«J’aime bien ou ça craint» avec Alexandre Comisetti et Léonard Thurre

Le premier a participé à la Ligue des Champions et écumé les pelouses du championnat de France. Le second a remporté à quatre reprises la Coupe de Suisse. Après leur carrière riche en rebondissements, ils jouent régulièrement le rôle de consultant à la TSR. Ils sont nos invités…

J’aime bien ou ça craint… la carrière et le palmarès de mon collègue ?Léo : J’aime bien, je ne peux pas dire le contraire, surtout par rapport à ce que j’ai fait. Il a commencé très tôt à Lausanne, en parallèle à ses études, mais il n’avait pas beaucoup de possibilités de jouer. Il est redescendu d’un cran, à Yverdon, où il a terminé je crois deux fois meilleur buteur. Il a pu partir à GC, tout s’est enchaîné dans le bon sens, il a eu de grosses émotions en Champions League et  en équipe nationale. Ça lui a logiquement permis de partir à Auxerre, et puis on s’est retrouvé à Servette. Il a eu une très belle carrière, avec une trentaine de sélections en équipe nationale. (Il se tourne vers Alex) T’as vu je connais bien ton CV ! Il a aussi très bien géré son après-carrière, et il est maintenant sur les bons rails…
Alex : (Il hésite très longuement) Ça craint, pour moi ça craint ! Léo, c’est le dernier grand attaquant que Lausanne ait formé. Ces vingt dernières années, il y a eu Steph’ et lui. C’était le joueur le plus talentueux de sa génération, et il a fait tout juste au départ. Puis il a été poursuivi par les blessures. Sa carrière est très positive et il a marqué des buts qui vont rester dans l’histoire du Lausanne-Sport. Malheureusement, je suis sûr qu’il avait un potentiel pour avoir 50 ou 60 sélections et faire une carrière à l’étranger. C’était le petit joyau, on n’est pas là pour se lancer des fleurs, mais il faut le dire. La poisse lui a collé aux baskets trop longtemps, il n’a peut-être pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir…
J’aime bien ou ça craint… la place de consultant de l’autre ?
Alex : Ah j’aime bien ! J’aime beaucoup l’analyse. Tu dois pouvoir tirer un maximum des images pour amener quelque chose aux gens. Tu as le devoir d’être plus pertinent, sinon ça ne sert à rien d’être consultant. En une phrase, tu dois être clair, car tu as les pubs et tu n’as pas toujours le temps de développer. Il arrive à se mettre au niveau de tout le monde. Au même titre que quand tu lis un livre, tu te dis «ah ça j’y ai pensé, mais je n’aurais pas eu la possibilité d’exprimer les choses comme ça»…
Léo : J’aime bien. J’aime beaucoup ce qu’il fait. Ça fait maintenant trois ans qu’il forme ce duo avec Philippe. Je crois qu’il y a une très bonne complémentarité. Philippe est passionné, il peut s’emballer très vite dans le positif comme dans le négatif, et j’aime beaucoup la façon dont Alex voit les choses. Moi j’ai du recul, j’ai le temps de réfléchir avant de parler. Ce n’est pas toujours évident, car on risque toujours de tomber dans la critique facile, et Alex ne le fait jamais. Il est très juste, il trouve les bons mots au bon moment. Si je prends l’exemple de la Coupe du Monde, il a vraiment été très bon, surtout que ce n’était pas facile de commenter et parler de l’équipe nationale après la victoire contre l’Espagne. J’aime cette valeur ajoutée qu’il apporte…

J’aime bien ou ça craint… la liste des 23 Suisses qui ont fait le voyage en Afrique du Sud ?
Léo : On est toujours plus intelligent après… Écoute, je vais dire que j’aime bien ! On n’avait pas énormément de possibilités et il y avait bien quelques inconnues… Quant à la question de Ben Khalifa, il est encore jeune, il a encore beaucoup à prouver et il était prématuré de le sélectionner. Je pense que Hitzfeld a fait les meilleurs choix. (A côté de lui, Alex fait la moue…)
Alex : Ça craint, ça craint ! Si Hitzfeld est Hitzfeld, un des meilleurs entraîneurs au monde, c’est aussi pour voir les choses avant la Coupe du Monde! Ce qui m’a étonné, c’est la non-sélection de Stocker et celle de Ben Khalifa. Sur le terrain, certains choix m’ont paru bizarres. Je ne les avais déjà pas  toujours compris avant, je ne les ai pas compris pendant. A l’image d’un Vonlanthen à son époque, Ben Khalifa aurait pu amener un petit rayon de soleil dans ce groupe de 23. Et moi, en tant que spectateur, j’ai besoin d’avoir ce rayon de soleil…
J’aime bien ou ça craint… le groupe de qualification pour l’Euro 2012 ? (Angleterre, Bulgarie, Pays de Galles et Monténégro)
Alex : J’aime bien le groupe. On a tiré la tête de série la plus faible. L’Angleterre est déstabilisée après sa Coupe du Monde, et tant qu’il y aura cette énigme Lampard-Gerrard, ils n’y arriveront pas. C’est peut-être le bon moment de les avoir dans notre groupe. Le Monténégro je ne connais pas, mais c’était certainement l’équipe la plus compliquée du dernier chapeau. Maintenant, s’il faut les battre pour aller à l’Euro, et bien on les battra ! Je pense que c’est un groupe abordable. Ce qui craint quand même, ce sont les déplacements que je ne trouve pas tellement sexy. En espérant que la Suisse pourra se mobiliser pour aller en Pologne surtout… Et en Ukraine, pourquoi pas… (Il rigole)
Léo : Alors moi je trouve que ça craint totalement. Je vais être dur dans mes propos, mais je pense qu’on n’a aucune chance de se qualifier, même si je n’aimerais pas que ça se passe comme ça ! On a joué contre la Bulgarie il y a un an et demi, ça jouait à deux à l’heure, mais au niveau technique ils étaient en dessus de notre équipe nationale. Côté Angleterre, je fais confiance à Capello pour trouver des solutions. Je me méfie aussi du Pays de Galles. Je suis très pessimiste, ce n’est pas du tout un bon groupe, d’autant plus que c’est un groupe à cinq équipes. Il n’y a pas le droit à l’erreur. En attendant que les jeunes champions du monde des moins de 17 ans soient à maturité, je pense qu’on va vivre deux années difficiles…

J’aime bien ou ça craint… le brassard au bras d’Alex Frei ?
Léo : Je vais dire que j’aime bien, car il a quand même une carrière exceptionnelle. Il a une grosse personnalité. Il a besoin de marquer pour avoir de l’influence sur ses coéquipiers. A mon avis, il tire quand même un groupe vers le haut. Il en veut toujours plus. Il n’a pas toujours eu une attitude digne d’un capitaine, mais son statut est justifié. Après, être capitaine ne veut pas dire être titulaire indiscutable…
Alex : J’aime bien. Pour moi, ça reste un joueur qui peut prendre la pression sur lui. Il ne faut pas oublier qu’il s’est retrouvé dans une situation difficile : blessé, rétabli, à nouveau blessé, ça n’a pas dû être facile à vivre. Au niveau de la communication durant la Coupe du Monde, il n’a pas toujours assuré. Je faisais partie des gens qui l’attendaient en conférence de presse, et il ne venait pas, sans dire pourquoi… Après, tout a été monté en épingle pour le faire passer pour quelqu’un d’égocentrique. Ce n’est pas un mouton, il fait ce dont il a envie, et parfois il faut des joueurs comme ça ! Il reste néanmoins un des rares joueurs suisses à pouvoir faire la différence à tout moment…
J’aime bien ou ça craint… la débâcle totale de l’équipe de France lors de la dernière Coupe du Monde ?
Alex : Ah ça craint ! Là on est tombé tellement bas qu’on est presque mal à l’aise face à cette situation. En tant qu’ex-footballer, je trouve que cela ne fait pas de pub, au niveau de l’éducation par exemple. Heureusement que ça s’est arrêté. Non vraiment, ça craint ! C’était juste incroyable qu’aucun joueur n’ait la lucidité de dire stop. Ces gens se sont éloignés de ceux qui devraient être proches d’eux, ceux qui triment et gagnent 1200 euros par mois, qui se déplacent pour voir jouer l’équipe de France. Ils ont complètement perdu la notion du foot comme on l’aime. Ça fait mal de voir ça, qui plus est chez un voisin. Et je peux vous dire qu’en étant sur place, une fois la France, l’Italie et la Suisse éliminés, ça faisait beaucoup. Je n’aurais pas voulu les voir gagner la Coupe du Monde, surtout avec Domenech, mais j’aurais quand même voulu les voir aller plus loin… Au final, j’étais content de les voir partir !
Léo : Tu parles de débâcle, mais elle fait du bien ! Ça remet les choses à leur place. Ils ont bénéficié en France d’une génération extraordinaire. Le problème, c’est que cette fois on est tombé sur une génération de joueurs égoïstes. Personne n’a pensé aux répercussions ! Pour le pays, les enfants, les joueurs non-sélectionnés. C’est un manque de respect total. On a mis ensemble plein de joueurs qui avaient un problème d’éducation, même si on ne peut pas tous les mettre dans le même panier. Je ne suis pas certain que les 23 étaient d’accord de ne pas s’entraîner… Un ami allemand me disait que c’était impossible pour eux d’imaginer ça, car chez eux le football véhicule une telle aura que ce serait impossible que cela se produise… Je crois pouvoir dire qu’en Espagne ou en Angleterre ce serait pareil. C’était totalement injustifié, surtout que certains joueurs trainaient des casseroles depuis un certain temps et auraient plutôt dû faire profil bas.

J’aime bien ou ça craint… la rigidité de la FIFA concernant la vidéo ?
Léo : Ça craint complètement ! On a beaucoup critiqué les arbitres, mais à leur décharge ce n’est vraiment pas facile. Durant la Coupe du Monde, on a vu des choses incroyables ! C’est un zéro pointé sur toute la ligne ! Il faut vraiment y réfléchir. Ça se fait dans tous les sports, au tennis, au hockey. Il faut vivre avec son temps et je ne suis pas sûr que ça prenne beaucoup de temps à mettre en place. On a les moyens aujourd’hui d’annuler certaines erreurs, il faut le faire !
Alex : Ça craint, ça craint vraiment… On parle d’avoir cinq arbitres alors qu’on en a déjà quatre, dont un qui ne sert qu’à porter les panneaux ! Pourquoi ne pas lui aménager une petite cabine et faire appel à lui en cas de besoin ? L’arbitrage vidéo, c’est de savoir si un ballon a passé la ligne ou si un joueur est hors-jeu ou non. Il s’agit de choses concrètes. Je ne comprends toujours pas comment les Mexicains ont pu continuer à jouer après avoir vu les images sur l’écran géant du stade ! Il aurait suffi, à ce moment-là, de visionner les images pour revenir sur cette erreur… Le reste, faute, pas faute, ça reste à l’appréciation de l’arbitre.
J’aime bien ou ça craint… l’éviction de Maradona du banc argentin ?
Alex : J’aime bien, c’est le moment ! Diego était un superbe joueur. Ce qu’il a fait à Naples était tout simplement extraordinaire, ce qu’il a fait dans sa vie était absolument scandaleux. A la Coupe du Monde, l’Argentine a été la seule équipe à laisser quatre joueurs ne pas défendre. Ça n’existe plus dans le football moderne. Tactiquement c’était catastrophique. Il avait sa méthode : on est tous des potes, tout le monde s’entend bien, mais au premier grain de sable, cette méthode a affiché ses limites. Aucune capacité d’analyse, aucune capacité de réaction, il a laissé de très bons joueurs à la maison. Je crois qu’il faut arrêter… Vouloir jouer sur le plaisir et l’enthousiasme est une chose, mais il faut avoir un minimum de pouvoir d’analyse que lui n’a pas.
Léo : Je suis tellement amoureux de Maradona… Je me fais du souci pour lui maintenant. Il est tellement à la limite, il a vécu une traversée du désert et l’équipe d’Argentine l’en a sorti. Mais ça craint, il va faire quoi maintenant ? Il m’a plutôt fait rire pendant cette Coupe du Monde. Une personne qui a fait un peu de football dans sa vie se rend compte que Maradona n’a aucune capacité d’analyse. On voyait parfois ses assistants venir le reprendre, c’était drôle… Il n’a pas la fibre tactique pour encadrer une équipe à ce niveau. Pour le football argentin, c’est bien qu’il arrête !

J’aime bien ou ça craint… l’Espagne qui rafle tout, partout, et pas qu’en foot…
Léo : J’espère qu’il n’y a pas un secret là-derrière. Non je plaisante… Pour le foot c’est magnifique, pour le tennis ça craint, évidemment ! On a déjà vécu ça en 2008… (Il hésite avant de reprendre) Oui, j’aime bien ! C’est plaisant, c’est beau à voir, c’est mérité par rapport à ce qu’ils proposent. Si je me réfère au foot, les joueurs sont plutôt intelligents, ils sont passés par-dessus la rivalité Barça-Real… J’aime bien.
Alex : Ouais, j’aime bien. Ce n’est jamais un hasard… (Il hésite et demande à Léo de lui souffler un peu la réponse) Non j’aime bien, il doit y avoir une philosophie du sport bien développée chez les jeunes. Au niveau du football, tu sens qu’il y a un gros travail derrière. Pareil pour Nadal, il impose son style. Contador je connais moins, c’est quelqu’un qui attaque ? Félicitations à eux !
Un petit pronostic maintenant… le Lausanne-Sport va-t-il se qualifier pour les poules de l’Europa League ?
Alex : (Il hésite longuement…) C’est oui ou non là ? (Il hésite toujours) C’est jouable ! Allez, je dis oui…
Servette sera-t-il promu en Super League à la fin de la saison ?
Alex : (On entend Léo souffler «Lausanne»…) Non.
Bernard Challandes sera-t-il sur le banc du FC Sion à Noël ?
Alex : (Sans hésiter) Oui !
Léo, mêmes questions…
Léo : Mêmes réponses !
La dernière question… A qui désires-tu brandir un carton rouge ?
Alex : (Il se saisit du micro et répond instantanément) Yves Martin ! Je mets un carton rouge à Yves Martin ! Je lisais toujours ses articles qui me faisaient rire, alors qu’il revienne !
Léo : (Il réfléchit longuement) Un carton rouge… (Il réfléchit encore) A Esclalettes ! Lui, je l’ai trouvé très très ridicule. Mais bon il est loin maintenant, alors on lui donne un joli petit carton rouge !

 

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8 Commentaires

  1. Excellent cet interview croisé !

    Il manquait juste une question : « J’aime ou ça craint… le service des sports de la TSR en général et Pierre-Alain Dupuis en particulier ? »

  2. Toujours sympa l’interview croisée. La seule question où, à mon avis, ils n’ont pas dit le fond de leur pensée, c’est celle sur Frei (peut-être parce qu’ils ont tous deux joué avec…) Pour le reste, je ne vois pas où est le politiquement correct… (@Yan)

    On a la chance d’avoir enfin des consultants qui apportent une réelle plus-value à la TSR. Leurs analyses sont toujours pertinentes et ils ne se contentent pas des banalités qu’on entend d’habitude. J’oserai presque dire qu’ils comblent une partie du canyon qui nous sépare des chaînes françaises (et dans une moindre mesure Tessinoise et Allémanique) et de leurs émissions sportives…

    Bravo et continuez comme ça…

  3. Agree avec F. Fellay et Pascal!

    J’attendais la question sur PAD…même si je comprends la complexité à y répondre sincèrement ;-))

  4. Bravo M. Barraz pour cette interview qui ne craint pas …les questions embarrassantes et qui alterne avec du plus léger. Et bravo pour le choix des personnes interviewées, Léo étant une personne très lucide et à l’analyse très pointue!
    Salut !

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