Un petit déjeuner avec Johan Djourou

Johan Djourou, de passage en Suisse, a accepté de rencontrer CartonRouge.ch samedi matin. C’est sur une terrasse de la Place du Temple, dans le cœur du Vieux Carouge, que nous avons pris le petit déjeuner avec le défenseur central d’Arsenal. Le joueur aux 24 sélections a évoqué sa carrière, son club, la Nati et son association avec Bacary Sagna. Les cafés et les jus d’orange sont sur la table, les pains au chocolat aussi, on peut enclencher l’iPhone et enregistrer !

Bonjour Johan, merci d’accepter cet entretien, est-ce qu’on se tutoie ?Bien sûr.
Tout d’abord, quelles sont les nouvelles de ta santé ?
Tout va bien, je suis de nouveau sur pieds. J’ai eu une blessure la saison passée qui m’a éloigné des terrains pour un long moment. J’ai encore quelques petits pépins, comme une déchirure musculaire, ce qui est normal après une longue absence. Mais dans l’ensemble tout va bien, j’ai le moral et me sens très bien.
Est-ce que tu connais CartonRouge.ch ?
Oui je connais bien (sourire). Bon, je ne suis pas trop «presse» mais j’ai eu l’occasion de lire certains de vos articles. J’aime bien, c’est décalé, il y a parfois certaines piques mais c’est sympa.
Parlons pour commencer de la Nati, es-tu déçu de ne pas faire partie du groupe qui affronte l’Angleterre mardi soir à Bâle ?
Non, je m’y attendais. Pour l’instant je préfère rester en club pour m’entraîner, c’est important pour moi de bosser dur à l’entraînement et de retrouver ma place sur le terrain le plus vite possible.

Après une saison blessée, tu n’as pas été retenu pour la Coupe du Monde 2010. Comment as-tu vécu  l’événement ? Es-tu d’accord si on te dit que la Suisse a été «pomme avec le bour» ?
(Rire) Pas mal celle-là. Quand tu commences avec une victoire contre l’Espagne, tu t’attends à être qualifié. Malheureusement ça n’a pas été le cas et c’est encore une fois la preuve qu’on n’arrive pas à faire le jeu contre des équipes qui sont similaires à nos forces. On a fait un exploit qui n’a servi à rien…  
Si tu étais Ottmar Hitzfeld, quelle composition aurais-tu aligné contre le Honduras ?
(Sourire) Honnêtement, c’est difficile à dire. Il a fait des bons choix. J’aurais peut-être fait jouer Yakin un peu plus tôt. Mais sinon, on n’a pas 10 millions de joueurs non plus. Il a fait des choix intéressants mais on n’a tout simplement pas réussi à faire le jeu.
On sait que tu es proche, entre autres, de Bacary Sagna. En voyant le fiasco des Bleus, est-ce que tu as pleuré ou rigolé devant ta TV ?
J’étais choqué. On n’est certes pas dedans, on ne peut pas épiloguer dessus en ne sachant pas ce qu’il s’est vraiment passé. Mais quand on est joueur de football professionnel, on a une image à respecter et à donner. La grève n’était pas la meilleure solution… 
Les Français d’Arsenal se sont-ils fait chambrer à leur retour ?
Chambrer non, mais on leur a posé des questions, on voulait savoir ce qu’il s’était passé. Ils nous ont expliqué sans trop aller dans les détails. J’étais à Los Angeles quand j’ai vu les images et tout le monde était en train de les descendre. Ça n’a pas dû être facile à vivre. Pour tous les joueurs français, surtout pour ceux qui jouent encore en France, cette histoire n’est pas finie.
S’il y avait eu la même situation avec la Nati, serais-tu descendu du car si tu avais été barré par Hakin Yakin et Alex Frei ?
(Il se marre) Non, je ne pense que ce serait arrivé. L’équipe de France et l’équipe de Suisse, ce n’est pas le même monde. Ce n’est pas le même sélectionneur non plus…

Déçu pour Sagna mais ravi pour Evra : en tant que Gunner tu dois être un peu remonté contre lui après ses déclarations sur les enfants d’Arsenal ?
Non même pas. J’ai eu de bons échos de Patrice Evra, il paraît qu’il est très sympa. C’est un chambreur, ce n’est pas méchant. C’est un match (réd. : en avril 2009, demi-finale retour de la Ligue des Champions , Arsenal recevait Manchester United et avait subi le jeu puissant des Mancuniens, s’inclinant lourdement 3-1) où ils nous avaient bien battus et voilà, après il dit ce qu’il veut dans la presse. Je ne m’intéresse pas trop à ce genre de déclarations. On fait notre travail et la prochaine fois qu’on les jouera, on essaiera de les «manger» comme des hommes (sourire).
A part ça, quel est ton meilleur souvenir avec l’équipe de Suisse ?
Pour le moment, c’est la Coupe du Monde 2006 en Allemagne. J’avais 19 ans et c’était vraiment quelque chose d’incroyable pour moi. Autrement, il y a le match amical Suisse – Italie à Genève. C’était ma première apparition avec le maillot de l’équipe nationale, et en plus c’était chez moi. C’étaient un jour et une date qui resteront gravés. 
Toi qui connais bien Theo Walcott, vas-tu appeler le joueur qui défendra sur lui mardi soir ?
(Rire) Non, il n’a pas besoin de mes conseils. Les Suisses savent à quoi s’attendre, on a déjà affronté l’Angleterre récemment même si, sauf erreur, Walcott n’avait pas joué. Ça va être un match très intéressant.
Un pronostic ?
L’Angleterre est en pleine bourre, ils sont forts mais on défend bien contre les grandes équipes. Maintenant, l’Angleterre c’est un autre style de jeu que l’Espagne, qui joue à terre. Pas facile de faire un pronostic…
Est-ce que tu gardes un œil sur le championnat suisse ?
Je regarde de temps en temps. Pas souvent, mais je jette un œil aux résultats et aux classements.
On va vérifier ça… Quels joueurs du LS peux-tu nous citer ?
J’en connais deux : Antoine Rey et Fabio Celestini.
Antoine Rey joue désormais à Lugano…
Ben voilà, j’en connais qu’un ! (Il rigole) Mis à part ça c’est magnifique ce que le LS a réalisé. C’est juste dommage qu’ils n’aient pas tiré un groupe très attractif, avec une équipe comme Liverpool par exemple.

En tout cas on espère te revoir très bientôt avec le maillot suisse et aussi avec celui d’Arsenal. Où étais-tu ce début de saison ? On t’a vu sur le banc contre Blackpool mais pas encore sur le terrain…
Je n’étais pas prêt contre Liverpool. Mais ça revient, c’est important maintenant de faire un mois d’entraînement sans pépins. 
Une nouvelle saison débute et Arsenal a pris un bon départ. Trois défenseurs centraux sont partis (Gallas, Campbell et Silvestre) et deux sont arrivés (Koscielny et Squillaci), comment te situes-tu dans la hiérarchie des défenseurs centraux ?
A cause de ma blessure, je pars avec un peu de retard, notamment sur le plan physique. Mais quand je serai en pleine possession de mes moyens, je n’ai aucune peur, j’ai confiance en moi. Je sais ce que je peux faire et j’ai une carte à jouer. Mon style de jeu s’adapte bien au jeu anglais. C’est juste une question d’être en bonne santé. Je veux vraiment vivre une saison pleine.
William Gallas est parti. Les supporters d’Arsenal ne pleurent pas son départ et ce d’autant plus après avoir constaté dans quel club il a signé… On a cru comprendre qu’il n’avait pas un caractère facile. Samir Nasri avait d’ailleurs déclaré que plusieurs joueurs ne lui adressaient jamais la parole. C’est vrai ?
Il y a beaucoup de différences dans un vestiaire. C’est comme dans la vie : tu as des affinités avec certains, pas avec d’autres. Gallas c’est un caractère, il est passé de Chelsea à Arsenal, puis d’Arsenal à Tottenham, faut quand même être solide dans la tête. C’est une forte personnalité, c’est un bon gars, je l’aime bien. Après, je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre Samir et lui.
Les joueurs ont-ils été choqués qu’il signe chez l’ennemi juré Tottenham ?
On n’est même plus choqués avec William. Il est comme ça : il aime créer cet effet de surprise, mais tu peux t’y attendre avec lui. Il est capable de tout !
On se réjouit de la venue des Spurs le 20 novembre à l’Emirates… Tu es arrivé à Arsenal en 2003 et a connu les «Unbeatables» ! Avec le recul, quel est ton sentiment d’avoir joué avec Henry, Pires, Bergkamp, Vieira, Ljungberg etc ?
J’étais très très jeune, je jouais encore avec la réserve. C’est vrai que d’être là et de voir cette équipe évoluer sur le terrain, c’était incroyable. En plus on jouait à Highbury… Mais tu ne réalisais pas, tout allait si bien que tu oubliais presque que la défaite existait. C’était tellement simple. Quand ils rentraient sur le terrain, c’était une équipe qui allait à la guerre. Faire une saison en restant invaincus, avec le nombre de matches qu’il y a, c’était fort, très fort.
Tu as aussi connu le passage d’Highbury à l’Emirates, deux mondes différents, comment ça s’est passé ?
Au début on ne s’entendait pas parler dans ce grand stade. A Highbury c’était serré, l’ambiance était folle, c’était un stade mythique. Mais voilà, quand tu es un club comme Arsenal, tu as besoin d’un stade comme l’Emirates. Aujourd’hui on s’y est très bien acclimaté et l’ambiance y est aussi fabuleuse.

Est-ce que tu pourrais jouer un jour pour un autre club en Angleterre (hormis le prêt à Birmingham bien entendu) après avoir vécu la culture Arsenal depuis 2003 ?
Oui bien sûr, un joueur de foot doit s’adapter à ce qu’il se passe dans sa vie. Si des possibilités avec d’autres clubs anglais se présentent, pourquoi pas. Mais je ne dis pas que j’aimerais jouer à Tottenham (rire).
Quand le calendrier est connu, quel est le premier match que tu cherches dans la liste ?
Manchester United, Chelsea, on regarde aussi la date du match contre Tottenham mais pour nous, les joueurs, ce n’est peut-être pas aussi important que pour les supporters. Pas dans le sens où on s’en fout, mais c’est un match qu’il faut gagner, comme tous les autres.
En tant que défenseur, quel attaquant t’a posé le plus de problèmes dans ta carrière ?
(Il hésite) Didier Drogba. C’est probablement le meilleur attaquant que j’ai affronté. C’est une «masse», il a fait une progression impressionnante.
Voilà 5 ans qu’Arsenal ne remporte rien et que les supporters adverses vous allument. La pression sur Wenger et les joueurs devient-elle insoutenable ?
On a toujours été très près de gagner, il y a un petit truc qui manque entre être un vainqueur et être juste derrière. A nous d’aller chercher ce petit truc. Jusqu’en mars on est flamboyants et après l’hiver on commence à descendre. L’excuse était de dire qu’on est jeunes, mais aujourd’hui les joueurs ont grandi et la plupart ont au moins 5 ans d’expérience avec le club, d’autres viennent de l’étranger, on n’a plus vraiment d’excuse. On n’est pas si loin et on espère que ça va arriver bientôt. Pour nous comme pour les supporters, c’est frustrant de voir Manchester et Chelsea se partager les trophées. On sait qu’on la qualité pour aller les chercher !  
Plusieurs joueurs d’Arsenal ont connu de graves blessures ces récentes saisons. Certains disent que le jeu dur est l’arme pour battre les Gunners. D’autres parlent de malchance. A ton avis ? Maladresse des auteurs ou actions préméditées ?
Il y a dur et dur. Venir casser la jambe d’un joueur comme Eduardo en 2008 (réd. : après seulement 3 minutes de jeu contre Birmingham City, le Croate est gravement blessé à la jambe gauche à la suite d’un attentat du défenseur Martin Taylor), c’est inacceptable. C’est la beauté et la fluidité du jeu qui ont fait connaître Arsenal, mais on sait aussi s’adapter à l’adversaire, même si on n’est pas une équipe de «taille» comme Blackburn ou Bolton. Si on arrive à être réguliers toute la saison, il n’y a pas beaucoup d’équipes plus fortes que nous.
Arsène Wenger est souvent critiqué en Angleterre pour être un mauvais perdant ou pas forcément toujours objectif.  Ne penses-tu pas qu’il en fait trop ?
Arsène Wenger est un gentleman. C’est un homme qui a toujours donné sa chance aux jeunes. C’est un connaisseur, il sait de quoi il parle. Mais bon, faut pas oublier qu’on demande toujours l’avis des managers sur tout : si tu ne dis rien, tu vas te faire critiquer et vice versa. C’est le rôle de la presse et en Angleterre c’est particulièrement sévère.
On sait que tu as une association avec Bacary Sagna, peux-tu nous en parler ?
C’est une association pour aider les enfants en difficultés au Sénégal. On leur donne la chance d’avoir une bonne éducation. Ce n’est pas axé sur le football, c’est général. C’est un suivi de ces jeunes enfants qu’on prend en 1ère primaire jusqu’à en faire des adultes libres. C’est un projet qui me tient à cœur, je n’oublie pas d’où je viens et c’est important pour moi de faire quelque chose pour l’Afrique. Dès l’année prochaine, on va organiser des repas de charité à Genève avec la présence de plusieurs joueurs. C’est une cause importante à mes yeux et à ceux de Bakary. 

Bonus : le 20 sur 20

1) Es-tu plutôt peinard ou fêtard ?
Un peu les deux mais plutôt peinard.
2) Es-tu plus proche de la vie de Peter Crouch ou de Chrystoph Spycher ?
(Il se marre) Spycher !
3) Quand tu es joueur à Arsenal, c’est easy avec les filles, non ?
(Il sourit) Ouais.
4) Tu pars demain sur une île déserte, que prends-tu avec toi ?
Ma copine.
5) Ah, ben elle ne va pas peut-être pas aimer cette question… Fais un beau rêve. Tu es célibataire et Angelina Jolie, Megan Fox et Clara Morgane se battent comme des chiffonnières pour te raccompagner à  ta chambre d’hôtel. Laquelle embarques-tu ?
Elle le sait en plus, c’est Megan Fox.
6) Quelle est la plus grande folie que tu aies faite jusqu’ici ?
Je ne suis pas très folie, mais ça doit être une voiture que j’ai achetée.
7) Tu peux inviter cinq personnalités, mortes ou vivantes et de n’importe quel milieu, à venir passer une soirée chez toi, qui choisis-tu ?
Michael Jordan, Barack Obama, Zinedine Zidane, Nelson Mandela. (Il marque une pause) Et Denzel Washington que j’adore.
8) Si tu pouvais donner un coup de boule à une personnalité célèbre, à qui le donnerais-tu ?
Je ne suis pas très bagarre… (Il hésite longuement) A mon frère ! (Eclat de rire général)
9) Stade préféré, stade détesté ?
Emirates et Stade de Genève. Celui où j’aime le moins jouer, c’est Bolton.
10) Joueur préféré, joueur détesté ?
Même s’il n’est plus en activité, c’est Romario. Et le joueur que j’aime le moins, bah… je n’ai pas de tête de Turc.
Allez, fais un petit effort… Joey Barton par exemple !
Ah lui, c’est un cas !

11) Club préféré, club détesté ?
Arsenal forcément, mais quand j’étais plus petit j’adorais le Milan AC. Et celui que j’aime le moins… Faut pas que je dise de bêtises au cas où je signe là-bas (rire). Allez, je vais dire Tottenham ! 
12) Pour ou contre la vidéo dans le foot ?
(Il hésite) Plutôt pour, mais pour certains cas bien précis seulement, comme pour savoir si le ballon a franchi la ligne de but. Il faut intégrer un système fiable.
13) Alex Frei ou Wayne Rooney ?
Wayne Rooney.
14) TSR ou Sky Sports ?
Sky Sports.
15) Peux-tu nous chanter l’hymne suisse ?
Oui mais j’ai la bouche pleine (rire).
16) Est-ce que ça t’arrive d’organiser des soirées fondue ou raclette pour tes coéquipiers ?
(Il rigole) Non non mais j’en ai faite une avec le physio d’Arsenal. Il a adoré.
17) Fabregas va-t-il signer au Barça ou au Real la saison prochaine ?
Alors là… Honnêtement j’en sais rien, j’espère qu’il restera à Arsenal. On verra bien.
18) Raconte-nous une blague…
(Il se marre) Une blague, ouh là… Vous me prenez de court les gars… Je suis blagueur mais là, je n’ai rien en stock.
Le plus gros déconneur dans l’équipe ?
Eboué !
19) Si tu devais choisir entre partir sur un tournage avec Rocco Siffredi ou monter sur un canoë-kayak avec Mike Horn pour descendre l’Amazone, qu’est-ce que tu préfères ?
Allez, un stage avec Rocco mais derrière la caméra, hein (rire).
20) Que peut-on souhaiter à Johan Djourou ?
D’être en bonne santé et de faire une grosse saison ! Avec un trophée au bout…
Merci Johan et excellente saison à toi !

A propos Marco Reymond 470 Articles
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5 Commentaires

  1. Fantastique, fabuleux. Johan il a vraiment les pieds sur terre, la preuve avec sa disponibilité, son assoc et aussi son site où sauf erreur il invitait par concours, des suisses à venir le voir jouer en Angleterre.

    En plus, c’était le meilleur consultant de la TSR.

    Grand respect à ce Mister.

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