Le retour des Rois

La finale NBA 2012-2013 était une œuvre d’art. Un chef-d’œuvre, suivant un scénario haletant, empli de drame et de suspense, et porté par les meilleurs acteurs de leur génération. Messieurs Dames, nous avons assisté à une démonstration de maîtrise, de talent, de sang-froid. A une chorégraphie orchestrée de mains de maîtres et au dénouement incertain jusqu’au dernier moment. Bravo, messieurs les artistes !

Au premier entre-deux de cette finale, tous les observateurs savaient qu’ils allaient assister à une finale hors-du-commun. Pour la première fois depuis 2008, l’issue de la finale était incertaine à son coup d’envoi. Et, pour la première fois depuis… toujours, 7 futurs membres du Hall of Fame, au moins, allaient croiser les armes. D’un côté, l’équipe la plus pourvue en talent de la NBA, les Miami Heat, construite autour d’un Big Three imbattable dans les bons jours. Une défense frénétique, un jeu de transition effrayant, le meilleur joueur du monde, aussi. Miami a des arguments auxquels personne ne semblait devoir résister.
Personne, sauf une équipe, sous-estimée constamment, mais toujours présente au sommet de la hiérarchie NBA. Une équipe bâtie autour d’un système fluide, d’une cohésion irréprochable, et de son propre trio de stars, bien que celles-ci soient vieillissantes. San Antonio. Une équipe qui met en confiance ses joueurs secondaires et de banc. Le décor était en place pour une orgie de beau jeu !

La course en tête

En remportant les matchs I, III et V de la série, les Texans ont constamment obligé les Floridiens à courir après le score. Une pression énorme lorsqu’il s’agit d’une finale. A chacune de ses victoires, San Antonio a pu compter sur des armes différentes. La confiance et la réussite de Tony Parker ont permis de remporter la première manche.
Le compas dans l’œil, les pourtant peu côtés Danny Green (7/9 à 3 points) et Gary Neal (6/10) ont littéralement fait exploser Miami lors du match III. Danny Green, viré par quelques équipes avant d’arriver à San Antonio et ancien coéquipier de LeBron James à Cleveland, a établi le record du nombre de paniers primés inscrits par un joueur en finale NBA. Il est également passé à quelques secondes et quelques points de devenir le MVP des finales le plus improbable de l’histoire de la ligue.
Lors du match V, 3ème et dernière victoire des Spurs dans la série, c’est – de manière tout à fait improbable également, tellement il galérait depuis le début des play-offs, et même de la saison – le joker argentin Manu Ginobili qui est sorti de sa boîte. 24 points et 10 assists. Il arrive qu’une star vieillissante parvienne à sortir LE dernier match brillant d’une carrière. En principe à domicile, en principe quand ça compte le plus. Ce match était le dernier coup d’éclat de Ginobili, qui sera – malheureusement pour lui – l’un des plus gros artisans de la victoire de Miami au cours de l’acte VI, avec 8 ballons perdus.

Enfin, San Antonio a pu compter sur un Tim Duncan à l’épreuve du temps. Un peu comme s’il avait utilisé une machine à remonter dans le temps et avait échangé les rôles avec son double de 2003. Duncan, 37 ans, a laissé jusqu’à ses dernières gouttes de sueur sur le parquet de l’American Airlines Arena de Miami lors des matchs VI et VII, et n’a jamais paru son âge. On ne reverra jamais de telles performances, à un tel niveau de compétition de sa part, même s’il décide de rempiler.
Le voir perdre, repartir sans trophée, pour un peuple qui, comme les Américains, pense que l’on peut arriver à tout en y travaillant fort, a quelque chose de dérangeant. Quelque chose qui dirait : «les gars, on vous a menti». On leur a menti, évidemment. Mais s’en rendre compte, ça fait toujours mal.
Et que dire du jeune ailier Kawhi Leonard, 21 ans, qui a eu pour tâche – à chaque seconde qu’il a passée sur le terrain – de défendre le meilleur joueur du monde. Il a rempli sa tâche à merveille et, oui, il est la face du renouveau des Spurs. Il est celui qui est appelé à prendre la succession d’une génération dorée du côté des rives de l’Alamo. Il l’a prouvé lors de ces 7 matchs, il a les épaules pour le faire.

Le plus beau match des 20 dernières années ?

A 3-2 dans la série en faveur des Spurs, le retour à Miami allait voir les Heat affronter une, puis deux fois l’élimination. Ce qui aurait signifié voir leurs adversaires remporter le titre dans leur salle. Ça aurait également signifié une volée de bois vert généralisée pour toute l’organisation, et particulièrement pour LeBron James, dont le départ de Cleveland à Miami lui a valu l’inimité quasi généralisée des spectateurs qui ne connaissent pas assez le jeu pour se rendre compte de sa grandeur.
Le match fut serré. Et plus encore. A une trentaine de secondes de la fin du match, San Antonio mène de 5 points. Autant dire un gouffre. Le service de sécurité commence à dérouler les banderoles jaunes pour interdire l’accès au terrain et à préparer la cérémonie de remise du trophée pour les Spurs. Puis, tout s’enchaîne très, très vite.
Un 3 points de James réduit l’avantage des Spurs à 2 unités. Balle aux Spurs. Victime d’une faute, Kawhi Leonard se voit offrir 2 lancers-francs. La possibilité de mettre son équipe à +4 et d’ainsi sceller le match et d’assurer le titre à son club. Le premier ne rentre pas, le 2ème, oui.
SA est à +3. Balle aux Heat, qui ne prennent pas de temps mort (ce qui leur aurait permis d’avancer à mi-terrain). L’action voit la balle arriver sur LeBron James. Tir à 3 points…. Raté.
Une bataille d’une seconde, la seconde la plus importante de la saison, voit l’intérieur du Heat, Chris Bosh, rafler le rebond et transmettre la balle à Ray Allen. Celui-ci, en courant en arrière, parvient, Dieu seul sait comment, à trouver la ligne des trois points. Il shoote. Il marque. Il crie probablement en direction du service de sécurité «Remballez vos p*tain de barrières». Egalité, 5 secondes à jouer, balle aux Spurs.
Miami arrache la prolongation, sauve sa saison et remporte l’acte VI de 3 points. Au terme du match de basket le plus incroyable depuis… au moins depuis la 2ème retraite de Jordan en 1998.

Il y aura un acte VII. Pour la 18ème fois de l’histoire des finales NBA. Il n’est arrivé que 3 fois que l’équipe visiteuse ne remporte ce match. La dernière, il y a 37 ans. Autant dire que les hommes de Gregg Popovich se retrouvent soudainement à devoir grimper l’Everest en Birkenstock. Pas facile dans la mesure où, quelques minutes plus tôt, ils pensaient cigare-champagne.
Comme le prédisaient les statistiques, Miami ira chercher, là encore au terme d’un match sublime, son 2ème titre consécutif en s’imposant de 7 points.
Le roi James remporte son 2ème trophée de MVP des finales. Histoire de consacrer ses 2 triples-doubles (minimum 10 unités dans trois catégories statistiques différentes), ses matchs VI et VII d’anthologie et d’écrire un chapitre de plus dans une carrière déjà légendaire.
Celle-ci est – dans le monde passionnant de la balle orange – l’objet de comparaisons tout à fait déplacées avec celles de Michael Jordan. Déplacées, car les adversaires, le jeu et les règles ont changé. Jordan survolait son époque, James domine la sienne de la tête et des épaules.
Maintenant… plus de NBA jusqu’à fin octobre. En même temps, après une série qui a poussé le jeu à un tel degré de perfection, cela vaut-il vraiment la peine de jouer la saison prochaine ? Pourrait-elle être autre chose que décevante ? Probablement pas, mais on se réjouit quand même d’y être !

Écrit par Arnaud Antonin

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3 Commentaires

  1. Juste une petite coquille, dans le game VI Miami n’avait plus de temps mort à la fin du match c’est pour ça qu’ils ont du remonter le terrain à pattes.

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