Le foot suisse se tire une Bâle dans le pied

Ce jeudi 18 mai, le FC Bâle est passé tout près, mais alors vraiment tout près, d’un exploit historique : celui d’être le premier club suisse en finale d’une coupe d’Europe. On est d’accord, on parle de Conference League, mais c’est quand même une sacrée prouesse. Ce d’autant plus qu’au moment où ces lignes sont écrites, le club rhénan occupe une indigne sixième place dans une Super League qui a rarement semblé aussi faible. Vous avez dit paradoxal ?

Oui et non. Oui, parce que les Rotblau n’ont, au vu de leur effectif, rien à faire si bas dans ce classement. Des joueurs comme Amdouni, Ndoye ou Pelmard (aucun lien de parenté avec Pierre) ne vont probablement pas faire de vieux os en Suisse. De même, des cadres comme Hitz, Xhaka ou Lang (aucun lien de parenté avec Jack) ont une sacrée expérience internationale. Donc, de ce point de vue, c’est un paradoxe. Mais, à l’inverse, quoi de plus normal que de voir le club rhénan surperformer en Europe ? Eux qui nous ont habitués à de magnifiques parcours en C1 et en C3 ces vingt dernières années. Petit flashback : Finale de feu la Coupe Intertoto en 2002 ; qualification au 2e tour de la Ligue des Champions en 2003 en éliminant Liverpool et en sortant à cause de la différence de but après avoir battu la Juventus à domicile ; quarts de finale de la Coupe UEFA en 2006 ; huitièmes de finales de C1 à nouveau en 2012 en éliminant Manchester United et en gagnant le match aller des huitièmes face au grand Bayern ; demi-finales d’Europa League en 2013 en éliminant Tottenham aux tirs au buts ; quarts de finales de la même compétition en 2014 après avoir été reversé de Champions League malgré deux victoires contre Chelsea ; huitièmes de finales de C1 (encore) en 2015 en sortant (encore) Liverpool ; huitièmes (toujours) de C1 en 2018 en éliminant Benfica après un match fou et un 5-0 historique, marqué par la patte du regretté Dimitri Oberlin ; et finalement encore un quart de finale d’Europa League en 2020.

On l’aura compris, Bâle aime l’Europe. Et la Suisse aime que Bâle aime l’Europe. Car, il faut être honnête, si notre beau pays occupe aujourd’hui l’inespérée 13ème place au coefficient UEFA (ranking des ligues européennes, si important pour l’attribution des places en coupes d’Europe) devant l’Ukraine, le Danemark et la Grèce notamment, c’est avant tout grâce aux Rhénans. En fait, selon le même classement, Bâle est aujourd’hui le 32ème meilleur club européen. Soit mieux classé que des équipes comme le Milan AC, le Sporting, l’OM ou… Young Boys.

Et c’est bien ça le problème. Les Bernois ont gagné cinq des six derniers titres de Super League. Le coefficient UEFA prend en compte les cinq dernières saisons. Dès lors, pas besoin d’être aussi doué en chiffres que l’agent de Shaqiri pour comprendre que Bâle, sans gagner le moindre titre domestique en six ans, est toujours le seul club helvétique à défendre efficacement les couleurs suisses en Europe, même dans des compétitions moins cotées. Et c’est en fait ici que se trouve tout le paradoxe. YB et Zürich, parce que ce sont surtout eux les contradicteurs de Bâle au niveau national au XXIe siècle, sont au foot européen ce que le riz casimir est à la gastronomie suisse. Soit de sacrés intrus qui nous donnent un peu envie de vomir rien qu’en les regardant. Hormis l’un ou l’autre exploit sur un match, ces deux clubs n’ont quasiment jamais gagné de parties au niveau continental. Un sacré gap par rapport aux performances Rotblau.

Mais à quoi doit-on cet état de fait ? C’est difficile à dire. Peut-être que c’est lié à l’expérience : un Bâle compte aujourd’hui dans ses rangs des Fabian Frei, Michael Lang et même Heiko Vogel (aucun lien de parenté avec Marc-Olivier) qui ont été de plusieurs des plus belles épopées, ce que n’ont évidemment pas leurs adversaires. Tout simplement parce que de leur côté, aucune épopée n’a eu lieu récemment. Ou alors c’est une question de centre de formation et de recrutement. En effet, on a beau encenser ce que fait YB depuis plusieurs années, on oublie un peu vite que c’est surtout par Bâle que sont passés les principaux joueurs de la Nati aujourd’hui. Piqûre de rappel : Akanji, Xhaka, Embolo, Shaqiri, Lang, Widmer, Sommer, Schär, Okafor et Amdouni ont tous été formé ou ont éclos à Bâle. Et ce ne sont que des joueurs de l’effectif national actuel. YB a certes Zakaria, Mbabu, Fassnacht, Sow ou encore Rieder (aucun lien de parenté avec Winona) mais ça n’a pas la même gueule. Et on ne parlera même pas de Zürich, qui a autant d’impact sur le look de la Nati que le FC Vuisternens-Mézières. Au niveau international, le constat est le même. Un seul exemple parmi tant d’autres ? Mohamed Salah, qui s’est révélé sur les rives du Rhin.

Ou alors, c’est tout simplement une question de priorité. Bâle a toujours été survolté, a toujours réussi à se sublimer en Europe. Bon, on va casser le mythe, pour les dirigeants c’est avant tout parce que c’est une occasion rêvée de montrer les jeunes du cru et de faire monter leurs prix. Et pour les joueurs, c’est la scène idéale pour se révéler aux yeux des recruteurs et des sélectionneurs. Mais quand même, ça donnait quelque chose. Pour YB, Zürich et les autres, on a un peu l’impression que les équipes se disent « bon, on est déjà là, c’est cool, mais on n’a aucune chance d’aller plus loin donc autant miser sur le championnat. » Un état d’esprit à la con, en somme. Et l’état d’esprit, ça change tout.

Alors, pour que le foot suisse soit moins dépendant de Bâle, pour que notre pays revive les émotions qu’on a vécues l’autre soir au Parc Saint-Jacques, pour que la Suisse puisse exister dans les compétitions de clubs, de grâce, YB, Zürich et les Romands si l’envie vous en prend un jour, sortez-vous les doigts du cul en Coupe d’Europe. Merci d’avance.

Juste pour le plaisir

A propos Joey Horacsek 84 Articles
Bon ça va, je vais pas vous sortir ma biographie

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