180° Sud, partie 13 : un lourd passé

Personne ne s’y attendait : la disparition des Thrashers d’Atlanta s’est passée très rapidement alors que tous les regards étaient rivés sur Phoenix depuis près de deux ans. Cette équipe a finalement payé un lourd tribut à des directions stratégiques hautement discutables et n’a pas su rebondir aux épreuves qui se sont abattues sur la franchise. Le mal était invisible, insidieux, mais finalement létal.

Sur l’aspect sportif, les dirigeants du club ont fait de lourdes erreurs. Tout commença en 2003 déjà avec la mort accidentelle de Dan Snyder. Dany Heatley, le coéquipier et ami du Canadien, était alors au volant lors de l’accident mortel qui lui coûta la vie. Après cette histoire, Heatley ne désirait plus rester au sein de l’équipe et demanda à être échangé à la fin de la saison, ce qui fut fait au grand regret des dirigeants d’Atlanta. La perte d’Ilya Kovalchuk, le visage de la franchise, fut un autre coup rude pour les Thrashers, de même que la perte de Marc Savard. Au-delà de ces deux cas hautement préjudiciables, l’incapacité à retenir des agents libres avec restriction et à engager des agents libres sans restriction (sauf pour alléger la masse salariale des équipes en délicatesse avec le plafond) péjorèrent grandement le rendement sportif des Thrashers. Le bilan durant leurs 11 années d’existence est famélique : une seule participation aux séries (aucune victoire).


Les sièges vides de la Phillips Arena : tout un symbole.

Tous ces éléments préalablement cités contribuèrent à détruire le peu de soutien populaire qui subsistait encore. Bénéficiant d’une base de fans peu nombreuse du fait d’une relative méconnaissance du hockey dans cette région – un noyau de partisans se devant d’être préalablement construit, le nombre moyen de spectateurs s’étiola irrémédiablement (de 16’240 en 2007 à 13’469 en 2011, la 27e affluence moyenne sur 30 équipes). Deux facteurs expliquaient cette baisse : le premier était relatif aux performances sportives, et le deuxième, beaucoup plus sournois, était dû à la haine grandissante qu’éprouvaient les fans envers les propriétaires de l’équipe. Comme ASG était aussi le propriétaire de l’enceinte des Thrashers, certains partisans refusaient d’assister aux rencontres pour éviter de donner de l’argent au groupe. Bel effet pervers… Le soutien avait tellement diminué que seules 200 personnes environ s’étaient rassemblées en mai dernier devant l’arène dans un effort désespéré sous forme d’une manifestation pour le maintien de la franchise à Atlanta.
L’avenir des Thrashers était de toute manière menacé ; si la rapidité à laquelle toute l’opération – des rumeurs de la vente à son acceptation par le Conseil des Gouverneurs de la Ligue Nationale – se déroula, la raison fut le fruit d’un gros concours de circonstances. Histoire de remuer le couteau dans la plaie des partisans d’Atlanta, ce fut une histoire d’une dizaine de minutes pour être précis. Le groupe True North Sports and Entertainement s’étaient d’abord approché de la concession des Coyotes de Phoenix aux abois. Ce choix était logique est naturel puisque c’était alors le candidat numéro un à la relocalisation. De plus, le groupe TSNE comptait acquérir la même franchise qui avait quitté le Manitoba en 1996. Ainsi, non seulement Winnipeg aurait pu récupérer son équipe, mais aussi toute son histoire, avec notamment la bannière de Dale Hawerchuk, ancien capitaine des Jets.

Winnipeg Jets 2.0

Tout était alors prêt, mais ce fut le coup de théâtre peu avant le délai qui allait officialiser la vente des Coyotes. La ville de Glendale accepta la libération de 25 millions de dollars afin de combler les pertes de la franchise de la saison passé et de celle à venir, donnant de facto le droit aux Coyotes de rester dans l’Arizona une année de plus. Fermement décidés à ramener la Ligue nationale de hockey à Winnipeg, True North Sports and Entertainement se dirigea alors vers un candidat blessé de deuxième choix : les Thrashers, avec la suite que l’on connaît. Winnipeg n’obtiendra pas son équipe originale, mais au moins elle connaîtra le retour de la NHL.


L’annonce du retour de la LNH à Winnipeg provoqua d’innombrables scènes de joie.

La confirmation de la vente créa des scènes de liesse absolument mémorables dans une ville qui ne vit que pour le hockey. La question était alors de savoir quel nom trouver pour la nouvelle équipe. Sans surprise, la population, à une majorité soviétique, a manifesté une volonté de reprendre le nom des Jets. Cependant, le doute subsistait quant à la possibilité de le reprendre. Le nom était en fait toujours lié aux Coyotes, et donc à l’ancienne franchise qui était établie dans le Manitoba. Heureusement, le nom était entretemps devenu la propriété de la Ligue nationale de hockey, laquelle ne fit aucune opposition quant à l’utilisation des Jets pour la nouvelle équipe de Winnipeg. Cet espoir fut rendu réel à l’occasion du repêchage 2011 qui se tint à St-Paul, générant une véritable hystérie chez les fans qui regardaient l’événement en direct. Même nom, mais nouveau design et nouveau logo ; le groupe TSNE affirma donc son intention de faire un compromis entre la dimension historique de l’équipe et sa renaissance.
Les éléments qui ont mené à cette situation et à la relocalisation de la franchise sont donc multiples et contiennent une composante temporelle à ne pas négliger. Que la ville de Winnipeg ait à nouveau une équipe est une chose formidable pour ce sport et l’engouement qu’il suscite. Que cela se fasse au détriment d’une autre équipe, c’est dommageable. En simplifiant le problème à l’extrême, nous dirons que les Atlanta Thrashers étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Avec ce second échec, la Ligue nationale de hockey ne reviendra probablement plus jamais en Géorgie.
À suivre : 180° Sud, partie 14 : quelles perspectives ?
Si tu as raté le début : 180° Sud, partie 1 : prélude à l’avènement ;180° Sud, partie 2 : le lancement ;180° Sud, partie 3 : l’Étoile du Nord ;180° Sud, partie 4 : entre esbroufe et couardise ;180° Sud, partie 5 : un univers impitoyable ;180° Sud, partie 6 : erreur corrigée ;180° Sud, partie 7 : au revoir Québec ;180° Sud, partie 8 : le déclin ;180° Sud, partie 9 : un espoir nouveau ;180° Sud, partie 10 : la nouvelle vague ;180° Sud, partie 11 : le cas Phoenix ;180° Sud, partie 12 : la mort des moqueurs roux

Écrit par Mathieu Nicolet

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3 Commentaires

  1. Bon faut arrêter de plaindre certaines villes qui perdent équipes. On parle de villes de millions d’habitants. Fans de hockey ou non, si t’arrives pas à trouver 20’000 pingus un samedi soir, tu mérites pas une équipe.

    Et comme l’a dit justement un fan canadien : quand tu appelles ce sports, le hockey sur glace tu ne mérites pas une équipe…

    Point barre.

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