GC en quinze questions

Révélation de la saison dernière, Grasshopper a menacé jusqu’au bout le grand FC Bâle pour la conquête du titre et l’a privé de victoire en Coupe de Suisse. Et ce en présentant un visage jeune et sympathique, bien loin de l’image des millionnaires arrogants qu’il a longtemps incarné et qu’il laisse désormais au FCB. La confirmation s’annonce toutefois compliquée.

Quels objectifs ?

Normalement, quand tu finis deuxième à trois points du champion, tu dois démarrer la saison suivante avec l’objectif de gommer cette petite différence pour aller chercher le titre. Toutefois, avec le départ de l’entraîneur Uli Forte à YB et celui, certain ou probable, de plusieurs éléments talentueux de l’équipe, GC aura de la peine à faire aussi bien, surtout que le club, en pleine phase de reconstruction et de consolidation financière, ne fera probablement pas de folies pour remplacer les partants. Il faudra attendre le nouveau Hardturm pour retrouver un GC qui annonce ouvertement l’ambition de concurrencer le FC Bâle sur la durée. En attendant, le club zurichois sera sans doute heureux de confirmer son ancrage dans la première partie du classement et de pérenniser son retour en Coupe d’Europe, soit une place entre la 2e et la 4e.

Quels sont les points forts ?

Le trio Grichting-Vilotic-Salatic, clé de voûte du système défensif, devrait toujours être là à la reprise et c’est une sacrée assurance pour le nouvel entraîneur Skibbe : c’est toujours plus facile de construire sur des fondations solides. D’une manière générale, GC travaille dans le bon sens depuis quelques saisons avec une politique réfléchie et une confiance accordée aux jeunes. Et le départ hautement regrettable de l’entraîneur Forte ne devrait pas remettre en cause cette philosophie. La jeune garde zurichoise est bourrée de talent et possède une marge de progression intéressante, alors que l’expérience de son duel avec le grand FC Bâle au printemps dernier devrait lui servir.    

Quels sont les points faibles ?

Il est clair que les départs d’Uli Forte, de Steven Zuber et, dans une moindre mesure, de Taulant Xhaka, plus d’autres qui pourraient suivre, vont laisser un vide considérable. Si GC n’a pas été chercher le titre la saison passée, c’est sans doute en raison d’un contingent un peu maigre : faute de banc, il a suffi de quelques absences pour dérégler la belle mécanique zurichoise à l’orée du sprint final, ce qui s’est avéré fatal dans la quête du titre. Or, en l’état actuel des choses, le contingent n’est guère plus étoffé, surtout si GC doit disputer en plus les phases de groupe de la Ligue des Champions ou, plus vraisemblablement, de l’Europa League. L’an passé, les Sauterelles sortaient de nulle part et ont joué sans pression ; cette saison ils auront une deuxième place à défendre et seront beaucoup plus attendus, il en résultera un surcroît de pression sur un effectif qui reste peu expérimenté, surtout en phase offensive. 

Quelles sont les inconnues ?

Les deux grandes inconnues seront de savoir comment l’équipe va digérer le départ de l’entraîneur Forte et quel sera l’état du contingent à la fin du mercato. Et puis, bien sûr, on est assez curieux de voir ce que va donner le retour de Vonlanthen.

Quels sont les joueurs à suivre ?

On ne soulignera jamais assez à quel point Stéphane Grichting a transformé cette équipe de GC, un vrai modèle, tout comme Veroljub Salatic, qui paraît un peu lourd à mi-terrain mais qui est un vrai meneur et un authentique clubiste, lui qui a refusé une offre lucrative du FC Bâle. Sinon, la jeune garde des Bürki, Michael Lang, Abrashi, Toko, Hajrovic et autres Ben Khalifa devront confirmer leurs brillantes prestations de la saison dernière, du moins pour ceux qui seront encore là à la reprise. Enfin, l’attaquant de pointe Anatole Ngamukol, arrivé l’hiver dernier après un automne brillant à Thoune, n’a pas encore complètement trouvé ses marques au Letzigrund mais il a les moyens de s’y imposer. Et puis, on s’attend quand même à voir débarquer deux ou trois renforts d’ici à la reprise.

Quels seront les flops ?

Je ne crois pas beaucoup au nouvel entraîneur Skibbe et je vois mal Steven Lang, après deux saisons mitigées à Lausanne et Servette, s’imposer à GC.

Michael Skibbe rompra-t-il avec son image d’éternel loser ?

Pour remplacer Uli Forte, entraîneur parti de rien qui s’est construit en partant des ligues inférieures, les Sauterelles ont choisi un profil complètement différent pour lui succéder : Dortmund, équipe d’Allemagne (adjoint de Völler), Leverkusen, Francfort, Galatasaray ou Hertha Berlin, le curriculum vitae d’entraîneur de Michael Skibbe a de quoi impressionner pour la Suisse. Le problème, c’est qu’il n’a guère réussi dans tous ces clubs. A Dortmund, le jeune Skibbe n’avait pas eu les épaules assez larges pour assumer la lourde succession d’Ottmar Hitzfeld, il n’est pas parvenu à ramener Leverkusen au sommet du foot allemand malgré quelques embellies, son aventure à Galatasaray n’a duré que quelques mois assez calamiteux et il a largement contribué à la relégation de Francfort en 2011. Il s’est définitivement grillé en Allemagne au Hertha Berlin : à l’automne 2011, l’Alte Dame, alors néo-promu, réalise un très bon premier tour mais l’entraîneur Babbel se brouille avec le manager Preetz et s’en va. Michael Skibbe prend le relais pour cinq matchs, cinq défaites consternantes dont le Hertha ne se remettra pas et finira relégué. Est-ce que cet entraîneur sans charisme et souvent fébrile et frileux dans les matchs importants peut réussir dans un championnat où la pression est moindre qu’en Bundesliga ? Pas impossible mais personnellement j’ai quand même plutôt tendance à considérer l’engagement de Skibbe comme une erreur de casting. A voir.

Quel effectif à la fin du mercato ?

On avait déjà cru au renouveau de GC en 2009-2010 avec un brillant troisième rang sous la houlette de Ciricao Sforza. Las, le club le plus titré du pays avait replongé avec une 7e place en 2010-2011 et une 8e en 2011-2012 qui aurait pu être synonyme de relégation sans les facéties de Bulat Chagaev et Christian Constantin. A priori, cette fois, Grasshopper semble se reconstruire sur des bases plus solides, notamment sur le plan financier et administratif, mais on est encore loin de l’orge qui cannibalisait le football suisse jadis et quelques départs ne sont pas à exclure d’ici la reprise. Vu leur attitude avec la Nati, on imagine qu’Abrashi et Hajrovic partiront à la première offre un peu lucrative, alors que le gardien Bürki serait la priorité numéro un du FC Bâle en cas de départ de Yann Sommer (à Monaco ?). Il est clair que les ambitions de GC vont aussi dépendre de sa capacité à garder au moins une partie de ses joyaux cet été.

Et l’amour de la patrie, bordel ?

Il y a quelques années, c’est le FC Bâle qui voyait ses meilleurs espoirs tourner le dos à l’équipe de Suisse (Kuzmanovic, Petric, Rakitic…). C’est aujourd’hui dans les rangs de GC que se trouvent les traîtres à la patrie avec Hajrovic, Abrashi ou Feltscher. Le président zurichois André Dosé a déjà vendu Swissair aux Allemands et voilà maintenant qu’il est en train de céder les joueurs de la Nati à la Bosnie ou au Venezuela. Et si GC rendait obligatoire l’hymne national dans les vestiaires avant chaque entraînement ?

GC réussira-t-il l’impossible exploit en Ligue des Champions ?

Deuxième du championnat, GC disputera les qualifications de la C1 en catégorie « non champion », soit le parcours du combattant. Un bon tirage serait PAOK Salonique ou Metalist Kharkov au premier tour, Lyon ou Zénith Saint-Pétersbourg au deuxième. Et un mauvais tirage ? Lyon ou Zénith Saint-Pétersbourg au premier tour, Schalke, Arsenal ou Milan au deuxième. On espère que GC n’a pas comptabilisé une présence en phase de groupe C1 dans son budget, une participation aux poules de l’Europa League serait déjà un succès, sachant qu’avec un peu de poisse au tirage au sort, les Sauterelles pourraient, après un échec en qualifs de C1, se coltiner Tottenham, Stuttgart ou Séville en préliminaires de l’Europa League. Bon, ça pourrait aussi être Aalborg, Zilina ou Anorthosis Famagouste et là ça devient plus abordable. L’un de nos fidèles lecteurs va attendre tous ces tirages avec impatience pour savoir de quoi seront faites ses vacances estivales. C’est sûrement très sympa Kharkov…

Roman Bürki en équipe nationale ?

Roman Bürki a probablement été le meilleur gardien du championnat suisse 2012-2013, avec notamment une période d’invincibilité record. Sur la base de la saison écoulée, il mériterait incontestablement plus que Marco Wölfli la place de numéro trois en équipe nationale. Et peut-être même celle de numéro deux si l’on faisait abstraction des performances et de l’expérience de Yann Sommer en Coupe d’Europe. Fatalement, les brillantes performances du jeune portier zurichois ne sont pas passées inaperçues et un départ cet été n’est pas à exclure. C’est sûr que si GC débute la saison avec son inconstant numéro deux Davide Taini en titulaire, il faudra compter quelques points en moins sur la longueur du championnat. En revanche, si Roman Bürki reste, il aura à son tour la vitrine européenne pour montrer qu’il mérite d’accompagner la Nati au Brésil. Si on y va, bien sûr.

Nassim Ben Khalifa confirmera-t-il enfin les espoirs placés en lui ?

Nassim Ben Khalifa a gaspillé deux ans de sa carrière avec un transfert prématuré et dans le mauvais club en Allemagne. Après un passage mitigé à YB, il a bien rebondi  dans le contexte favorable de GC terminant notamment troisième passeur du dernier championnat, mais on attend encore un peu plus de lui. Il manque encore de constance et d’efficacité devant le but. Le départ de Steven Zuber devrait l’investir de davantage de responsabilités. A 21 ans, il a encore tout l’avenir devant lui mais il ne devrait pas trop tarder à confirmer les immenses espoirs qu’avaient fait naître son titre de champion du monde M-17. Il y a des places à prendre en équipe de Suisse mais pour l’instant Drmic, Gavranovic ou Seferovic ont une longueur d’avance sur lui.

De combien de cartons écopera Steven Lang ?

Steven Lang avait quitté Lausanne pour découvrir un club plus ambitieux à Genève, la démarche a été couronnée de succès ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ancien junior du FC Nantes n’a pas fait grand-chose pour éviter la chute de Servette. S’il est intéressant par ses dribbles et sa capacité à éliminer l’adversaire en un contre un, Steven Lang fait en revanche preuve d’une inefficacité irritante dans le dernier geste. Et d’une propension certaine à écoper de cartons stupides. Après ses passages en demi-teinte à Lausanne et Servette, il tente un retour à GC où il n’avait pas réussi lors de son premier passage. A 26 ans, c’est un peu sa dernière chance de prouver qu’il a mûri et qu’il peut briller davantage que par quelques rares intermittences.

Johan Vonlanthen peut-il vraiment renaître ?

Entre révélations mystiques, interrogations existentielles, retour aux sources et retraite anticipée, Johan Vonlanthen semblait définitivement perdu pour le football. Et pourtant, le plus jeune buteur de l’histoire de l’Euro a décidé de replonger. Le pari est audacieux tant l’ancien espoir du PSV Eindhoven n’a plus joué une saison complète depuis des lustres mais finalement GC n’a pas grand-chose à perdre sur le coup. A seulement 27 ans, Vonlanthen peut se révéler un joker intéressant. De toute façon, son retour dans les rangs des Sauterelles peut difficilement plus mal se passer que celui d’un autre Johann, Vogel.

Quel classement ?

Mon pronostic : 5e.

Écrit par Julien Mouquin