Croatie – Irlande. Ou l’opposition de styles

Les bleus contre les verts. Les techniciens contre les besogneux. L’Est contre le Nord. Le match des outsiders de ce groupe C a tourné à l’avantage des premiers, plus talentueux, plus opportunistes, moins pieds carrés. Il faut désormais un miracle – voire plus – à l’Irlande.

Le matchCe match, il a été dit, écrit, ressassé et magnifié comme étant celui de l’opposition de styles. Des Croates techniquement affutés, des Irlandais physiquement réputés. Des sophismes en veux-tu, des aprioris en voilà. À chacun son style donc, qu’une première mi-temps scindée en deux aura parfaitement relaté. La Croatie a joué, l’Irlande a résisté. La Croatie a ouvert le score (3e), l’Irlande a répliqué (19e). Ensuite, les Slaves ont mis deux buts chanceux (48e, Mandzukic), mais fatalement opportunistes (43e, Jelavic). Ensuite, pas grand chose ou presque, si ce n’est une ribambelle de duels aériens et d’enfourchées défensives. Un bon match de foot loin de toute perfection, certes, mais une partie agréable entre deux équipes qui ont lutté avec leurs armes spécifiques. Le match typique dont on a rien à dire, le lendemain avec ses collègues : pas de scandale, pas de coup de génie, rien de folichon, pas même un hors jeu flagrant à déplorer (oui, le but à Jelavic est bien valable). Et à la fin, la Croatie a vaincu. Tant mieux pour les esthètes, tant pis pour les fougueux.
L’homme du match
Ils ne sont que quatre à s’arracher les droits d’habillage pendant cet Euro. Certains sont stylés, d’autres plus sommairement neutres. Certains sont saillants, d’autres flottent au vent. Hier soir, c’était la classe, l’élégance, l’égérie du parfait, le fantastique style du vert irlandais. Techniquement, c’est parfait. Esthétiquement, c’est brillant. Nous parlons ici de… Umbro, l’équipementier de l’Irlande. Profitons-en, de cette beauté, de cette ligne vestimentaire géniale car d’ici peu, Umbro disparaîtra, laissant à Nike, Adidas et Reebok la domination mercantile des lieux. Umbro se rangera alors au musée du beau, aux côtés du regretté Hummel danois. Croatie – Irlande, c’était une opposition de style. Le plus stylé n’a pas gagné, comme quoi l’habit ne fait pas le moine.
Le geste technique du match
La formidable passe de but de Stephen Ward. Le problème, avec Ward, c’est qu’il s’est trompé de sens, le bougre. Il joue aux Wolves et pourtant, l’habitude de défendre,
il l’a. Envoyer une pétufle, sauter son milieu de terrain, rechercher un coin mort dans le camp adverse, il connaît. Pourtant, son dégagement défensif s’est transformé en une merveille de passe de but offensive. Au bonheur de Jelavic, formidable buteur s’il en est. La saison de Ward s’est finie dans l’impasse, une relégation dans le rétroviseur, son Euro débute droit dans le mur, un bon vieux dégagement, dévissé et techniquement fébrile. Un geste maladroit en guise de tournant du match. Un geste qui élimine – déjà – l’Irlande de l’Euro.

La buse du match
Vedran Corluka. Le mec, il a galéré sec. Il a morflé dur. Il a déglingué McGeady sans discontinuer, des poussées dans le dos stupidement inutiles, dont cette faute ubuesque sur l’égalisation irlandaise. Si cette faute est déjà une tare en soi, son marquage sur la réussite de St Ledger est une faillite totale. Une purge le Corluka, une catastrophe vivante, que seule la victoire croate diluera. Mais contre l’Espagne et l’Italie, faut pas rêver, ça ne tiendra pas la route.
Le match vu par les Croates
Les Croates, y se sont dit, chiottes, on ne va quand même pas ramasser contre des brèles, des roastbeefs de seconde zone, une équipe avinée non pas de talent pur, mais d’embonpoint superbe, la carrure de Simon Cox ou Jonathan Walters qui rappelle des dignitaires de MMA, jamais de footeux techniquement géniaux. Chez les Irlandais, seuls deux joueurs évoluent hors de l’Albion, dont l’un deux est en préretraite à Los Angeles (Keane) et l’autre se morfond, calamiteux, en Russie, dans un pays qui ne lui correspond nullement (McGeady) ; encore un mec qui dit choisir un club par ambition sportive alors que seul son porte-monnaie rutile au moment de faire un choix de carrière. Bref, le Croate se demande comment son adversaire est même qualifié pour l’Euro. Encore davantage après ce 3-1.
Le match vu par les Irlandais
Les Irlandais, y se sont dit, chiottes, on ne va quand même pas ramasser contre une équipe de fantômes entraînée par un mec qui arbore un bonnet risiblement idiot alors que le supporter, le vrai, chante à torse-nu, les tatouages à l’air, la chair qui crépite au gré des chants identitaires. L’Irlandais moyen, au moment d’analyser l’opposition croate, se voit déjà comme vainqueur. Comment diable une équipe dont les trois seuls joueurs à évoluer en Angleterre (Modric, Corluka, Krancjar) arborent le tricot de Tottenham, peut-elle, ne serait-ce qu’un instant, songer à nous inquiéter ? Et ce, jusqu’aux buts de Mandzukic. Comment un mec qui marque de la tête, à genou, peut-il évoluer ailleurs qu’au bon vieux Royaume ? Et ce Schildenfeld, avec ce nom allemand, comment a-t-il atterri sous le damier croate, lui qui annihile toutes nos offensives, même pubères ? Les ouailles de Trapattoni ont fait honneur à leur fighting-spirit, ils auraient dû bénéficier d’un penalty (62e), ils auraient pu revenir sur le coup de tête de Keith Andrews (82e). Mais entre vouloir et pouvoir, ils sont lucides les Irlandais, y’a un fossé infranchissable.
Le match vu par le directeur commercial de Nike
Le directeur commercial de Nike, y s’est dit, chiottes, comment est-ce possible que Umbro – cette marque historique qui nous appartient pourtant depuis 2008 – fasse des modèles si beaux, si fringants et si cintrés alors que la seule notion de Nike que le quidam retiendra, après ce Croatie – Irlande, est ce bonnet rétro, si peu accointant et complètement dépareillé du costard à Slaven Bilic ?

Écrit par Sacha Clément

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7 Commentaires

  1. Moi j’étais impressionné par la reconnaissance des joueurs croates pour leur coach…

    Non mais, les croates marquent et se précipitent à chaque fois vers ce bon vieux Slaven… Incroyable!

    Ce mec est un gourou ou quoi?

  2. a noter que malgré un match engagé, il y a eu nettement moins de simulations que dans les autres parties. Et nettement moins de dicussion à chaque coup de sifflet! Même si elle était techniquement moins bonne, l’Irlande aurait du bénéficier du pénalty (même là y a pas eu bcp de réclamation. Le pire c’est que pour certains si les joueurs réclament pas c’est que y a rien…pour dire ou on en est dans le ridicule…) Bref vu que y a eu pas mal de péno indicutable non-sifflés… à quoi y servent ces cinquième arbitre?ah pis excellent Y.Paratte… dorénavant en son honneur chaque fois qu’un ballon touche le gardien avant d’entrer ça sera auto-goal .. et il a bien insisté en plus..

  3. Quelle délicieuse plume! J’ai beaucoup apprécié la prose de Sacha Clément: un phrasé affectueux et mélodieux à faire bander Démostène! J’ai eu plus de plaisir à lire cet article qu’à suivre le match!

  4. Quelqu’un pourrait s’il-vous-plaît dire à Y. Paratte que le gardien irlandais s’appelle Given et non GivenS comme il l’a répété pendant tout le match??? On croirait entendre les français lors de la CM94 qui n’arrivait pas à articuler correctement les Geiger, Hottiger, Knup et autres valeureux joueurs suisses!!
    P.S. vous avez oublié Puma au rang des habilleurs du tournoi…
    P.S.II De quelle équipe Reebok est-elle l’équipementier attitré ?

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