Incursion dans le foot du samedi

Si la NFL a son traditionnel «monday night football», le Québec tout entier vibre le samedi après-midi lors des rencontres universitaires. Après une saison régulière interminable de 11 matchs, place à la finale de la Coupe Dunsmore qui consacre la meilleure formation québécoise. Vainqueur des… 10 dernières éditions, le Rouge & Or de l’université Laval était opposé au Vert & Or de l’université de Sherbrooke. Retour sur un après-midi glacial passé dans la banlieue de Québec.

Lorsqu’on parle de football de l’autre bord de la flaque atlantique, on veut parler de football américain bien sûr. Le vrai football, soit un sport de mec joué par des gars toughs et non de soccer, activité ridicule et honteuse pratiquée par une minuscule fraction de désœuvrés à l’identité sexuelle encore non établie. Nous avons trous cru que le foot US ne générait de l’intérêt qu’aux Etats-Unis. Pourtant, le Canada possède sa propre ligue professionnelle et le football universitaire est une véritable institution diffusée en direct tous les samedis sur les plus grandes chaînes télévisées du pays.


Avec un coucher de soleil en prime !

Les règles y sont cependant un peu différentes: le nombre d’essais pour parcourir 10 yards est réduit à trois, les poteaux sont placés non pas derrière la zone de but mais devant celle-ci (idéal pour se fracasser la tête dedans si on ne fait pas attention), et le terrain est un peu plus long (110 yards au lieu de 100). Pour le reste, il faut se familiariser avec le vocabulaire de la province pour les termes techniques. Ainsi, un touchdown se dit «touché», un field goal est un «placement» et un yard devient une «verge». Forcément, cela donne parfois des commentaires à connotation tendancieuse lorsqu’on append que «l’enforceur a obtenu un gain de trois petites verges à la course» ou encore que «le demi de coin a cumulé cinq passes de 68 verges pour deux touchés transformés». Par souci de clarté et d’habitude, nous allons rester avec l’utilisation des termes anglophones.

A 1.000001 contre 1

Cette grande finale mettait donc aux prises deux équipes au parcours fort différent. Grandissime favori, le Rouge & Or de Laval restait invaincu à domicile depuis 2004 – soit 57 matchs – et n’a connu qu’une petite défaite en saison régulière pour 10 victoires, ou plutôt 10 raclées monumentales. De l’autre côté, la présence du Vert & Or de Sherbrooke en finale tient du miracle. En demi-finale, ces derniers étaient menés 24-7 avant le 4e quart sur le terrain des Carabins de Montréal avant de retourner la situation en inscrivant 5 touchdowns de suite pour l’emporter 42-24 ! Lors de la seule partie qui s’est disputée entre les deux finalistes en saison régulière, le Rouge & Or avait déroulé en obtenant une victoire de 48-10 sur le terrain de Sherbrooke. Réputés pour la qualité de leur jeu offensif, les deux équipes allaient assurément rendre cette finale plaisante à regarder.


L’autre fonction de la vuvuzela

En pénétrant dans le stade balayé par le blizzard, on se moque d’abord gentiment des olibrius venus en tenue de ski, bottes en peau de phoque et bonnet en poil d’orignal avant de se raviser et d’avoir l’air très con une fois assis dans les tribunes. Ici, point de robocops prêts à vous matraquer la tronche entre deux rangées de barbelés pour un malheureux regard de travers. On vient au football du samedi comme on va au supermarché: en famille, avec les poussettes, les gosses (les enfants, pas les couilles), les oncles, tantes et la smala toute entière, le tout dans une excellente ambiance. Absence également totale de secteur visiteurs: les fans de Sherbrooke sont invariablement distribués dans les gradins au milieu des locaux et dans une atmosphère festive, avec toutefois un petit noyau dur présent derrière le banc du Vert & Or. S’il est interdit de picoler sur la voie publique, c’est en revanche autorisé dans le stade. Les prix sont scandaleusement prohibitifs, mais cela n’empêche pas les plus solides de s’installer avec un stock prévu pour l’hibernation hivernale qui s’annonce.

Cours Forrest ! Cours !

Cette affiche déséquilibrée n’a pas tardé à se matérialiser sur le terrain. Après sept minutes, le Rouge & Or de l’université Laval avait déjà étouffé les visiteurs avec deux touchdowns et un safety concédé par le Vert & Or pour porter la marque à 16-0. Dans l’intérêt de la partie, les Lavallois se sont un peu relâchés par la suite, permettant à Sherbrooke de revenir dans la partie suite à une ballon perdu recouvert dans la zone de but du Rouge & Or. Suffisant pour secouer les locaux qui ont littéralement pulvérisé la défensive du Vert & Or pour reprendre le large. Confiants, l’université Laval s’est même payé le luxe de concrétiser un jeu truqué (ndlr: une simulation de dégagement du pied afin de gagner un premier essai à la passe ou à la course).


Le Vert & Or à l’attaque, fait rare lors de ce match

En raison du fort vent, les dégagements se sont souvent montrés aléatoires et il n’a jamais été possible pour Sherbrooke de repousser son adversaire dans sa propre zone défensive. Intraitable dans le jeu au sol, le Rouge & Or est resté fixé sur cette stratégie avec un grand succès au vu du faible pourcentage de passes complétées par les quarterbacks des deux équipes. De l’autre côté, entêtée à vouloir progresser par la passe, l’université de Sherbrooke s’est vite résigné face à un opposant tout aussi solide en défense, laquelle a encaissé seulement 13 points par match lors de cette saison. Malgré quelques timides incursions en territoire lavallois (pour un touchdown accordé), le Rouge & Or s’est contenté de gérer son avance pour remporter un onzième trophée de suite. Il paraît que le douzième est toujours le plus dur à gagner…

Laval – Sherbrooke 40-17 (16-3, 14-7; 7-7, 3-0)

Stade Telus, 14’914 spectateurs.
Laval: 483 yds (174 à la passe, 309 à la course)
Grenon (10/20 à la passe, 131 yds, 2 TD)
Thibaut (2 réceptions, 78 yds)
Norzil (3 réceptions, 54 yds)
Boutin (6 courses, 119 yds)
Bourassa (19 courses, 112 yds)
Bede (12 yd-field goal)
Sherbrooke: 338 yds (306 à la passe, 32 à la course)
Roch-Doyon (28/48 à la passe, 306 yds, 1 TD)
Blanchard (12 réceptions, 182 yds)
Dion (37 yd-field goal)
Revirements: 1-2

Écrit par Mathieu Nicolet

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1 Commentaire

  1. Moi j’aimerais bien la version Audio avec l’accent de Montréal ou celui particulier de Berthierville. De merveilleux souvenirs remontent à la surface.
    Merci pour ce reportage du samedi après-midi.

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