comme attendu, Raymond Domenech a été sacré Pigeon d’Or de la Coupe du Monde 2010. L’entraîneur le plus grotesque de ces 50 dernières années sera l’immense favori pour décrocher le Graal de fin d’année. Une ultime chance de gagner enfin un titre avant de disparaître du paysage sportif à tout jamais.

Cela commence à devenir répétitif, pour ne pas dire pénible, d’écrire sur les pigeondorisations de Raymond Domenech. Que peut-on encore raconter sur ce triste énergumène ? Elu Pigeon d’Or de septembre 2007 et Super Pigeon d’Or de l’Euro 2008, Monsieur Estelle Denis reçoit un troisième volatile doré en l’espace de quatre ans. Big Sourcils avait été battu en 2007 par Christian Constantin et en 2008 par Pierre-Alain Dupuis ; cette année, y’aura-t-il à nouveau une sommité suisse romande pour lui souffler la distinction suprême ? On en doute fortement même si, compte tenu du réservoir de Pigeons dans ce coin de pays, tout est évidemment possible. Sylvio Bernasconi et Carlos Varela tendent actuellement à démontrer que les Welsches ne sont pas avares d’efforts pour revenir dans la course au titre.

La France de Domenech

Le règne de Raymond Domenech à la tête des Bleus a pris fin le 22 juin 2010 à Bloemfontein. Dix fantômes venaient de subir une dernière humiliation face aux Bafana Bafana. Cette France meurtrie, réduite à 10 dès la 25e minute et totalement dépassée par les événements faisait pitié à voir. Même vu de Suisse romande. Un groupe sans âme ni tactique, gangréné par les problèmes internes et qui venait de faire une grève de l’entraînement deux jours plus tôt. Une équipe, pardon, des individualités perdues sur le terrain et privées de leur capitaine (puni) et d’Eric Abidal (semi-dépressif). Tout un symbole. Non content de ce naufrage sur le terrain, l’ex-moustachu parachèvera son œuvre en refusant de serrer la main à Carlos Alberto Parreira. Un geste complètement débile devant les caméras du monde entier, histoire d’écorcher encore davantage sa triste réputation.

Voici donc la France de Domenech. Un mélange de tristesse, d’énorme gâchis et d’arrogance. Quelques mots qui correspondent parfaitement à l’ex-sélectionneur des Bleus auxquels on pourrait ajouter connerie, provocation et incompétence. Il pensait être le roi du deuxième degré, il n’était que le roi des cons, devant sa cour de «sauvageons» mal éduqués. Les propos de Patrice Evra, parus dans la presse cette semaine, ne font que confirmer ce que tout le monde savait : «Il n’y avait plus de dialogue avec le coach. (…) Avant le match de préparation contre le Costa Rica, quelques joueurs lui ont demandé de s’impliquer plus, de nous donner plus de consignes. Il s’est senti agressé. Il a refusé l’échange. (…) Je recevais des plaintes après chaque entraînement. Les joueurs lui reprochaient son manque de travail tactique et le décalage avec les exercices auxquels ils sont habitués en club. J’ai essayé de faire passer le message à ses adjoints. Sans résultat. Le groupe l’a alors peu à peu lâché.» Des propos qui en disent long sur le mal-être des Bleus durant l’ère Domenech, et sur l’incapacité de ce dernier à gérer un groupe, à motiver ses hommes et à communiquer sainement. Finalement, il parlait à la presse comme à ses joueurs : en les prenant pour des cons. Zidane, Viera et compagnie n’étaient cette fois pas là pour redresser la barre et cela s’est vu.

2004 – 2010 : un long chemin de croix

Cette haine viscérale entre Raymond Domenech et le public, la presse et désormais les joueurs ne date pas d’hier. De ses déclarations farfelues à ses choix ubuesques, le natif de Lyon aura réussi, durant ses six longues années de règne, à créer un climat malsain et pourri autour de lui et, corolaire, autour de l’EDF. Retour sur une erreur de casting.
On est en 2004 et la France de Santini vient de connaître un Euro décevant, conclu par une élimination en quart de finale face à la terrible Grèce, future championne d’Europe. Sélectionneur de l’équipe de France M21, Raymond-la-science débarque chez les A, poussé par Aimé Jacquet à qui aucun Français ne peut dire «non» depuis un certain soir de 1998. C’est clairement l’apogée de la carrière de cet entraîneur qui, faut-il le rappeler, possède un palmarès aussi fourni que le porte-monnaie de Ribéry après un passage au Quartier Rouge. Domenech arrive donc avec une réputation encore intacte même si son surnom en tant que joueur – «Le Boucher» – n’augure rien de bon.

Ses débuts à la tête des Bleus sont extrêmement poussifs. Zidane, Thuram, Makélélé et Lizarazu ayant pris leur retraite internationale, il déclare vouloir reconstruire une équipe nouvelle, quitte à repartir de zéro. De la case zéro, il y restera presque. Sa France peine à faire la différence dans un groupe pourtant jugé «facile» (Irlande, Suisse, Israël, Chypre, Îles Féroé…). C’est alors que Zinédine Zidane décide de revenir, suivi peu de temps après par Thuram et Makélélé. Raymond-la-grande-gueule, qui criait sur tous les toits qu’il n’avait pas besoin des «anciens», retourne évidemment sa veste et accueille les revenants avec un ouf de soulagement.
Les Bleus se qualifient chichement pour la Coupe du Monde 2006 et, sous l’impulsion d’un Zidane stratosphérique, vont y briller. Ils ne perdent qu’en finale au terme de la loterie des tirs au but, après avoir été meilleurs que l’Italie. Même si c’est toujours facile de dire que quand une équipe gagne, c’est grâce aux joueurs et que quand elle perd, c’est à cause de l’entraîneur, il n’est pas nécessaire d’être un devin pour affirmer qu’à la Coupe du Monde 2006, Domenech n’a rien fait, ou presque. Ce groupe était piloté par la génération 1998, Zidane, Thuram et Viera en tête. Domenech n’était qu’un spectateur privilégié, simple figurant au bon moment au bon endroit. Tu mettais Alain Geiger ou Stéphane Henchoz à sa place que le résultat aurait été le même. Bon, peut-être pas Gabet Chapuisat quand même.

Son vrai visage

Les finalistes du Mondial 2006 vont enchaîner avec une campagne de qualifications houleuse, marquée par deux défaites face aux bourrins écossais. Encore une fois, le discours de Domenech ne passe pas et le fossé avec presse et public ne cesse de grandir. Zidane n’est plus là mais le talent de Viera, Henry et Ribéry suffit à qualifier la France pour l’Euro 2008. C’est là que notre double Pigeon d’Argent va lamentablement se fourvoyer. Dans ses choix, sa communication et son comportement.
Comme lors de chaque grand tournoi, la France de Domenech débute par un 0-0 lénifiant face à la Roumanie. On dit d’ailleurs que ce jour-là, le taux de suicide a été multiplié par trois dans l’Hexagone. L’image de Big Sourcils qui applaudit ses joueurs à la sortie du terrain choque. «Pas de soucis, rassure Le Boucher, c’était pareil en 2006 et on a atteint la finale.» Sauf que là, ce n’est pas la Corée du Sud et le Togo qui sont sur sa route, mais les Pays-Bas et l’Italie. Deux claques plus tard, la France est renvoyée à la maison en ayant fait du grand n’importe quoi.

Si Domenech a complètement foiré son Euro sur le banc de touche, c’est lors des conférences de presse qu’il a sombré. En comparant l’hôtel Mirador Kempinski à un bunker, en accusant la presse suisse d’une campagne anti-française et d’un climat hostile, en déclarant avoir «souffert de la chaleur lors du match à Zurich» alors qu’il faisait 23 degrés (!) ou en considérant «l’Euro 2008 comme une simple préparation pour la Coupe du Monde 2010», RD a atteint des sommets de mauvaise foi. Jamais n’a-t-il reconnu ses erreurs, ses choix douteux, son absence de prise de risque, préférant se trouver des excuses bidon qui n’ont convaincu personne et qui en ont fâché tellement. Mais sa plus belle perle, sa plus belle provocation, c’est évidemment sa demande en mariage au micro de M6. On a déjà tout dit ou écrit sur ce geste pathétique, on n’en remettra pas une couche ici. Raymond Domenech a alors montré son vrai visage et devint officiellement l’homme le plus détesté de l’Hexagone. Et de loin.
Toute la France du football crie alors à l’imposture et veut virer cet incapable. C’est alors que la Fédération Française de Football commet la plus grosse erreur de son histoire. Pour des raisons peu claires (il semblerait que le remplacement attendu de Domenech par Deschamps aurait déplu à certains membres influents de la DTN, dont Platini, qui avaient peur que les joueurs vainqueurs de la Coupe du Monde en 1998 ne fassent main basse sur la Fédé) et financières, ladite Direction Technique Nationale décide de prolonger le règne de ce triste sire à la tête des Bleus.
Ce choix, sportivement incompréhensible, va amener l’équipe de France à la plus grosse crise de son histoire et offrir la possibilité à Raymond Domenech de se ridiculiser une dernière fois. Il touchera définitivement le fond à Knysna lors de la fameuse mutinerie. Aussi respecté qu’un prof de musique dans une classe de 3ème primaire, il sera incapable de raisonner ses joueurs et finira par lire le communiqué des grévistes devant des journalistes incrédules. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il arrivera encore à se faire passer pour une victime suite aux insultes d’Anelka qui, en l’occurrence, a fait ce que toute la France rêvait de faire.

Pour l’ensemble de son oeuvre, pour ses 6 ans de règne grand-guignolesques, la rédac de CartonRouge.ch est heureuse de lui remettre le

Pigeon d’Or de la Coupe du Monde 2010

Inutile de dire que Raymond Domenech partira avec les faveurs de la cote lors de notre grande finale de fin d’année. Même Nicolas Anelka et Patrice Evra n’ont rien pu faire face à lui, c’est dire si la tâche de Larry Ellison, Brian Joubert, Florentino Perez, Edmond Isoz, Stéphane Henchoz et des autres lauréats s’annonce compliquée.
Classement final :
1. Raymond Domenech : 241 votes – 47.5 %
2. Nicolas Anelka : 107 votes – 21.1 %
3. Patrice Evra : 59 votes – 11.6 %
4. Alex Frei : 45 votes – 8.9 %
5. Cristiano Ronaldo : 30 votes – 5.9 %
6. Daniele De Rossi : 25 votes – 4.9 %
Nombre de votes : 507

A propos Marco Reymond 470 Articles
Un p'tit shot ?

Commentaires Facebook

11 Commentaires

  1. Raymond Domenech sur Wikipédia :

    Pigeon éternel qui après une coupe du monde cauchemardesque se fera licencier et ne trouva autre solution que de se pendre à la corde de la Ligue professionnelle française.

    Comme l’a si bien croqué votre dessinateur, et 1, et 2, et 3… pendu !

  2. Super article ! je pense que maintenant on en a fini avec Domenech. Est-ce que Blanc prendra la même place qu’occupait son prédécesseur ou est-ce que les choses vont enfin bouger? en tout cas déjà hier soir, 1er match et 1ère défaite… affaire à suivre. Que votre dessinateur se prépare !

  3. Ça faisait longtemps qu’un pigeon n’avait eut droit à un article aussi long et aussi fourni, preuve s’il en est besoin, que Raymond mérite ce titre.

    Bravo, et bonne chance pour les finales…

  4. Même les journaleux français n’ont jamais été capables de « pondre » un article d’une précision aussi chirurgicale.

    Ce type avait même inventé la notion de « défaite rassurante » -_-

  5. « Même si c’est toujours facile de dire que quand une équipe gagne, c’est grâce aux joueurs et que quand elle perd, c’est à cause de l’entraîneur, il n’est pas nécessaire d’être un devin pour affirmer qu’à la Coupe du Monde 2006, Domenech n’a rien fait, ou presque. »

    C’est clair que faut pas être devin pour dire ça, faut être sacrément con !

    Même ZIdane a reconnu que pendand cette CdM, c’était Rédo qui était aux commandes, et non pas les anciens comme beaucoup le disent… Mais c’est tellement plus simple d’écrire des conneries.

    Après, je suis ok pour dire que le RD a bien déconné et cela à plusieurs reprises, mais bon, ne lui enlevez pas non plus ses mérites.

    Et l’argument du mec qui n’a pas de titre, quand on parle de selectionneurs, c’est quand même assez débile aussi. Y’a pas non plus masses de selectionneurs qui empilent les titres non ? Genre les DT suisses, combien ils en ont des titres internationnaux ?

    Bref, du CR classique, 20% interessant, 80% de fiel. Et toujours pas nomminé aux Pigeons ? Mais où sont passés humour et dérision, les étandarts de CR ?

    Ciao les ploucs !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.