En route vers le derby !

Personne ne l’avouera mais, avant le coup d’envoi de la rencontre face à la Slovénie, on avait tous très peur. Très peur que nos champions du monde des matches amicaux commencent cette nouvelle campagne qualificative comme les deux dernières. Très peur que Djourou ait de la peine à assurer la transition des gradins de l’Emirates Stadium à la pelouse du Stadion Stožice. Très peur que la fébrilité défensive et la stérilité offensive soient à nouveau des marques de fabrique de la Nati version Hitzfeld. Heureusement, nos peurs se sont dissipées. Pour l’instant.

Les points fixes de Gottmar

Désormais, même depuis nos smartphones en attendant le bus ou le train, nous sommes nombreux à consulter chaque jour des dizaines de sites web dédiés à notre sport favori. Mais tard le dimanche soir, lorsqu’il s’agit de faire un rapide tour d’horizon des grands championnats européens, il n’y a rien de tel que les pages 220 et suivantes de ce bon vieux Teletext. En même temps que l’on découvre le détail des buteurs de chaque rencontre, la couleur violette nous permet de faire très vite un bilan du temps de jeu laissé à nos Suisses de l’étranger. Et lorsque l’on s’approche d’un match de la Nati, le violet est encore plus important pour nos rouges. C’est dire si la semaine dernière le bilan Teletext était plutôt mi-figue mi-raisin. On avait certes le but de Dzemaili avec Naples ou encore le bon minutage de Xhaka, Rossini, Lichsteiner ou Behrami  à se mettre sous la dent, mais d’autres informations violettes étaient bien plus préoccupantes : les quatre buts encaissés par Benaglio et Rodriguez avec Wolfsburg, la défaite 3-0 concédée par le Palerme de Von Bergen et surtout la énième exclusion de Djourou des plans d’Arsène Wenger. Durant tout le mercato, nous étions nombreux à espérer son départ vers un club peut-être moins prestigieux mais où son temps de jeu aurait pris l’ascenseur. Dans le même temps, l’éclosion de Rossini à la Sampdoria (où il est titulaire inamovible depuis décembre) permettait d’espérer une saine concurrence en défense centrale et c’est de manière tout de même assez surprenante que l’on apprenait dès le premier entraînement à Feusisberg que Djourou aurait été titulaire face aux Slovènes. Pour le reste, le onze de base était assez logique, même si Barnetta n’est plus l’excellent joueur qu’il a été.

Une victoire sobre

Début de match solide de la Suisse qui a tenté d’imposer sa possession de balle. Mais en face, les maîtres des lieux procédaient par contre-attaques et réussissaient à se retrouver devant Benaglio très très vite. On s’est dit alors qu’une domination stérile pouvait être punie par un contre mal géré par la défense et, mine de rien, ce scénario commençait à effrayer les plus pessimistes. Moi y compris. Mais la Slovénie n’est pas l’Argentine ni l’Espagne et la blessure du gardien Samir Handanovic n’était pas pour nous déplaire. Granit Xhaka trouvait assez vite l’ouverture d’un maître-tir et, à voir le nouveau joueur de Mönchengladbach dans une forme resplendissante et omniprésent, on s’est dit que Lulu Favre en faisait plus pour la Nati que le nouvel éditorialiste du Blick. L’ex-Bâlois était sur chaque ballon et a presque éclipsé totalement son compère Shaqiri. Après une belle parade de Benaglio, Derdiyok trouvait le poteau slovène et la fin de la mi-temps se concluait avec encore de belles actions de part et d’autre. Heureusement, Inler trouvait le chemin des filets d’un tir imparable en début de seconde période et malgré l’expulsion discutable de Barnetta, la Suisse tenait son os, en faisant parfois tourner son ballon comme les Blaugrana.

Tout est parfait pour la Nati ?

Sommes-nous déjà en demi-finale de la Coupe du Monde brésilienne comme l’affirmait ironiquement Bloody Monday ? Disons que plusieurs éléments vus durant le match de vendredi peuvent porter à s’interroger sur la réelle valeur du match présenté vendredi soir. La défense a certes bien tenu et Djourou s’est pris une petite revanche sur ceux qui – comme moi – auraient voulu voir Rossini à l’œuvre. Mais en face les Slovènes n’étaient pas forcément plus percutants qu’un Mathieu Manset après une nuit en discothèque. Von Bergen n’a pas été toujours irréprochable sur ses appuis et Rodriguez s’est fait débordé de manière parfois inquiétante. Face à une équipe avec quelques idées en plus, pas sûr que la baraque tienne longtemps. Au milieu du terrain, on soulignait certes le très bon match de Xhaka, mais le tifoso du Napoli que je suis a eu peur en voyant l’entame de match faite par le duo Inler-Behrami. D’abord approximatifs et brouillons, ils ont mis du temps à trouver leurs marques dans le rôle de digue que leur a destiné Gottmar. Cependant, au fil des minutes leur niveau de jeu s’est heureusement élevé et ils ont ensuite rendu une copie très positive, notre capitaine prenant souvent le contrôle des opérations à son compte et inscrivant un but magnifique. On remarquera cependant que, malgré la faiblesse montrée par Jasmin Handanovic, Derdiyok est resté bien muet une fois de plus. Oui, il a touché le poteau, mais c’est à peu près tout. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si les deux réussites ont été inscrites par des tirs hors de la surface. De plus, autre point préoccupant, notre Nati ne sait toujours pas tirer de corner dangereux.

Sans Barnetta, un mal ou un bien ?

Barnetta ne sera donc pas là contre l’Albanie. Je pense être comme la plupart des fans de notre Nati et j’apprécie donc Barnetta parce que, depuis l’ère Köbi Khun, il a toujours été la force tranquille de ce groupe. Mais voilà, depuis son retour de blessure en mars, il peine à retrouver son niveau. Il n’a plus beaucoup joué avec le Bayer Leverkusen avant l’été et, depuis son arrivée à Schalke 04, il ne compte que 32 minutes de jeu en championnat. Démontrant un peu de naïveté sur les deux cartons qu’il a pris, il faut dire pour sa défense que l’arbitre Tagliavento est de ceux qui sont habitués à siffler chaque week-end des penalties litigieux en faveur de la Juventus ou du Milan. Mais cette expulsion nous donnera l’occasion de voir un autre joueur évoluer sur le flanc gauche de l’entrejeu helvétique. Pour le remplacer, on parle déjà de Valentin Stocker mais, en voyant le début de saison de Blerim Dzemaili, on se dit que le natif de Tetovo pourrait être très utile à la cause, peut-être en déplaçant Xhaka sur la gauche.

Place au derby… Jepi Zvicër !

Lors du tirage des groupes, un ami politologue albanais vivant en Italie me disait, sourire en coin en levant sa bière, «il y aura le match Albanie-A contre Albanie-B, où l’Albanie-A ne sera pas l’Albanie». Après lui avoir expliqué les bienfaits de la multiculturalité helvétique, je devais néanmoins admettre que ce match sera vraiment très spécial pour beaucoup de nos joueurs d’origine albanophone. Moi-même binational italo-suisse, je remercie quotidiennement la vie de m’avoir préservé d’une carrière de footballeur professionnel avec son salaire à faire tourner la tête et le choix cornélien entre deux équipes nationales car je sais que j’aurais toujours été très tendu à l’heure d’affronter la Squadra Azzurra. J’imagine donc que Shaqiri, Xhaka, Behrami, Dzemaili et Mehmedi sont encore plus concentrés qu’à l’accoutumée car ils savent que tous les regards seront tournés vers eux et gageons qu’à l’image de Gavranovic contre la Croatie (ou de Marco Pascolo à l’époque contre l’Italie), ils feront tout pour se surpasser et pour nous rendre fiers d’eux. Jepi Zvicër, Hopp Schwiiz !
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Mirko Martino