Choc psycho-illogique

Lundi dans l’après-midi, la grande masse à inculquer apprenait la décision prise par le directoire du Lausanne HC et – semble-t-il – attendue depuis longtemps par beaucoup : le licenciement du head coach de la première équipe John Van Boxmer et son remplacement temporaire par l’assistant actuel, le brillant coéquipier de Claude Verret et de Martin Desjardins dans l’ancienne première ligne d’attaque lausannoise, le numéro 32 du LHC Gerd Zenhäusern. On allait voir ce qu’on allait voir.

Un éternel recommencement

Il y a quelque chose de rassurant à être supporter du LHC : il n’y a rarement de surprise d’une saison à l’autre. Prenons un point de départ, disons l’avant-dernière semaine du mois de juillet. Il fait chaud, le soleil brille et la grande fête à la saucisse nyonnaise bat son plein. Le supporter du LHC descend ses litres de Cardinal, fume des pétards et écoute de la daube has been ou française sur la Plaine de l’Asse. Il ne pense pas, ou très peu, à ce qui se passe en coulisse de son club préféré. Il sait que d’ici à quelques semaines, il se rendra en t-shirt à la Coupe Horlogère de la Vallée de Joux retrouver ses voisins du bloc F devant une saucisse pour faire des théories, admirer le nouveau maillot «match amical» (qu’il achètera aux enchères une fois la saison commencée ; un sou est un sou), découvrir les nouveaux joueurs recrutés durant la pause estivale, regretter ceux dont le contrat n’a pas été renouvelé, et surtout se réjouir du discours rassurant (et lénifiant) du directoire lausannois «cette année c’est la bonne». Entre temps, il aura lu quelques articles subtilement placés entre le lancement de la énième initiative inutile de l’UDC et l’analyse de l’eau des plages du Léman dans le 24 Heures, partenaire média si précieux, glorifiant la stratégie à long terme de la nouvelle équipe dirigeante, la patience enfin récompensée des supporters. Il se jettera sur «l’offre alléchante» de 10 % sur le prix de son abonnement avant fin juillet.
Et la saison commence. En trombe ou pas, ce n’est finalement pas très important. Le supporter du LHC sait qu’il verra des jolis matchs, des belles victoires et des défaites rageantes, mais qu’invariablement il aura l’occasion de lire les mêmes paroles pour excuser l’inexcusable. Un round-robin sur «on ne gagne pas un championnat en septembre», «les joueurs blessés nous manquent», «l’équipe est prête mais rate trop d’occasions», etc… (voir éditions 2005-2012 du partenaire média officiel). Le LHC aura atteint son objectif non-avoué d’être en play-off (quand même !) mais échouera inévitablement aux portes de la Ligue A. Et il y a la variante B, celle dont le directoire a usé et abusé jusqu’en 2009 : le changement d’entraîneur avant Noël pour créer «ce déclic qui fera exploser les résultats».

Trop gentil, trop méchant

Les dirigeants du LHC nous avaient épargné cette ineptie depuis presque 3 ans. C’est dire si le supporter du LHC a pris la nouvelle de lundi soir comme une énorme surprise. Une surprise encore plus grande si l’on songe que cette décision – ou plutôt cette non-décision – de se séparer de Boxy a pourtant conditionné tout le recrutement. Rimann a été écarté car trop petit, Ulmer est un tricheur, Mottet et surtout Staudenmann n’ont pas le niveau LNB (ou A, je ne sais plus), Seydoux est le défenseur qu’il faut à Lausanne.

Pour qui suit ce club depuis plusieurs années (décennies), le refrain est pourtant connu. Le mal aussi. A Lausanne, ce n’est pas le directoire ni l’entraîneur qui décident, mais les joueurs. Lorsqu’on entend que le fax chauffe tant le nombre de demandes de joueurs voulant parapher un contrat avec LHC est grand, c’est parfaitement vrai. Si l’entraîneur est trop doux, on «joue contre lui» pour avoir un plus dur à Noël ; s’il est trop dur et empêche les talents de s’exprimer, alors on «joue contre lui» pour en avoir un plus doux. Dans tous les cas on peut profiter d’une jolie situation financière et les possibilités de reconversion sont légion. Boxy a réussi l’exploit d’être les deux à la fois. Vous imaginez ? Dur et trop gentil pour les starlettes lausannoises ?
Pour clore le chapitre biblique, on peut parier à 1 contre 1 que l’on va au devant d’une saison lausannoise normale, une bonne vieille «saison de transition» des familles. Que le successeur de Gerd Zenhäusern sera probablement un «dur» (la rumeur Pelletier était donc infondée) et qu’on ne comprend pas l’agenda. Si les joueurs perdus par tant de douceur canadienne avaient été entendus par le directoire, tout déboussolés qu’ils étaient après la défaite en play-off d’avril 2012, alors pourquoi avoir laissé Boxy donner son avis sur la non-reconduction d’éléments essentiels (Staudenmann, Mottet) et la reconduction de pitres (joker) ou l’achat de quarts ou de demis joueurs (Seydoux) ? Tu dégages Boxy en mai, tu engages un tout méchant en juin et tu as juillet et août pour construire ton équipe avec le tout méchant, que tu gardes après Noël.

Et ce choc alors ?

Pour son premier match à la bande, l’ami Gerd Zenhäsern n’a pas démérité dans le contexte de reconstruction du moral de Conz et de ses starlettes. Malgré une entame de partie catastrophique, 0-2 est bien payé, personne n’aurait hurlé au scandale avec 0-5 dans le premier tiers. Une défense apathique, un gardien fébrile et une Paradesturm aux abonnés absents ont permis aux deux premiers blocs du HC Red Ice (ci-après HC Martigny) de briller. La recrue NHL valaisanne et son compère McMurchy, aidés par l’indésirable Ulmer, ont tout simplement surpassé un LHC à l’agonie. Le salut lausannois est venu des deuxième et troisième blocs. Après une ouverture du score d’Antonietti, le bloc de Conz a montré la voie à suivre durant un shift de près de 2 minutes 30. Exténués, brûlés, raides, mais brillants, ils ont réveillé la première ligne vaudoise. Deux buts splendides de Genoway (quelle finesse en accompagnant le puck dans le but) et Setzinger sur une passe magique de derrière la cage martigneraine du numéro 5 lausannois. A 3-2 on s’est dit que Lausanne tenait sa revanche du déplacement dramatique d’il y a quelques semaines dans la ruine du coude du Rhône. Il n’en fut rien. Une agression de Cristobal – Weltklasse – Huet sur un joueur valaisan entraîna deux minutes de prison magnifiquement mises à profit par le HC Martigny pour égaliser et envoyer les deux équipes en prolongation. 5 minutes qui ne donnèrent rien. Au jeu des tirs au but, la finesse des joueurs lausannois a fait la différence sur les bourrins valaisans. Huet n’a pas eu à forcer sa classe, on attendra donc une autre occasion (il y en aura prochainement) pour voir le portier français dans ses oeuvres.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lausanne HC – HC Red Ice 4-3 (0-2, 2-0, 1-1) tab

Malley, 4846 spectateurs.
Arbitres : MM. Clément, Huguet, Wermeille.
Buts : 04:48 0-1 Portmann (Vermeille), 06:29 0-2 Ulmer (McMurchy), 24:49 1-2 Antonietti (Leeger, Fischer), 32:24 2-2 Genoway (Setzinger, Fischer J.), 53:31 3-2 Setzinger (Genoway, Bürki), 59:17 3-3 Hörnqvist (Ryser, Ulmer)
Tirs au but : 3-0 pour LHC (Genoway, Setzinger, Bürki)
Pénalités : 6 x 2’ contre LHC, 4 x 2’ + 10’ (McMurchy) contre Red Ice
LHC : Huet, Fröhlicher, Kermzin, Leeger, Fischer J., Chavaillaz, Borlat, Augsburger, Conz, Fischer S., Helfenstein, Antonietti, Le Coultre, Setzinger, Dostoinov, Genoway, Bürki, Berthon, Primeau, Loeffel
Red Ice : Todeschini, Maret, Flückiger, Girardin, Stephan, Müller, Ryser, Iglesias, Vermeille, Posse, Spolidoro, Portmann, Dähler, Depraz, Rimann, Malgin, Grezet, Savary, Ulmer, McMurchy Hörnqvist

Écrit par Vincent Keller