FC Sion vs. Reste du monde : débriefing (1/3)

Il semble bien que l’interminable feuilleton juridique initié par Christian Constantin touche à sa fin. Et se solde, comme nous l’avons clamé depuis le début sur CartonRouge.ch, par une défaite quasi-totale du FC Sion. Voici quelques considérations plus ou moins succinctes sur les développements des six derniers mois.

J’ai malheureusement un peu délaissé notre rubrique juridique ces derniers mois. Tu m’en vois désolé. Mais un deuxième tour de folie en Bundesliga a un peu plus retenu mon attention que les gesticulations ridicules d’un petit club helvétique de province et le temps m’a manqué pour analyser les différentes décisions tombées ces six derniers mois dans ce qui était à la base l’affaire El-Hadary. Accessoirement, commenter chacun des verdicts des différents tribunaux qui ont statué ce printemps, presque systématiquement en défaveur du FC Sion, m’aurait conduit à commencer chaque article (ou presque) par un « je vous l’avais bien dit ». Forcément, mon humilité légendaire en aurait souffert. Alors on va se contenter d’un seul et unique « je vous l’avais bien dit » qui recouvre les six derniers mois de l’affaire.

FC Sion vs. UEFA

Paradoxalement, c’est le volet de l’affaire qui avait suscité le plus d’espoirs d’une victoire du « petit » FC Sion (et son multimillionnaire de président) contre les « puissants » qui se solde par la défaite la plus cuisante. Souviens-toi des accents triomphants de la presse romande, qui n’a brillé ni par son objectivité ni par sa maîtrise du dossier dans cette affaire, après les décisions des mesures superprovisionnelles puis provisionnelles accordées par le Tribunal Cantonal Vaudois dans la cadre de la disqualification du FC Sion en Europa League. Me Warluzel nous parlait de triomphe total des Valaisans, on nous promettait l’annulation de l’Europa League et des peines de prison pour Michel Platini et Gianni Infantino, des millions de dommages et intérêts payé par l’UEFA au FC Sion, alors que le président Constantin promettait la présence de son équipe à Madrid, Rennes, Udine la semaine suivante…

Sauf que les mesures provisionnelles s’appuient sur un examen succinct du dossier où le tribunal ne se prononce pas sur la prétention au fond mais uniquement sur une vraisemblance. Or, les différents jugements rendus par le TC vaudois laissaient apparaître passablement de lacunes et d’omissions qui donnaient à penser que le verdict de fond serait bien différent. Il restait encore à déterminer quelle autorité devait se prononcer sur le fond. On sait que le FC Sion voulait en faire une affaire helvético-helvétique et tout régler devant des tribunaux civils suisses, en profitant de la présence de l’UEFA dans notre pays et en court-circuitant les voix de droit imposées par les règlements qu’il avait lui-même accepté. Mais l’élément d’extranéité de l’affaire, causé par la présence de clubs étrangers, le Celtic Glasgow mais aussi les adversaires potentiels de Sion en Europa League, avait complètement échappé aux juristes du club valaisan. A ce niveau-là, l’UEFA a toujours conservé une longueur d’avance en impliquant directement des clubs qui n’auraient eu aucune raison de se plier aux verdicts de tribunaux suisses qu’ils n’ont jamais reconnus. De fait, le Tribunal Arbitral du Sport devenait le seul recours possible et la seule juridiction susceptible de rendre un verdict impératif pour toutes les parties.
Le TAS a rendu un jugement extrêmement soigné avec une description détaillée et exhaustive des faits pour aboutir à une argumentation juridique en béton armé. J’invite les irréductibles groupies de Christian Constantin qui croient encore à un verdict de complaisance à parcourir les 62 pages du jugement du TAS et à nous sortir les failles du raisonnement juridique. En fait, on peut résumer l’arrêt par le seul considérant 319 qui rappelle que Sion a engagé les six joueurs litigieux alors même qu’il n’avait purgé qu’une seule des deux périodes d’interdiction de transferts dont il avait été sanctionné. Accessoirement, le TAS a démontré qu’il était beaucoup plus à même de juger ce genre d’affaire qu’une juridiction civile : le système de qualification automatique par l’UEFA sans vérification préalable des listes transmises par les fédérations, avant un contrôle détaillé si un club conteste une qualification, ce qui avait été le cas du Celtic Glasgow, avait complètement échappé au TC vaudois; le TAS a montré une connaissance du système bien supérieure.
En revanche, ce qui m’a surpris dans le jugement du TAS, c’est qu’il n’a pas abordé la question de la validité de la qualification au regard des règlements suisses ; celle-ci paraissait tellement douteuse que je pensais que les avocats de l’UEFA la mettrait aussi en cause. Mais, a priori, ils ont eu peur des errements et des « problèmes informatiques » de la Swiss Football League, si bien qu’ils ont préféré ne pas s’aventurer sur ce terrain-là et, on le verra plus tard, bien leur en a pris. Le jugement du TAS ne fait que constater l’octroi de la qualification en Suisse, sans préjuger de sa validité, et se contente de confirmer la disqualification du FC Sion au regard des règlements de l’UEFA. Ce verdict, au demeurant parfaitement cohérent et logique, était évidemment un immense coup dur pour Christian Constantin puisqu’il invalidait complètement les mesures provisionnelles dictées par le Tribunal Cantonal vaudois et légitimait l’UEFA dans son refus courageux de réintégrer le FC Sion en Europa League, malgré les injonctions judiciaires. Ainsi, les deux mesures provisionnelles prises en faveur de l’Olympique des Alpes, celles du Tribunal de Martigny et celles du TC vaudois, qui avaient tant excités les fidèles du dictateur d’Octodure, se sont avérées erronées et ont été invalidées par l’instance supérieure !

FC Sion vs. TAS

On sait que, depuis le début de l’affaire El-Hadary, ou du moins depuis sa défaite au TAS de juin 2010, Christian Constantin donne dans le dénigrement systématique et gratuit du tribunal arbitral lausannois, supposé inféodé aux fédérations internationales, alors même que la jurisprudence du Tribunal fédéral stipule exactement le contraire. Du coup, il était évident qu’il allait tenter de contester le verdict du TAS. On a dénombré quatre tentatives, toutes se sont soldées par des échecs cuisants. Le FC Sion nourrissait des grands espoirs fondés sur la Loi sur les cartels mais la Commission de la Concurrence n’est même pas entrée en matière, préférant laisser les tribunaux se prononcer. Le Tribunal d’arrondissement de la Côte a lui refusé de réintégrer le FC Sion en Europa League.
Le Tribunal Cantonal vaudois, celui-là même qui avait suscité tant d’espoirs en Valais avec ses mesures provisionnelles, a refusé d’entrer en matière sur une demande de réintégration fondée sur la Loi sur les cartels. En l’occurrence, l’argumentation du club sédunois était bien faible et l’arrêt ressemble un peu à un cours élémentaire pour étudiant en droit de première année sur l’autorité de la chose jugée. Le TAS ayant admis sa compétence et ayant rendu son verdict, le Tribunal Cantonal ne pouvait se prononcer sur le même objet, seul le Tribunal fédéral ayant la possibilité, dans certaines limites, de revoir un jugement du TAS. Au surplus, on notera qu’à chacune de ces actions, le FC Sion a dû verser des juteux dédommagements à l’UEFA, 8’000 frs par là, 40’000 frs par ci, sans même parler des frais de la procédure et de ses propres frais d’avocat.  

Il ne restait donc plus que le Tribunal fédéral pour sauver le FC Sion. Ce qui n’était évidemment pas une très bonne nouvelle pour lui puisque le TF avait déjà sèchement rejeté l’argumentation « à la limite de l’inconvenance » des Valaisans dans l’affaire El-Hadary en janvier 2011. En outre, Christian Constantin a encombré tous les tribunaux du pays avec sa rhétorique simpliste anti-TAS sans jamais tenir compte de la jurisprudence du TF, ce n’est pas franchement le meilleur moyen de s’attirer les faveurs de la Haute Cour. L’arrêt du TF (arrêt 4A_134/2012) nous laisse toutefois un peu sur notre faim. On attendait un arrêt de principe qui valide les forfaits prononcés par l’UEFA et reconnaisse une énième fois l’indépendance du TAS, malheureusement l’argumentation du FC Sion était trop légère et inconsistante pour en arriver là. Le TF s’est contenté de botter en touche en déclarant le recours sédunois sans objet. Notre Haute Cour n’a jamais été réputée pour son sens de l’humour mais on sent une certaine ironie sous jacente dans ses propos contre ce club qui réclame une réintégration « qui semble difficile, voire impossible » dans une compétition déjà terminée : « Il est notoire que la compétition de l’UEL 2011/2012 est aujourd’hui terminée. Dans ces circonstances, on ne discerne pas l’intérêt de la recourante à obtenir l’annulation d’une sentence constatant qu’elle n’a pas le droit d’être réintégrée dans cette compétition et levant des mesures provisionnelles qui ordonnent qu’elle puisse y participer ». Et, au passage, le FC Sion doit payer 15’000.– frs de frais de justice, 17’000.– frs. supplémentaires  de dépens à l’UEFA et 2’000.– d’indemnités au Celtic, à l’Atletico Madrid et à l’Udinese.
On pourrait penser que cet arrêt met définitivement un terme à la procédure Olympique des Alpes/UEFA mais Christian Constantin a promis qu’il allait continuer le combat. Effectivement, l’arrêt du TF laisse une porte ouverte en ce sens (« la décision attaquée ne peut d’ailleurs pas lui être opposée dans une éventuelle procédure ultérieure en dommages-intérêts »). Néanmoins, pour espérer obtenir un quelconque dédommagement de l’UEFA, Christian Constantin va devoir prouver l’illicéité des forfaits prononcés contre le FC Sion, alors même qu’un jugement définitif et exécutoire du TAS reconnaît la validité desdits forfaits. La seule allusion sur le fond de l’affaire dans l’arrêt du TF n’incite pas à un optimisme béat pour la cause valaisanne (« il n’apparaît pas sans autre que les griefs soulevés dans le recours étaient bien fondés »). Bref, on a l’impression que si Christian Constantin promet toujours des procédures à venir, c’est surtout qu’après avoir tellement fanfaronné sur sa future grande victoire qu’il peine à reconnaître sa défaite totale dans son litige avec l’UEFA. Et qu’il cherche surtout à diluer et masquer dans la durée les procédures sans espoir l’ampleur de son échec.
L’UEFA paraît donc quasiment tirée d’affaire dans le dossier sédunois, sans le moindre dommage. Incontestablement, l’institution nyonnaise est, de toutes les parties à ce vaudeville, celle qui a suivi la ligne de conduite la plus droite, en s’abritant derrière une application légaliste et rigide de ses propres règlements. Aujourd’hui, Michel Platini et consorts peuvent se féliciter d’avoir fait preuve de fermeté et d’intransigeance face aux mesures provisionnelles accordées à tort par un Tribunal Cantonal vaudois qui aurait été bien inspiré de ne pas intervenir dans cette affaire. Si toutes les parties avaient fait preuve de la même fermeté (suivez mon regard…), l’affaire n’aurait jamais pris de telles proportions. Après bien sûr, c’est plus facile pour l’UEFA et sa puissance financière d’ignorer les injonctions des tribunaux que ça ne l’était pour l’ASF et la SFL. Mais au final, c’est bien l’UEFA qui sort de l’affaire El-Hadary confortée dans ses règlements, son autorité et sa juridiction.
Si tu as manqué le début :

1. FC Sion vs. Reste du monde : la genèse
2. FC Sion vs. Reste du monde : l’embrouille
3. FC Sion vs. Reste du monde : le Grand Soir
4. FC Sion vs. Reste du monde : le passage en force
5. FC Sion vs. Reste du monde : la semaine de vérité ? 
6. FC Sion vs. Reste du monde : hors-la-loi
7. FC Sion vs. Reste du monde : le baromètre 
8. FC Sion vs. Reste du monde : le baromètre bis
9. FC Sion vs. Reste du monde : l’étau se resserre
10. FC Sion vs. Reste du monde : le chaud et le froid 
11. FC Sion vs. Reste du monde : l’improbable alliance (1/2)
12. FC Sion vs. Reste du monde : l’improbable alliance (2/2)

A suivre : FC Sion vs. Reste du monde : débriefing (2/3)

Écrit par Julien Mouquin