Rendez à Armstrong ce qui appartient à Armstrong !

Pour paraphraser le meilleur président étasunien de l’Histoire et lorsqu’on parle de cyclisme, il y a deux sortes de gens : d’un côté la grande masse des suiveurs béats d’admiration devant l’UCI, l’agence antidopage et Richard Chassot, de l’autre ceux qui froidement essaient de confronter la réalité des chiffres afin de tenter de comprendre ce qu’est véritablement le cyclisme professionnel. Le sport d’élite devrais-je dire.

Alors, Ballstrong dopé ?

A quoi cela sert-il d’entrer dans le lard de l’évidence ? Tout le monde le savait, l’UCI, l’agence antidopage et Richard Chassot. Dès sa première victoire en 1999 jusqu’à sa septième en 2005, l’homme n’a pas eu de difficulté à présenter un palmarès anti-doping à faire trémousser les ovaires de la Sainte-Vierge. Il lui suffisait d’être informé quelques jours (heures) avant le passage des «contrôleurs» et de faire une vidange-remplacement des quelques litres de sang dans son EPO, de glisser un ou deux billets dans la main de Hein Verbruggen ou d’antidater une ordonnance pour quelques produits antiasthmatiques le cas échéant. Le résultat final était sempiternellement le même : Lance Armstrong roule à l’eau claire. A la bonne heure !
Bien, tout cela on le savait, et alors ? Quelle est la véritable portée de ce que le Professeur Antonio Rigozzi appelle «exercice d’équilibrisme aussi délicat que compréhensible» en parlant de la (regrettable) décision de l’UCI d’enlever à Lance Armstrong ses 7 titres de vainqueur de la Grande Boucle dans les colonnes de notre confrère Le Temps ?

Deux tendances

Quiconque s’est une fois penché sur la réalité des chiffres du Tour de France aura sans peine remarqué les deux tendances qui se démarquent depuis la création de la course : d’abord la distance totale de la Grande Boucle décroît linéairement avec les années. Des inhumains 405 kilomètres de moyenne pour les 6 étapes de 1903, on est passé aux environs 170 kilomètres en 2012 pour une vingtaine d’étapes. Ensuite, la vitesse moyenne suit la tendance inverse : des 25 km/h de moyenne en 1903, on est passé linéairement à 44 km/h en 2012. Les difficultés de la course sont restées sensiblement identiques (autant de cols hors catégorie et de sprints massifs). Le drôle analysera ces deux tendances en mode Café du Commerce : «ben ouais, tu vois Marcel, en 1903 les mecs étaient lâchés tout seuls, ils devaient se démerder tout seuls, y a même eu Eugène Christophe qui a dû aller réparer son vélo à Sainte-Marie-de-Campan à la forge du père Joseph. Aujourd’hui les cyclistes ne sont qu’une partie d’une gigantesque machinerie technologique, des vélos en carbone, des oreillettes, des gars qui les suivent pour leur faire une petite injec’, donner à boire, le jour et la nuit, quoi».
Le dopage a toujours existé sur le Tour de France, Lance Armstrong n’est pas le seul à avoir été accusé. Ça aussi c’est bateau. De Fausto Coppi dans les années 40 à l’affaire Festina, d’Anquetil («Si l’on veut m’accuser de me doper, ce n’est pas difficile, il suffit de regarder mes fesses, ce sont de véritables écumoires», 1967) aux 525 watts de Miguel Indurain, en passant par Tom Simpson en 67, tous étaient chargés jusqu’à l’os. Même le dernier de la course avait le droit à son ersatz de pot belge. Armstrong a juste perfectionné la technique à l’ultime en réussissant là où ses illustres prédécesseurs ont lamentablement échoué : ne pas se faire prendre. La qualité du produit a évolué, les techniques de corruption aussi. On peut même tenter une extrapolation des deux tendances et estimer qu’en 2103, année du 200ème anniversaire du Tour de France, ce dernier comportera une vingtaine d’étapes pour une distance totale de 2000 kilomètres qui seront parcourus à une vitesse moyenne de 60 km/h, soit environ 10 km/h de plus que le record de l’heure de Ondřey Sosenka en 2005 (qui lui l’avait fait sur une piste toute plate, à l’abri des intempéries, pas sur les pentes du Ventoux, de l’Alpe d’Huez ou du Tourmalet).

Historique cette décision ?

Evidemment que non. L’UCI ressort blanche comme un tas de neige à Bogota, l’USADA a bien fait son travail et Christian Prudhomme pourra à nouveau inviter des «vrais sportifs» à sa grand-messe de la pharmacologie en été 2013.
Et si, pour une fois, il y avait quelqu’un de compétant dans cette UCI et qui avait une paire de couilles, du même métal que celles du Texan ? Au lieu de courir après la chimère de l’eau claire, autoriser le dopage quel qu’il soit ? Tu veux gagner le Tour de France, tu peux prendre ce que tu veux, à tes risques et périls. Tu peux finir comme Tom Simpson avec un taux d’érythrocytes rendant le sang aussi épais qu’un vieux ketchup oublié dans une poubelle de MacDo, mais tu peux gagner. Après quelques morts, certain que la tendance s’inverserait. La nature aime l’équilibre, pour le cyclisme nous ne sommes pas encore arrivés à l’entropie maximale. Et que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas écrit. Ce qui est valable pour le cyclisme, l’est évidemment aussi pour tous les sports pratiqués à un niveau «élite».
En attendant, puisqu’on est certain qu’aucun des vainqueurs du Tour de France depuis 1903 jusqu’à 2012 ne roulait sans dopage : rendez ses sept victoires au Maître.

Écrit par Vincent Keller

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6 Commentaires

  1. Intéressant comme point de vue, que je partage en partie (l’hypocrisie entourant toute l’affaire et notamment la position de l’UCI). par contre je trouve que tu simplifies un trop peu le problème et je ne partage pas ta conclusion:

    Il y a d’autres facteurs qui expliquent l’augmentation des vitesses moyennes que seulement le dopage.
    Il faut tenir compte du matériel, de l’état des routes et des méthodes (légales bien sûr) d’entrainement. sans remonter à 1903; mais entre un jacques anquetil qui avait un vélo de 12 kg à 6 vitesses, des routes de montage partiellement pas asphaltées et qui s’entraînait au feeling en courant à fond de mars à septembre et des coureurs d’aujourd’hui avec dérailleur électrique à 10 plateau, des vélos de 8 kg, des routes fraîchement asphaltées pour le tour et 4 scientifiques uniquement dédiés à planifier l’entrainement pour être au top pendant 3 semaines… si les vitesses n’avaient pas augmenté il faudrait se poser des questions!
    Les effets du dopage ne se font pas forcément sentir dans la vitesse moyenne globale. c’est plutôt la capacité d’enchainer tous les jours des performances à un même niveau d’intensité, de répéter encore et encore des attaques sur des pentes à 10%, etc.
    L’autre truc que je trouve un peu simplifé c’est que tu impliques que le dopage c’est quelque chose de très noir-blanc, très facile à cerner, avec des limites clairement définies. C’est un peu plus complexe que ça à mon avis.
    C’est dans la nature humaine d’essayer de prendre quelque chose pour se sentir mieux: jamais pris de café? un red bull? du sucre? juste que dans un travail normal, on est pas sanctionné pour ça… le sportif si.
    Mais la limite n’est pas aussi simple: quand 1% de différence dans la perf décident entre la victoire et la défaite on va tout faire pour aller aux limites. mais le sportif a le droit d’aller séjourner à 4000m pour augmenter le taux de globules rouges. mais par contre pas de prendre un produit qui fait le même effet… il a le droit de prendre tout un tas de vitamines et autres, mais pas de produti pour avoir un peu moins mal le lendemain.
    Je suis persuadé que la majorité des sportifs dopés ne se sont pas levés un jour en se disant « aujourd’hui je me dope – je prends la totale ». ca vient lentement. a force de se faire prendre par un cercle vicieux: « si je prends que ça c’est si grave – et puis tout le monde le fait et le médecin de l’équipe me l’a conseillé. »
    Donc faire le raccourci: « de toute façon le sportif d’élite c’est un être sans scrupules qui va tout faire pour ne pas se faire attrapper » c’est un peu facile. Comme l’est de dire qu’il faut autoriser le dopage. parce que à ce moment le seul qui pourra gagner c’est le gars qui est prêt à le plus sacrifier sa santé et qui en parallèle à le plus de moyens financiers (on oublie souvent le coût de tout ça. non tout le monde n’a pas pu profiter du système armstrong. c’est beaucoup trop cher!) et si surement on arrive aujourd’hui à éviter des cas Simpson. Il suffit de voir le nombre de décès/maladies et autres problèmes de santé à un âge beaucoup trop jeune de tellement d’ ex-sportifs pour se rendre compte que la libéralisation ne régulerait jamais rien.
    C’est clair que jamais on n’arrivera à éradiquer complètement le dopage. parcontre ce n’est qu’en punissant même les plus grands qu’on arrivera à quelque chose. inutile de remonter à il y a 30 ou 40 ans les réglements et les lois étaient différentes. les moyens à dispositon aussi.
    mais on ne peut pas ignorer ce qui s’est passé dans le cas Armstrong. ce serait donner un coup d’arrêt complet à tout ce qui a été entrepris pour limiter ce fléau.
    Pour moi la direction prise le cyclisme (qui est largement plus actif que d’autres sports tout aussi touchés: l’athlétisme ou le ski de fond pour ne citer que ceux là; et je ne parle même pas du foot ou du tennis ou l’hypocrisie est encore plus grande) est juste. Tout en sachant qu’il y aura toujours des tricheurs, avec des actions telles que le passeport biologique, des règles toujours plus précises et les recherches on arrivera en tout cas à l’imiter les possibilités de dopage et à écarter les pratiques les plus dangereuses…
    Il faudrait juste encore aller plus loin dans les sanctions. Armstrong n’a pas monté ça tout seul. Il y a des entraineurs, des managers, des médecins qui sont nécessaire pour faire ça. ces personnes devraient être punies aussi sévèrement que le sportif et surtout bannis à vie du sport.

  2. La question que je me pose, dans l’affaire, c’est à qui vont revenir ces 7 tours ?

    Parce que lors de pas mal d’entre eux, le 2e était aussi sacrément chargé (Ulrich, pour ne citer que lui).

  3. Il y a un truc que vous ne semblez pas comprendre, c’est que Amstrong ne faisait pas que se doper, il ne faisait pas non plus que se doper mieux que les autres, c’était un véritable parrain, un mafioso. Il obligeait les membres de son équipe à se doper, il les chargeait notamment de l’aider à dissimuler son propre dopage. Il intimidait ceux qui voulaient parler après s’être fait prendre, il versait des millions à l’UCI, il s’attachait l’amitié des puissants comme Sarkozy pour faire tomber les gêneurs comme le directeur de l’agence anti-dopage française.
    C’est cela qui le rend différent, bien plus dangereux et bien plus responsable que les ullrich et les rasmussen.
    Il ne faisait pas que tricher, il s’assurait méthodiquement que tout le monde triche, qu’on ne puisse pas faire autrement que tricher, que l’UCI encourage ces agissements. Bien sûr, il n’est pas le seul coupable, il n’a pas pu le faire seul mais il n’est pas comparable aux autres dopés, simles lampions du système.
    Et si les Ulrich, Contador, Rasmusen, Vinokourov sont tombés parce qu’ils se sont dopés, pourquoi Amstrong convaincu de dopage serait épargné ? Parce que c’était le parrain et pas un simple lieutenant ?

  4. Je rejoints tout à fait langue-rouge : le probléme de l’affaire Armstrong n’est pas tant le dopage puisque c’est monnaie courante dans le sport de haut niveau mais tout ce qu’il y’a autour .
    Il a monté tout un réseau structuré dans le but de mieux tricher que les autres en mouillant au passage un paquet de monde .
    Personellement ceux qui m’horripilent le plus ce sont les dirigeants et les coureurs qui non contents de faire semblant de s’offusquer de ce que tout le monde savait essayent de nous faire croire qu’ils n’en sont pas et que tout va changer .
    Vous avez vu le parcours du tour 2013 : c’est une vrai pub pour l’epo .

  5. J’avais lu un article très intéressant il y a quelques années, je crois sur le site de 24h.
    L’auteur comparait les temps des montées des coureurs en watts ou je ne sais plus très bien. C’était assez technique mais plus éloquent.
    On y trouvait notamment un résultat plus élevé concernant Contador sur une certaine montée que Pantani sur la montée de l’Alpe d’Huez…
    Je suis désolé de mon commentaire aussi pauvre en statistique mais si quelqu’un voir de quel article je parle j’aimerai bien le retrouver.

    Concernant l’affaire, et comme déjà dit, la différence entre un simple blaireau comme Ricco et Armstrong, c’est que le premier se réinjecte du vieux sang qui pourrit depuis 6mois dans son frigo et alors que pour le cow-boy c’est tout simplement du crime organisé!

    Maintenant qu’on sait jusqu’où est allé le système pour se doper, il faudrait commencer à voir des sanctions en conséquence.
    -Palmarès entier retiré (même les victoires chez les U10)
    -L’amende = le triple de ses primes et de ses contrats publicitaires réunis, sur l’ensemble de la carrière également.
    -Bannissement à vie de tout sport, professionnel, amateur etc…
    -Pour le cas d’Armstrong, prison ferme.

    Cela peut paraître extrême mais j’ai pas l’impression qu’on va s’en sortir autrement… Malheureusement.

  6. @JC

    Ouais arrête…les 3/4 des directeurs sportifs se sont fait pincer 1 voire plusieurs fois en étant coureur. Le pire? Le directeur sportif Andersen de Cancellara ou des frères Schleck: pincé 7 (!) fois pour dopage durant sa carrière…le pire c’est qu’on laisse un type pareil être directeur sportif et dire après: « oui, le cyclisme en fait bcp bcp plus que les autres en terme de dopage, on veut rouler à l’eau claire… » lol…beau l’UCI…

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