De Superman au Géant Vert

Shaquille O’Neal est un des plus grands joueurs de l’histoire de son sport. Grand par son gabarit de golem, grand par son talent et sa longévité, grand aussi par sa gueule et son égo. Du coup, à 38 ans, à la sortie de la pire saison de sa carrière, passablement usé, muni d’exigences salariales exorbitantes mais sans aucun employeur prêt à prendre le risque de payer si cher pour de la vieille pierre, on a failli assister – en direct ce coup-ci – à la disparition d’un dinosaure. Et voir un des plus grands joueurs de ces vingt dernières années finir pitoyablement sa longue carrière…

C’est vrai que le temps où O’Neal était surnommé Superman paraît loin. C’est un peu comme si Superman avait définitivement rangé son moule-burnes rouge et ses collants et qu’il ne restait que Clark Kent pour sauver le monde… Regarder un peu à quoi ressemblait la ligue à l’époque où le Shaq y est entré donne le vertige. Michael Jordan volait de titre en titre, puis ce fut Hakeem Olajuwon. Les joueurs de la Dream Team, la seule, celle de Barcelone, étaient tous en activité, sauf Larry Bird peut-être… Pour résumer, ça fait un sacré bail et le jeu a beaucoup changé en tant d’années.Mais le problème n’est pas là… Le truc ? C’est que le joueur le plus puissant de l’histoire du sport est très conscient de ce qu’il valait, il semblait un tout petit peu oublier que maintenant courir lui devient difficile. C’est pas ça, rassurez-vous, 2m17 et environ 150 kilos, même si ça court plus très vite, ça peut rendre service sous les panneaux, et comme il existe en NBA une équipe spécialisée dans la récupération de joueurs hors d’âge, on aura encore l’occasion de voir le monstre arpenter la ligue et, pourquoi pas, récupérer une autre bague de champion façonnée par les spécialistes jantes alu de chez Speedy.

A country for old men

Cette équipe ? Ni plus ni moins que les finalistes malheureux de la saison passée. Rien d’autre que le club le plus titré (17x) de l’histoire de la NBA. Une équipe que tout le monde enterrait pourtant avant le début des play-offs. Trop vieux, trop lents, trop irréguliers, trop caractériels, les Boston Celtics ont commencé à vraiment jouer au moment où ça comptait et se sont débarrassé des deux équipes archi-favorites à l’Est, avant de tomber pour 4 petits points dans la dernière manche de la finale… En gros, un chouette parcours pour des dinosaures. Il suffit de jeter un œil à l’âge avancé de 3 des 4 joueurs les plus importants de l’équipe : Paul Pierce a 33 ans, Kevin Garnett en a 34 et Ray Allen 35 pour comprendre que la vieille garde n’a pas fini de mordre, même si les dents sont fausses. Reste le jeune et impressionnant Rajon Rondo (24 ans) qui n’aurait pu trouver de meilleurs mentors.
Les Celtics ont certes profité du fait qu’aucune autre équipe n’était prête à offrir deux ans de contrats à O’Neal pour rogner carrément sur ses exigences salariales à la Marcel Ospel. Le désintérêt était tel que son nom circulait même dans certains clubs russes et lituaniens. Il y aurait eu, certes, quelque chose d’à la fois sublime et pathétique à voir une des figures les plus populaires du basket traîner son spleen sur les parquets de l’EuroLeague. Heureusement pour le bien des arbitres européens pas habitués à siffler une telle masse, il n’en sera rien.

Big Shamrock

En signant O’Neal pour 2 ans et 3 millions de dollars, Boston prend un risque. Le gabarit du Shaq et l’impossibilité pour qui que ce soit de le faire bouger sans son accord vont donner une arme de plus aux Celtics. A utiliser avec parcimonie cependant, car il n’est pas certain que la carcasse du pivot vétéran tienne les 164 matchs de saison régulières (et les play-offs) pour lesquels il a signé. De plus, le poste de titulaire est la propriété du prometteur Kendrick Perkins. Celui-ci est blessé jusqu’en janvier, au mieux, et devrait reléguer Shaq sur le banc à son retour.

D’où la grosse interrogation. Toujours persuadé d’être le joueur le plus dominant à son poste de la ligue, O’Neal acceptera-t-il un rôle de réserviste ?
Il a signé pour, me direz-vous. Mais être une option de rechange n’a jamais été du goût d’un joueur à l’égo aussi surdimensionné que ses chaussures. Du coup, s’il rechignait à retourner sur le banc, il serait susceptible d’utiliser la place qu’il occupe dans le vestiaire pour torpiller l’ambiance et, par la même, toutes ses chances de finir sa monstrueuse carrière sur une note positive. Il est vrai que torpiller l’ambiance, ça le connait : c’est déjà ce qu’il a fait dans la plupart des clubs où il est passé, d’Orlando à Los Angeles…
Néanmoins, s’il accepte de se mettre un peu en retrait et de jouer pour son équipe, alors l’EMS Boston Celtics aura une nouvelle arme à sortir et pourrait, pourquoi pas, faire mieux que la saison dernière. 5 petits points de plus auraient suffi, après tout !

Écrit par Arnaud Antonin