Tyler de rien… et pourtant !

Vendredi 2 novembre 2012 au Stade de Glace, 5003 personnes dont le soussigné ont assisté à un grand match de hockey. Un match qui se hisse dans le trio de tête parmi les centaines de rencontres auxquelles il m’aura été donné d’assister en plus de trois décennies à fréquenter ce lieu, devenu depuis bien longtemps une deuxième maison.

Pourtant les premiers instants furent genevois, et des maladresses qu’on ne souhaitait plus voir se commettaient pourtant bel et bien au bout des crosses biennoises. Quand soudain, venant de nulle part et lancé à pleine vitesse par Tyler Peter, Tyler Seguin annonçait le tarif à venir à un Tobias Stephan peu habitué à de telles entrées en matière cette saison. Et pour bien montrer que cet EHCB-là ne vit pas que de ses saisonniers de la soi-disant grande ligue, c’est bel et bien par sa quatrième ligne, celle que tous s’attendaient à voir souffrir contre le leader, que le coup d’assommoir fatal fut asséné. Tout d’abord par le toujours surprenant (ce qui peut être compris dans les deux sens) Tyler Lauper parfaitement lancé par Tyler «Ironman» Wetzel, puis par Tyler Haas enrhumant d’un mouvement Bezina et Vukovic pour un game-winner en devenir à trois petites secondes de la première pause. Entre-temps, Tobias Stephan a dû recourir à sa boîte à miracles lors de plusieurs phases de jeu d’un autre monde, ou plutôt d’une autre ère. Celle où les prénoms de Normand et Richmond étaient ceux scandés le public. On était surtout hors du temps, là où même la réduction du score de Couture ne fut qu’anecdotique.

It’s a kind of magic

Le reste ? A l’avenant, pour le moins ! Tyler Kane, Tyler Seguin et Tyler Micflikier qui unissent leur talent pour un 4-1 d’une émouvante pureté. Avant que Tyler Kane pourtant encore tout jet-laggé ne serve Tyler Seguin par une feinte et une passe à la limite de la lubricité ! 5-1. Et tout ça alors même que les visiteurs genevois appliquaient à la lettre la doctrine immuable de leur omnipotent coach en s’évertuant à durcir et pourrir à outrance tout ce qui pouvait l’être. Sa tête bien carrée au fond de son séant, le head Prugger et sont parfait matricul(e) 69 ne sut pas saisir les premières chances que Vukovic et consorts lui offrirent pourtant sur un plateau d’argent d’opposer un refus catégorique de cette façon de détruire le jeu. Tout juste se surprit-il à se retrouver un semblant de testicules lorsque l’inénarrable McSorley refusa longuement de renvoyer ses joueurs au jeu, en se risquant à siffler une pénalité mineure pour retard de jeu alors même que le rougissant ontarien frisait de quelques secondes un forfait pour refus de jouer. Mais au final bien en a pris l’arbitre principal, les aboiements des molosses servettiens peu enclins à tout simplement respecter le sport et la domination générale de leur hôte du soir devenant au fil des minutes un pur régal à observer. Entre simulations et coups de bas étages du bout du lac, Berra réussit même à démontrer que le fatal Picard est complètement givré, sans doute lassé de se faire bousculer de toutes parts à la moindre occasion.

Champagne

Tyler Seguin, très loin de faire tout un fromage de se retrouver face à un nouveau cerbère dans la cage des aigles, allait encore en planter deux avec les complicités récidivistes de Tyler Kane et Tyler Micflikier, gratifiant un Tamo pourtant méritant d’une courte invincibilité d’à peine plus de trois minutes en Ligue nationale A,  tandis que dans une indifférence totale le serial shopper Simek allait marquer un second goal pour Genève à des Biennois la tête d’ores et déjà en direction du Parsenn. Conquis, séduit même, le public local resta en nombre dans les gradins s’époumonant à chanter les noms de ses héros du soir. Tyler Kane, Tyler Seguin, Tyler Berra, inlassablement jusqu’à les voir revenir sur la glace après de longues minutes passées dans l’intimité du groupe. Tyler Schläpfer a-t-il à nouveau empoigné Tyler Seguin mais pour le féliciter cette fois-ci ? Toujours est-il que c’est bien ce dernier, au sortir de ses interviews télévisées, qui s’en alla expliquer les us et coutumes de la ola au vainqueur à un Tyler Kane visiblement médusé tant qu’amusé.

Si on devait mourir demain

Les esprits chagrins et vindicatifs ne manqueront pas de relever que sans ses imports temporaires Bienne n’aurait pas eu voix au chapitre, d’arguer de la défaite seelandaise du lendemain soir à Davos et de la place sous la barre de toutes les peurs qu’occupe le EHCB à l’heure de la (trop) longue pause de l’équipe nationale. Toujours est-il que ce Genève-là évoluait lui aussi avec tout autant de grévistes malgré eux, et également que Bienne n’est somme toute qu’à quatre petites unités de la 3e place. Tout comme les quatre autres formations se retrouvant avec 29 points au compteur. Qui a parlé d’un championnat serré ? Si le lockout devait perdurer, d’autres que Chris McSorley auront le bonheur tout relatif de goûter aux facéties de Tyler Seguin et consorts tandis que si la NHL devait reprendre ses activités, les biennois seraient un tout poil de fessier moins enquiquinés que Doug Shedden car pouvant toujours compter sur les titulaires réguliers que sont MAP et un Micflikier de tous les dangers. D’ailleurs, le EHCB serait bien avisé de prendre les devants pour conserver ces deux perles avant que quelqu’un d’autre ne se charge de s’adjuger leurs services. Quel que soit le sort que le destin réserve à Bienne pour cette saison, il n’en restera pas moins que ce Bienne-Genève du vendredi 2 novembre 2012 fait désormais partie de ces matchs qu’on oubliera pas, et qu’on prendra plaisir à revoir, à revivre, à raconter…

Photos Simon Bohnenblust, copyright www.bohnenblust.net

Écrit par Ludwig Seeländer Diebstahler