Unser Ottmar, Teil 2 : «Cette tristesse aride qui naît de l’isolement»*

Des gueules d’enterrement. Encore et toujours. Pas étonnant, me direz-vous, quand l’encadrement de l’équipe est constituée avant tout de croque-morts. Que cette Suisse est triste !

Evidemment, il est logique de faire la tronche après le 0-0 contre la Bulgarie. Personne ne demandait aux Suisses de déambuler dans les couloirs de l’aéroport de Sofia en dansant la Lambada. Cela aurait même été plutôt mal vu et aurait suscité une certaine indignation.Le jeu de la Suisse – pour autant bien sûr que l’on puisse associé le mot «jeu» à cette équipe – ne procure aucune joie, aucune émotion, aucun plaisir. Je vous rassure tout de suite : les joueurs n’en ont pas plus que nous. En outre, ce qui à mon sens explique beaucoup de choses, ils n’en ont pas plus hors des terrains.

Témoignage poignant

«Avant, avec Kuhn, j’étais remplaçant mais c’était toujours un plaisir de venir. Maintenant, alors que je suis censé être un joueur majeur, ça me fait chier d’être là.» La phrase, glissée dans la confidence par un des héros de Sofia, est symptomatique d’un état d’esprit qui fait froid dans le dos. Elle oblige à s’interroger sur les conditions mises en place par Ottmar Hitzfeld et son encadrement.
Gagner sa vie – et même très bien – en parcourant le monde pour y jouer au football, avec des types qui partagent des objectifs identiques, le tout en recevant l’amour d’un public admiratif : voilà une activité qui devrait rendre le footballeur suisse heureux. Il n’en est rien. Le moteur de l’équipe nationale est en panne d’une essence bien particulière : celui du bonheur.

Compenser les lacunes

La Suisse et son petit réservoir de joueurs ne sera jamais au niveau des plus grandes nations du monde. Nous l’oublions parfois et il me semble bon de le rappeler. Le sport offre toutefois cette fantastique opportunité de renverser des montagnes malgré des moyens inférieurs à ceux de l’adversaire. Comment ? En compensant certaines lacunes par d’autres qualités. Vous me voyez sûrement venir…
La Suisse n’a pas de joueur capable de faire la différence à lui seul (le Monténégro, très limité, a par exemple Vucinic). Techniquement, ses carences sont énormes. C’est pourquoi Hitzfeld mise, à raison, sur le collectif et la solidarité. Ah, solidarité, un bien joli mot. La solidarité est de ces qualités qui dépendent grandement de l’ambiance régnant dans une équipe. Il est plus facile d’accepter de faire un effort violent pour aider un coéquipier quand on possède un vrai vécu avec lui.
Qui dit vécu, dit aussi activités extra-sportives. Mais comment connaître son partenaire quand on se cache derrière l’immense casque de son lecteur MP3 ou l’écran de son lecteur DVD portable ? Terminées les parties de chibre dans le car, les déconnades dans les chambres d’hôtel, les soirées lubriques et arrosées dans quelque club de luxe ou dans les lobbys envahis par un cheptel de filles de joie.

Plus de putes !

Vous me trouverez peut-être rustre, mais je persiste à croire que les Suisses ne vont pas assez aux putes ! Ou, du moins et de manière plus tempérée, ne vivent plus suffisamment de moments spéciaux, de ces beuveries qui amènent des situations comiques (du genre Streller qui agite son sexe sous le nez d’un Barnetta terrorisé ou Behrami qui vomit sur Von Bergen). De ces instants qui soudent un groupe.

D’ailleurs, la traditionnelle soirée d’équipe n’existe plus, déplorait un des anciens du groupe à Sofia, à la veille du match. Tandis qu’un ancien international expliquait après la rencontre : «Putain, à mon époque, ce soir, ça aurait été le bordel ! 5 heures du mat et tout le toutim…»
Plus de vie hors du terrain – il faut se dépêcher d’avaler ses six pilules, de se tartiner de crème et de se plonger dans la glace pour la récupération –, plus de vie sur le terrain. Or, et nous revenons à la question des moyens à utiliser pour compenser ses lacunes, la Suisse a besoin de grandes qualités morales, d’un brin de folie, d’euphorie et de joie de jouer pour pouvoir rivaliser avec les autres formations. Comme c’était le cas jusqu’en 2006.

Germains versus latins

Le manque d’idée dans le jeu n’est pas du seul fait des qualités des milieux de terrain. Il naît aussi de l’absence d’âme dans ce groupe. Quoi de plus normal ? me direz-vous au premier coup d’oeil sur un staff peut-être bien trop germanique pour un effectif, en englobant les Balkans et la Turquie, très latin.
Hitzfeld : triste à mourir. Pont : aligné sur son chef. Willi Weber (gardiens), Zvonko Komes (physique) et tous les autres (Abatangelo, Ebneter, Grossen, Meissgeier, Stadelmann, Suter, Von Ah) : comme frappés par un deuil permanent, comme s’ils se repassaient sans cesse les épisodes de La petite maison dans la prairie, comme s’ils postulaient tous à une place dans l’administration fédérale de type «Service des archives du Seco». Comment voulez-vous que la sinistrose ne s’empare pas des joueurs qui sont contraints de baigner dans ce contexte triste, gris, d’une insupportable lourdeur ?
Tout est morne dans cette équipe de Suisse, par ailleurs prisonnière des consignes tactiques strictes et rigides de Hitzfeld. Sous prétexte de manque de talent, on ne laisse aucune place à l’improvisation, à la création, à la joie d’être là, de jouer et de vivre des moments que le monde entier leur envie.

Rire prohibé

Il est possible de tirer la gueule et de gagner, à condition d’avoir des joueurs d’exception sur le terrain. Ce n’est pas le cas de la Suisse, qui doit trouver des solutions ailleurs. Elle préfère donner l’illusion du professionnalisme à outrance plutôt que de risquer quelques critiques si une sortie nocturne devient publique.
Le danger est là : confondre professionnalisme avec hermétisme, frigidité, repli sur soi. Comme s’il était impossible d’être concentré et souriant. Comme s’il était impossible de rire sur un terrain et de gagner un match.
* Madame de Staël
A suivre : pour un fin tacticien…
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Psyko Franco

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15 Commentaires

  1. Mais comme t’as encore une fois raison, Psyko… Tu portes pas ton pseudo par hasard, toi.

    La seule chose où je suis pas d’accord, c’est la phrase-bateau « La Suisse et son petit réservoir de joueurs ne sera jamais au niveau des plus grandes nations du monde. » Des toutes grandes, bien sûr que non. Mais il y a des tas de petits pays qui ont des équipes qui jouent actuellement mieux que la Suisse, avec des joueurs qui ne sont pas des stars planétaires. La différence, c’est qu’eux, ils ont envie, et que ça se voit.

  2. « «Avant, avec Kuhn, j’étais remplaçant mais c’était toujours un plaisir de venir. Maintenant, alors que je suis censé être un joueur majeur, ça me fait chier d’être là.» La phrase, glissée dans la confidence par un des héros de Sofia, est symptomatique d’un état d’esprit qui fait froid dans le dos. »

    Je suis dsl, mais ça, c’est tout sauf de l’information.

    Ou on donne le nom du type qui a déclaré ça ou alors on se passe de le citer.

    Parce que ce genre de procédé, c’est l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours.

    Je ne poserais qu’une question: est-ce une vraie décla d’un joueur? A défaut de savoir de qui elle provient, je souhaiterais au moins savoir à qui elle a été faite. Sinon, c’est tout simplement nul et non avenu.

    Et comme l’ensemble du papier repose pratiquement là-dessus, c’est quand même un brin enquiquinant…

  3. @Olmat
    Merci pour ton commentaire. Je comprends ton point de vue. La seule chose que je peux te dire, c’est que la phrase en question vient d’un international suisse, qui me l’a dite à Sofia la semaine dernière.
    Après,libre à toi de me croire ou pas.
    Salutations.

  4. mais j’espère que cette série de merde va vite s’arrêter ! la faiblesse de l’analyse, psycho t’aurais dû rester en retraite !!!!!
    quel merde de papier… j’ai bien tenté de me torché le cul avec, mais c’est l’écran de mon mac qu’est pas content…
    sur ce

  5. Je trouve dommage de comparer l’équipe de Suisse aux archives du Seco.
    Je suis sûr qu’il y a de gais lurons, de vrais déconneurs, dans ce service…

  6. Excellente analyse. En voyant cette équipe « jouer », j ai également l impression qu ils sont bloqués… Comme tétanisés par leur chef. Putain le foot c est pas la guerre Ottmar !

  7. On peut être d’accord sur ce qui est écrit ou ne pas l’être, une chose est sûre : Très bons articles de Psycho !

    Sincèrement, ça c’est du vrai journalisme. Avec une analyse un peu plus poussée que le bête copié-collé des comptes-rendus de match que l’on peut lire dans le 95% des journaux (papiers ou numériques d’ailleurs).

    Un esprit critique, de l’humour bien placé, une analyse pertinente, bref, encore !

  8. Comme l’explique Egger dans ces séminaires, et sûrement d’autres encore:
    performance = compétence x motivation x moyen.
    Certes, les compétences (qualités) et les moyens (infrastructures etc..) peuvent être de moins bonne facture qu’ailleurs, mais on peut compenser avec la motivation.

  9. C’est vrai que le père Ottmar, il donne pas franchement envie de rigoler avec lui. Pas certain qu’avec un Yannick Noah ou un Simon Ammann, la Suisse gagnerait plus, mais on aurait au moins un peu le sourire devant notre écran.

  10. L’article est intéressant.
    Sauf que j’ai un peu du mal avec l’idée « du footballeur qui m’a dit sous forme de confidence, etc… »
    Alors que cette phrase qui est censée avoir été dit sur le ton de la confidence, et qu’on la retrouve à la fois sur CR et sur l’émission des sports de la RSR le samedi soir, je me demande si on peut faire confiance à Psycho? Je ne doute pas que Stéphane vous l’ai vraiment dite, mais pourquoi la ressortir à tout bout de champ si c’était une confidence?

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