Berne prend la finale en otage

Je souhaite à chaque fan de hockey sur glace de vivre une fois le spectacle de folie et un match aussi palpitant que l’acte II hier soir à l’«ausverkauft» PostFinance Arena. L’ambiance instaurée tant par le public bernois que par le kop fribourgeois était indescriptible, sans doute la meilleure ambiance au niveau mondial pour ce sport. Sans exagérer.

Le moment clé

Il reste moins de deux minutes à jouer, Berne mène 4 à 3, les Fribourgeois assez peu dangereux au 3ème tiers-temps ont sorti leur gardien. Soudain Gardner et Bertschy se télescopent au milieu de la patinoire alors que le défenseur Beat Gerber était imprudemment monté en attaque, et voilà que Fribourg, peut-être pour la première fois de la soirée, arrive en surnombre dans la zone bernoise. Gamache, démarqué, choisit de faire une passe transversale à un coéquipier seul. Depuis mon angle de vue, dans la grande tribune bernoise, je vois le but grand ouvert, j’attends de voir trembler le filet et… le filet tremble, mais celui de protection au-dessus du plexiglas. Le puck avait touché la latte, et ce n’est que lorsque l’attaquant se relève, après être resté couché dans le coin dans un moment, réalisant ce qu’il venait de rater, que je me rends compte que c’est Benny Plüss, le malheureux de cette série, pour l’instant, derrière sa visière intégrale rappelant Peter Schlagenhauf, l’ancien ailier de l’équipe de Kloten, tueur de Dragons lors des finale 1993 et 1994.
«Maudit soit Benny» trouvera probablement comme titre un ou l’autre journaliste romand de Tamedia (ndlr : article rédigé avant la parution des journaux). Faute de décision litigieuse pour alimenter la théorie Sheddeno-McSorléene du «Berne prend le hockey en otage» dans un match par ailleurs très correct et bien arbitré, ce dernier devra se résigner à concentrer son article sur un jeu de mots facile et trois phrases d’analyse sommaire. Peut-être arrivera-t-il quand même à envoyer encore une ou deux piques à Tristan Scherwey, même si celui-ci n’a pas joué hier soir, suspendu provisoirement par la Ligue.

Allegro – Vivace – Andante

La symphonie de hier soir s’est composée de trois mouvements. D’abord, le meilleur début de match des play-off du SCB, qui dans un bruit indescriptible, menait rapidement 2 à 0 sur des buts de Campbell, le mercenaire de Langenthal en constante progression, et le redoutable manieur de canne (de 2m50 ?) Gardner. Les Bernois ont dominé largement durant le premier tiers des Fribourgeois asphyxiés et ont souvent été proches du 3-0, probablement synonyme de KO.
Mais tout peut vite changer. Au deuxième tiers, les Dragons métamorphosés, un puck relâché par la mitaine de Bührer, conclusion de Gamache au rebond, une reprise de Hassani et un tir de Loeffel qui fait mouche et voilà que Gottéron mène 3-2. Comme Picasso, c’est la période bleue. Le kop fribourgeois, qu’on avait peu entendu jusque-là, remporte haut la main la palme des fans visiteurs les plus bruyants de l’année : quel support ! Le Dragon est entré dans la caverne de l’Ours, s’est posé sur le sofa avec les pieds sur la table, a piqué la télécommande et demande : tu me sers une bière ? Et les buts fribourgeois ont illustré trois principes fondamentaux de hockey de série : l’importance de sortir le puck de la zone (Loichat ne l’avait notamment pas fait), d’éviter le banc des pénalités (deux buts sur power-play) et celui de gagner les batailles devant le but afin de masquer le gardien et d’aller au rebond, ce qui avait cruellement manqué au HCFG lors du match I. Un arrêt miracle et sans doute clé du 39 bernois sur une reprise à bout portant allait stopper quelque peu l’hémorragie dans un stade déjà coloré en rouge en raison des t-shirts distribués gratuitement en début de partie.
Béni soit Martin. Une fois de plus, au moment crucial et juste avant la fin du tiers, le routinier Martin Plüss avec l’aide de son complice Rüthemann, allait inscrire un but importantissime, la rondelle filant entre les jambes d’un Conz masqué. C’était le début de l’acte final. En effet, dans la lancée, une pénalité bête dans la zone offensive écopée par Julien Sprunger allait donner l’avantage numérique au SCB. On comprend la frustration du numéro 86 de Gottéron, car la fameuse ligne SBP avait été encore plus muselée par la défense bernoise que lors du premier match, mais, dans la lutte pour le titre, cette indiscipline se paie souvent cash.
Et en effet, à l’entame de la troisième période, alors que la supériorité numérique arrivait à sa fin sans que le SCB n’ait été dangereux, Campbell, encore lui, fit une magnifique entrée de zone, triangula avec Gardner et Furrer qui score magistralement dans la lucarne. Le solide défenseur bernois, qui commence à retrouver le niveau d’avant sa commotion cérébrale, marque rarement, mais souvent des buts importants.

Bilan provisoire

Gottéron a démontré au début du match I et au milieu du match II qu’il avait clairement les moyens de mettre Berne en difficulté. Mais à ce stade, on peut se demander si son style de jeu est trop fragile pour pouvoir être joué sur 60 minutes, car la pression au moment d’une finale n’a rien à voir avec un match de championnat. Pendant tout le dernier tiers, Fribourg a manqué de lucidité et n’a jamais vraiment réussi à être dangereux à 5 contre 5 alors que c’est lui qui était mené d’un but, restant au contraire dans la partie grâce à son gardien Conz.
Le SCB par contre est en ce moment sur une belle lancée. Il n’a pas perdu un match serré depuis 12 rencontres, soit le match IV perdu à Genève. En tant que supporter, tout est du bonus, car on a frôlé la mort plusieurs fois et, peu importe l’issue de la finale, cela restera les meilleurs play-off observés de longue date, avec déjà deux matchs VII remportés à la maison. Ce n’est de loin pas une des meilleures équipes de Berne de ces dernières années, mais rarement les a-t-on vus si en confiance et si présents aux moments décisifs.

Les méandres d’une série

A deux centimètres près, c’était les prolongations et peut-être le 1-1 dans la série. Ce fut un tournant, mais l’histoire nous montre que la route est longue jusqu’au titre, et qu’elle peut avoir beaucoup de méandres. En 1992, Berne avait gagné l’acte II 11-2 pour mener 2-0 dans la série au meilleur des cinq matchs, mais Fribourg avait réussi à forcer un match V à la maison. L’année passée, Berne menait bien 3-1 avec l’avantage de la glace et n’avait pas réussi à conclure. Les Fribourgeois doivent maintenant trouver les ressources pour démontrer qu’ils ne sont pas le Stanislas Wawrinka du hockey, lâchant régulièrement le set décisif, et qu’ils sont capables d’aller au bout. Ils doivent apprendre de leurs expériences, modifier éventuellement leur stratégie, oublier le titre en jeu et ne se concentrer que sur le prochain match. Les Dragons n’ont qu’un break de retard et ont manifestement les capacités de retourner la situation en leur faveur. Comme disait le père Bykov : travailler dur pour changer le momentum. Mais il ne faut pas qu’ils écoutent les éternels refrains et excuses des journalistes romands : les blessures, la fatigue, les arbitres, la ligue, le triste Tristan, le petit contre le grand, les méchants Suisses-totos défensifs contre les gentils Romands offensifs, l’anti-hockey d’Anti Törmänen ou le manque de chance. Sinon ils vont finir par y croire.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Berne – Fribourg-Gottéron 4-3 (2-0 1-3 1-0)

PostFinance Arena, 17’131 spectateurs.
Arbitres : Eichmann/Stricker; Arm/Küng.
Buts : 3e Campbell (Ritchie, Vermin) 1-0. 6e Gardner (à 5 contre 4) 2-0. 24e Gamache (Jeannin/à 5 contre 4) 2-1. 29e Hasani (Gamache) 2-2. 33e Loeffel (Dubé/à 5 contre 4) 2-3. 35e Martin Plüss (Rüthemann, Neuenschwander) 3-3. 41e (40’35 ») Furrer (Gardner, Campbell) 4-3.
Pénalités : 3 x 2′ contre chaque équipe.
Berne : Bührer; Roche, Gerber; Kinrade, Randegger; Collenberg, Furrer; Vermin, Ritchie, Campbell; Neuenschwander, Martin Plüss, Rüthemann; Alain Berger, Gardner, Loichat; Pascal Berger, Bertschy, Rubin.
Fribourg-Gottéron : Conz; Ngoy, Birbaum; Kwiatkowski, Abplanalp; Heins, Schilt; Loeffel; Lauper, Gamache, Dubé; Mauldin, Jeannin, Knoepfli; Sprunger, Bykov, Benjamin Plüss; Brügger, Botter, Vauclair; Hasani.
Notes : Berne Sans Scherwey (suspendu), Bednar, Jobin, Höhener et Sykora (blessés). Fribourg sans Gerber (blessé) ni Cadieux (surnuméraire). 47e poteau de Bertschy. 49e transversale de Kwiatkowski. 58’26 » temps mort de Fribourg-Gottéron.

Écrit par Andy Tschander

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7 Commentaires

  1. Fribourg a donc produit qqch samedi soir? C’est vraiment le comble de la mauvaise foi! Samedi j’ai vu une équipe jouant au hockey et l’autre incapable de se créer plus de cinq réelles occasions sur tout le match…

  2. C’est vraiment dommage que ce coté fan du SCB ressort beaucoup trop dans vos articles, parce que c’est toujours très bien écris mais malheureusement tout est gâché par cette acharnement à toujours vouloir être du coté SCB.

    Que ce soit ici sur carton rouge ou sur vos commentaires sur Facebook.

  3. Bon, on ne peut pas vraiment reprocher au SCB de jouer de manière défensive. Ils apprennent de leurs erreurs… Rappelons-nous de 2008, où Gottéron avait gagné la série, retranchés dans leur camp et procédant en contre. Aujoud’hui la jouerie a changé de camp, mais visiblement Gottéron n’arrive pas à relever le défi physique des ours. Mais rien n’est fini! A Fribourg on y croit!

  4. C’est drôle les fribourgeois qui se plaignent du jeu « défensif » du SCB… Franchement je crois qu’après le 1/4 de final de 2008 vous avez perdu le droit de l’ouvrire sur le sujet pour au moins 50 ans….
    Match étrange samedi soir, les deux équipes sont très prochent mais bern est, et de loin, la plus constante même si le 2ème tires fut catastrophique! Rien est encore fait, dans le jeu fribourg reste le plus fort mais faut-il encore pouvoir le produire.

  5. Là après le match de ce soir, les fans bernois peuvent juste fermer leur gueule!! Car si il y a une équipe qui jouent ces finales, c’est bien les dragons. Rien vu des bernois qui ont profité des erreurs fribourgeoises lors des deux premiers actes pour l’emporter.
    Quand Fribourg patine, Bern disparait de la surface de glace.
    Premier match joué vraiment physique des dragons (à la bernoise), la seule réponse des bernois fut de frapper les joueurs adverses à la fin du match. Comportement ridicule et qui démontre la frustration du à l’écart entre des fribourgeois qui font le match autant dans la victoire que la défaite que des bernois invisibles!!!
    Quelle meilleure réponse de Plüss que d’inscrire deux buts et d’être désigné meilleurs joueur de cette partie!! C’est fou ce que la vitesse de Scherwey manque au bernois. Et les voilà qu’ils ont encore perdu Vermin… Ce sont eux qui vont pleurer sur les arbitres maintenant 🙂

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