Wembley, the Theatre of Dreams

La finale de la Ligue des Champions a lieu à Londres, ville du football par excellence et c’est un plaisir pour moi en tant que fan de foot anglais. Peut-être qu’on respire encore plus le foot à Liverpool, Manchester, Newcastle ou encore Madrid, Lisbonne ou Dortmund. Mais cinq clubs en première division dans la même ville, c’est inégalé. Et si Avram Grant n’avait pas fait la chèvre avec West Ham cette année, il y aurait même pu en avoir six, grâce au retour en Premier League de Queens Park Rangers, et leur stade coincé entre Notting Hill et South Kensington, à quelques arrêts de métro de leur grand rival Chelsea.

Après une délicieuse et tiède cask ale dans un pub à la sortie de l’avion, la lecture des quelque dix-sept pages du Daily Mirror consacré à la finale et un burger plus tard, on commence à faire les docteurs ès football et à s’enflammer pour cette finale sur le chemin du stade. Le métro n’étant pas passé par la gare de Lausanne, aucun blessé par jet de bouteille n’est à déplorer. J’apprends au passage que si l’UEFA ne donne la finale qu’à des stades de plus de 60’000 places, il y a 26 possibilités en Europe ! Je vous laisse essayer de trouver lesquelles. Comment faisait-on avant pour répondre à ce genre de question sans une connexion Internet sur son portable ? C’est une aide précieuse pour trouver tous les noms de l’équipe de Suisse de foot sélectionnés pour la Coupe du Monde 94 (le Jurassien Patrick Sylvestre compris), la composition de l’équipe de Nantes championne de France 94-95 ou, justement, les plus grands stades d’Europe.

J’ai eu la chance de visiter quelques-unes de ses vingt-six enceintes et je pense que Wembley reste le temple du football. De par son histoire et parce que c’est un stade sans club, sans locataire, à l’instar du Stade de France ou de Twickenham en rugby, il reste un lieu mythique. Les spectateurs ne s’y rendent que pour de grandes occasions. Et j’encourage tout amoureux du ballon rond à faire le déplacement un jour pour une finale de Cup, un match de l’Angleterre ou une future finale de Coupe d’Europe. Ce devrait être un pèlerinage, un passage obligatoire une fois dans la vie, comme Marc Rosset dans le dernier carré d’un Grand Chelem ou avoir les oreillons.

These are the champions

Après une courte cérémonie artistique, difficile de ne pas avoir la larme à l’œil lorsque les joueurs entrent sur la pelouse, que l’hymne de la Ligue des Champions retentit et que des tifos magnifiques préparés par les deux camps se déploient. Comme je me trouve du côté des supporters de Barcelone, je vois mieux le fabuleux «Spirit of 68» préparé par le virage sud des fans de Manchester : somptueux.
Les dix premières minutes nous font croire que Manchester United va faire jeu égal avec Barcelone, sur la lancée de sa formidable fin de saison en championnat. Mais la machine du FCB va gentiment se mettre en marche et le premier but de Pedro tombe comme un fruit mûr sur un exploit de Xavi. Le lutin espagnol, croisement entre Ted Mosby et Robert Downey Jr, va faire une passe à un joueur, que même moi, idéalement placé pour voir le jeu en milieu de tribune, n’avais absolument pas remarqué. Van der Sar, surpris par cette passe de génie, est à 3 mètres du ballon lorsqu’il franchit la ligne. Heureusement pour le scénario de la finale, Giggs et Rooney combinent sur une touche perdue par Barcelone et «Roo» envoie un plat du pied imparable dans la lucarne de Valdes et relance les actions mancuniennes contre le cours du jeu. 1 à 1, on joue la 34ème minute, ça pue le match d’anthologie. Il n’y a pas eu d’arrêts de jeu jusque-là et deux fautes, grand maximum, ont déjà dû être commises. Si Manchester arrive à tenir tête aux Blaugranas en ne fermant pas le jeu, tout est réuni pour une grande soirée.

Crème catalane

Manchester revient des vestiaires avec sûrement beaucoup d’envies et un plan de marche dicté par Ferguson, mais le show Barcelone commence dès le début de la deuxième mi-temps et les Red Devils vont se sentir dans la peau de Mario Cipollini au pied d’un col hors catégorie. Lorsque vous voyez Barcelone à la TV, tout semble facile. Les passes s’enchainent, on s’ennuie même un peu parfois si les Catalans font tourner le ballon, et leur adversaire en bourrique, à cinquante mètres des buts. Mais il en est tout autre «en live» au stade ; le FCB est un bloc collectif qui bouge constamment avec des appels de balle incessants et des changements de rythme avec et sans ballon. Ils se démarquent plus vite que tous les produits d’un marché aux puces thaïlandais. Impressionnant !
Barcelone multiplie les actions dangereuses devant le but anglais et manque de marquer à plusieurs reprises. Comme dirait Jean-François Develey sur plusieurs occasions : «Si c’est dedans, c’est la même chose, sauf que c’est pas dedans et que ce n’est donc pas la même chose». L’extraterrestre Messi enfonce une première fois les Red Devils. J’ai entendu dire que le gardien hollandais n’était pas tout blanc sur cette action. Je veux bien croire que les ralentis donnent cette impression, mais croyez-le, quand Messi célébrait son but, certaines personnes dans le stade se demandaient encore quand il avait armé sa frappe. Villa sale l’addition à la 69ème d’un tir magnifique après avoir pris le temps d’arrêter le ballon, seul aux seize mètres. Le sentiment de puissance et de sûreté du Barça est insolant. Même si Manchester pouvait revenir sur un contre ou sur un exploit de Rooney, Barcelone donne l’impression de pouvoir à tout moment augmenter le rythme et passer l’épaule.

United désuni

A l’inverse de Barcelone, le fighting-spirit anglais va s’amenuiser tout au long de la partie. United va même perdre ses fans  un à un dans les dernières minutes. Le constat est clair : les fans de United chantent davantage dans les pubs avant le match que dans les stades. C’est une grosse déception, surtout que leur secteur s’est vidé aussi vite qu’une Guinness d’avant-match au coup de sifflet final (celui de l’arbitre). Une standing ovation en cadeau d’adieu à Van der Sar n’aurait, par exemple, pas été superflue. Il est clair que les Red Devils ont manqué leur match ou n’ont pas soutenu la comparaison avec Barcelone. Chicharito n’a pas fait le (petit) poids, Scholes est entré trop tard, Evra et Carrick ont joué à leur niveau : autant de points ingérables pour les Anglais face à l’Invincible Armada. Avec en plus un Giggs qui avait la tête ailleurs et qui a dû perdre beaucoup d’influx et de flux avant le match (l’entraineur Herbin, pour les connaisseurs de Foot en Folie, dirait que «de toute façon, on ne peut pas forcer les joueurs à ne pas avoir de relations sexuelles avant les matchs, parce qu’ils ne vont pas les avoir pendant»).

Je pense toujours que Scholes est indispensable au jeu de Manchester et que Carrick était un peu «court» comme régisseur pour combattre la meilleure équipe au monde. C’est sur ce poste, puisque Scholsy a terminé sa carrière, que Sir Alex devra dépenser les quelques deniers mis à sa disposition pour tenter de venir chatouiller un club comme Barcelone la saison prochaine. Comme si tout ceci ne suffisait pas, une des seules actions de Manchester United en deuxième mi-temps sera annihilée par un supporter barcelonais faisant irruption sur la pelouse. Je pense d’ailleurs que l’équipe de Suisse devrait s’en inspirer samedi prochain. Si un Suisse fait irruption à chaque attaque anglaise, on devrait sûrement pouvoir tenir le 0 à 0. Forcément, au vu des performances d’Inler en sélection, la tribune des supporters helvétiques risque d’être décimée en fin de match, mais le sacrifice en vaut la chandelle.
J’espère que les fans de Xamax n’auront pas regardé le match, le choc aura dû être beaucoup trop brutal pour eux le lendemain. Je ne me fais moins de soucis pour les fans du FC Sion, qui, de toute façon, ne se souviennent jamais de leurs finales, puisqu’ils arrivent bourrés comme des huîtres au stade. Cerise sur le gâteau, la soirée a fait oublier les quatre Clásicos et tout ce qu’ils ont apportés ou mis en évidence de négatif sur le football. Le jeu présenté ce soir-là par les deux équipes restera en tout les cas gravé dans ma mémoire et celle de tous les chanceux présents à Wembley.

FC Barcelone – Manchester United 3-1 (1-1)

Wembley, 87’695 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Viktor Kassai.
Buts : 27e Pedro 1-0, 34e Rooney 1-1, 54e Messi 2-1, 69e Villa 3-1.
FC Barcelone : Valdes ; Abidal, Mascherano, Piqué, Dani Alves (88e Puyol) ; Iniesta, Xavi, Busquets ; Villa (86e Keita), Messi, Pedro (90e Afellay).
Manchester United : Van der Sar ; Ferdinand, Evra, Vidic, Fabio (69e Nani) ; Carrick (77e Scholes), Giggs, Park, Valencia ; Chicharito, Rooney.
Man of the match : Lionel Messi.

Écrit par Ludovic Schmutz

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15 Commentaires

  1. Ah Mince, alors pas du tout d’accord pour Scholes. Pour c’est sa 3ème saison de trop.

    Je concède qu’Evra n’a pas été bon mais carrick a été correct.

    Mais j’aurais quand même fais jouer berbatov et anderson dans ce match 🙂

  2. Très bon article de Ludovic Schmutz !

    On est ravi de ne pas lire des propos anti-espagnol…heureusement que ce n’est pas Mouquin qui a rédigé cet article.

  3. Pas un mot sur Vidic?!!!!!! Il a été plus que nul! Il offre le 2-1 a Messi comme c’est pas permis! Même si le tire est hallucinent…
    Sinon, bah enfin une finale digne de ce nom en CL!

  4. @Telex:
    je crois que la TV zappe exprès, et avec raison ce genre de scène, afin de ne pas donner une audience qu’ils ne méritent pas à ce genre de crétins qui se croient malins d’envahir la pelouse.

    Sinon, je trouve cet article excellent, plein de jolies métaphores! Et le dernier paragraphe est tout à fait délicieux. Bravo à l’auteur, ça c’est du super CartonRouge comme on aime !

  5. Me suis rendu trois fois à Wembley, lors des deux dernières finales de Cup de Chelsea (Everton et Portsmouth) et la demi-finale face à Arsenal.

    A chaque fois c’est une ambiance de malade, une journée magnifique et trois victoires inoubliables, surtout celle face à Arsenal ;).

    J’aurai rêvé y retourner cette année pour la finale de la CL, mais malheureusement MU était trop fort, ou Chelsea trop faible…

  6. Bravo à l’auteur pour ce magnifique article.. à l’image de ce grand match!

    Bon c’est pas tout mais il est grand temps d’aller sortir tout ce qui est rouge dans mon armoire…car demain est jour de départ pour Wembley… Avec un peu d’imagination et de gruyère au carmol Margairaz aura peut-être la maestria de Xavi, Berahmi finira un match et Derdiok découvrira qu’il possède une deuxième vitesse …
    Enfin comme dirait la philosophe Dalida.. « Laissez-moi aller jusqu’au bout du rêve ! »

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