Fusion Red Ice – Sierre : méconduite de match

La fusion capotée entre les claudiquant HC Sierre Soleil d’Anniviers et les verdoyants Rouge-Glace de Martigny a bien occupé le petit monde du hockey valaisan pendant le carnaval cantonal. A défaut de faire avancer le palet dans la direction escomptée par l’improbable futur directoire russo-octodurien-salquenard (!), cette idée de fusion a au moins eu le mérite de soulever quelques questions pertinentes sur lesquelles ont planché nombre de professeurs ès hockey afin de définir le «business model» le plus approprié pour le futur Gottéron «valaisan». Puisque le FC Sion ne fait rire plus personne, Carton Rouge a décidé de disséquer cette proposition de fusion dont certains aspects furent aussi burlesques qu’un dossier de reprise du Servette par un mystérieux Tchétchène. Alors, mettez casque et protège-dents, car ça va frotter dans les bandes.

Supériorité numérique

L’idée de fusion entre les deux clubs à nonante-sept pourcents francophones (les brise-cailloux de Varen étant exclus) ne date pas d’aujourd’hui. En 1995, une vague idée de tutelle du HC Martigny sur le hockey valaisan avait vu le jour grâce à une initiative totalitariste du phénoménal René Grand et du vacher Jean-Marie Fournier. Inutile de dire que sous la houlette de ces lascars, le projet de fusion suivit la même trajectoire qu’un missile nord-coréen. Toutefois, comme en Valais on aime prolonger les apéros pour vraiment «aller au fond des choses», certaines têtes bien intentionnées (Nazhikin-Epiney-Cina-Polli-Maret et autre GrandZero) courageusement décidèrent de bodychecker cette fameuse idée reçue made in Valais : «touche pas à mon clocher !». N’en déplaise aux supporters locaux de mauvaise foi(e), certains arguments en faveur de ce rapprochement «je t’aime moi non plus» auraient pu tenir la route, même avec 1.5‰  dans le sang.  

En effet, deux clubs bas-valaisans en Ligue B, ça fait beaucoup et peu à la fois : beaucoup de ressources financières (autour des 5 millions de francs) et de brassages administratifs pour, au final, produire relativement peu de matchs spectaculaires et surtout, pour n’avoir que peu de chance de décrocher une finale de play-off contre les dépressifs de Van Boxmeer. En divisant leurs ressources financières, les deux club «bas-valaisans» peuvent difficilement prétendre jouer les premiers rôles en championnat en comptant sur un amalgame d’honnêtes joueurs de Ligue B et d’un duos d’étrangers, certes expérimentés, mais au bout du rouleau à force de se taper des shifts «Strauss-Kahniens» sur les patinoires suisses.

En plus, avec un bassin de population de 175’000 pelés, en incluant La Sage et «ceux» de l’Alpage de Mandelon, ni Sierre ou Martigny ne peuvent espérer remplir leur patinoire et tiroir-caisse un mardi soir du creux de janvier, «à moins d’un recrutement tip top parfait», ajouterait Jean-Daniel Epiney en bombant le torse. Et pour compliquer l’équation du hockey valaisan, la plupart des grandes entreprises des districts du Centre se font siphonner leur budget de sponsoring par le mégalo du FC Sion, ce qui rend la marge de manœuvre des comptables des Jaunes et des Reds aussi étroite que la route qui monte au Sanetsch.   

Donc à défaut d’une belle patinoire chauffée à 7’000 places, il serait pas saugrenu de mettre l’actif des instigateurs du projet cette idée de consolider les budgets (2 x 2,5 = 4 millions en maths modernes valaisans) et de rationaliser certains frais d’exploitation (coûts de dératisation des vestiaires du Graben et de gonflage des pneus de la Zamboni).

Chèvres + Lions = Ligue A ?

A part ces arguments «bassement» financiers, on pourrait également donner une certaine crédibilité à l’idée de sélectionner les meilleurs joueurs des deux clubs et construire un groupe plus performant pour titiller les suicidaires lausannois dans la conquête du Graal. Certes, les mauvaises langues auraient tôt fait de détruire ce postulat car si à Sierre il ne restait que la pive Wesley Snell et le carbonisé Derek Cormier en tête de gondole, on commence à voir la limitation de ce mariage forcé.

Par contre, les différents mouvements juniors auraient pu judicieusement bénéficier de cette fusion en se dotant de moyens financiers et techniques supérieurs pour générer des effectifs suffisants et compétitifs dans un futur proche. Et à moyen terme, ce regroupement aurait permis de conserver les futurs Bezina et autres Thibaut Monnet plus longtemps dans la patrie des seuls grands vins suisses et ne plus céder ces talents à des clubs suisses allemands dont CartonRouge.ch vous a honteusement rabâché la suprématie sur les pauvres Poulidors romands.

Au final, cette fusion aurait pu créer un club plus ambitieux qui n’aurait certainement pas eu trop de soucis à se maintenir en Ligue B, surtout avec des adversaires risibles comme le HC Desmarais. Et en instaurant une ambition sportive «mesurée» dans ce nouveau club, certains rêveurs ont même prétendu qu’on pourrait conquérir la Ligue A dans 3 à 5 ans… Car il ne faut pas rêver, une équipe valaisanne en Ligue A avec un budget à plus de 10 millions, ça le fera ensemble ou ça ne se fera pas. Sierre peut continuer de rêver à son passé en LNA mais il est bien loin le temps où l’on pouvait grimper sur la caissette à vendanges pour voir le match à l’œil.

Bon, convaincus par cette proposition de fusion aussi bien ficelée qu’une initiative débile de Franz Weber ? Ben pas vraiment.

Mort subite

Le projet de fusion est parti du plus mauvais coup de patin avec une communication éclair et caricaturale se focalisant surtout sur le pourquoi du comment ainsi que l’actionnariat du futur club plutôt que sur un projet sportif solide sur le long terme, léché aux détails près. Et comme cette information fut fort mal relayée par la Pravda cantonale et par son porte-bouteille, oh pardon, porte-parole, René Grand, les initiateurs du projet n’ont pas pu bénéficier du rôle catalyseur des médias pour revendre la marchandise. Donc en communiquant tel un Merz empêtré dans le cambouis d’un Grippen, les ambitieux «comploteurs» ont laissé au bord des gradins les incandescents supporters ébahis par un projet approximatif, et de toute manière, à l’oppose de leur folle loyauté. Et déjà que les Dark Sun et Red Lions ne pouvaient que peu se piffrer (euphémisme valaisan), il n’en fallut guère plus pour que les Maret et cie se mettent à dos les ex-futurs spectateurs de ce nouveau club dont on ne connaissait même pas la couleur des maillots… mais où allait-on ?

En fait, les défenseurs de ce contestable rapprochement ont oublié que leur proposition n’était pas une évolution naturelle pour le hockey franco-valaisan, mais en fait une révolution dans ce milieu très sensible aux mésalliances inter-villageoises ! On va pas faire du Rilke ici, mais les comploteurs ont vérifié que l’héritage sportif de ces deux clubs pouvait rapidement se transformer en un trésor émotionnel que les supporters défendraient par tous les moyens, quitte à manifester silencieusement durant les finales de promotion au Forum ou à se mobiliser pour une factice assemblée à Sierre. 

Fusionnons, moi non plus !

Quand on fusionne, vaudrait mieux le faire avec un partenaire en tout cas aussi fort que soi, mais sûrement pas avec un club sans le sous ou vide de joueurs d’exception, bref un club dont même Pierre Hegg ne voudrait pas. En fait de fusion, ce projet déguisait une absorption du HC Sierre avec une répartition «équitable» du capital-actions façon Jean-Marie Fournier, 70/30 en faveur des actionnaires russo-bas-valaisans ! On savait les ex-dirigeants sierrois peu intéressés par les soussous ces derniers temps, mais n’est pas le Sylvio Bernasconi du pauvre qui veut.

A côté de ce leurre actionnarial, le timing de cette annonce fut aussi approprié que les calamiteuses actions en justice du Sieur Constantin. Aucun des deux clubs n’était administrativement ou sportivement prêt pour annoncer leur ban de mariage à mi-février. En fait, cette petite bombe arrivait comme une canne dans les patins pour les joueurs des Red Ice qui devaient se focaliser uniquement sur l’obtention de leur promotion sur les glaces savonneuses de 1ère ligue. Ce faux timing contribua à l’énervement justifiable des supporters des deux bords car l’idée fusionnelle constituait en réalité un larcin à visage découvert. A Martigny, on leur volait une promotion préparée depuis 4 ans et bâtie sur une originale campagne marketing de reconquête des supporters locaux et à Sierre, on leur volait «simplement» leur club, en déménageant matchs et directoire du côté de la Bâtiaz. 

Bon, on fait comment alors ?

Et la solution me direz-vous ? Pas facile et c’est pour cela qu’on ne peut pas blâmer le consortium octodurien d’avoir maladroitement tenté sa chance. Un élément qui pourrait faire aboutir cette fusion serait la prise en main de cette fusion hypothétique par une personnalité rassembleuse (Constantin, Jean-Marie Fournier ?… non, là je rigole), bref un Federer valaisan qui pourrait combiner les énergies et points de vue hyper-bornés. Une autre piste pour faciliter un rapprochement serait de construire un temple du hockey au Vieux-Pays pour donner au projet un point d’encrage sur lequel les supporters pourraient s’accrocher comme à un symbole de l’ambition du hockey valaisan à moyen terme.

Mais vu qu’en Valais on veut faire les choses à notre manière, je prédis qu’il faudra voir couler beaucoup d’eau sous les ponts du Rhône avant qu’on aperçoive cinq maillots 13 étoiles virevolter dans la PostFinance Arena. Dommage !         
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

A propos Paul Carruzzo 207 Articles
Elle est pas un peu belle notre Nati et tout le bonheur qu’elle nous amène ? Alors, Rickli et compagnie, si vous ne vibrez pas devant cette équipe, vous n’êtes pas non plus monstrement obligés de regarder. Profitez d’un bon match de hornus et foutez la paix à nos joueurs, qui comme vous, ont un joli passeport rouge à croix blanche.

Commentaires Facebook

3 Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.