Le Pigeon d’Or selon Edmond Isoz

Décidemment, les duels entre dirigeants suisses et internationaux français de football débouchent toujours sur des duels serrés : après l’égalité entre Thierry Henry et Sepp Blatter en novembre 2009, seule une voix a permis à Edmond Isoz de devancer Franck Ribéry.

Je me suis déjà souvent prononcé sur ce que je pensais d’Edmond Isoz et de ses idées lumineuses pour le football suisse, je ne vais pas le refaire ici. On rappellera juste sa dernière fantaisie : imposer des critères tellement exorbitants et déconnectés de la réalité du football suisse aux candidats aux finales d’ascension en LNB qu’en première instance il y a avait moins de candidats acceptés que de places disponibles ! Consciente du ridicule de la situation, la Commission de recours a corrigé le tir en accordant la licence à tous les clubs qui avaient fait recours, soit dix au total (5 de 1ère ligue, 4 de LNB et 1 de LNA). Désavouant ainsi dix fois sur dix le verdict initial de la Commission des licences. Je ne vais pas te dire statistiquement quel pourcentage ça fait, sinon nos amis biennois, qui ont quelques difficultés avec les chiffres, vont encore se vexer, mais pour des dirigeants qui ne jurent que par la professionnalisation du football suisse, ça fleure bon l’amateurisme crasse.

En mode Coupe de l’America

Je me suis plutôt amusé à imaginer ce qui se passerait si notre concours du Pigeon d’Or se déroulait en mode Coupe de l’America, c’est-à-dire en laissant le soin au vainqueur, en l’occurrence Edmond Isoz, d’organiser et de fixer les règles de l’édition suivante. La première mesure que prendrait l’ancien joueur du FC Sion serait sans doute de changer le nom du trophée : une compétition avec une appellation dans une langue nationale, c’est forcément ringard, il faut se dépêcher d’angliciser tout ça. Et voici comment notre Pigeon d’Or devient le Golden Pigeon. Mais c’est insuffisant, il faut encore y ajouter un qualificatif qui indique aux ignares auxquels cela pourrait échapper à quel point cette compétition est magique ; le nec le plus ultra en la matière serait le terme «super» mais il est déjà utilisé par la moitié des ligues de football du continent, alors on se rabattra sur «Premium» pour Premium Golden Pigeon.

Le MBHPGP

L’étape suivante consiste à dénicher un sponsor. On pourrait penser que, pour dénaturer une compétition en lui adjoignant un vulgaire épithète commercial, il faut au moins que la manne proposée par le sponsor soit conséquente mais non, même pas : l’essentiel, c’est d’avoir un nom à proposer, ça donne l’impression qu’on joue dans la cour des grands, il suffit d’avoir un sponsor pour se donner des faux airs de Barclays Premier League ou de Louis Vuitton Cup. Et comme on est en Suisse, il faut obligatoirement que le sponsor parle à la partie du pays où les choses se passent, donc au nord de la Sarine. Cela tombe bien, le boucher d’Herzogenbuchsee est prêt à investir 500 francs pour donner le nom de son commerce à notre concours pour les vingt prochaines années. Et voici donc comment notre bon vieux Pigeon d’Or s’est transformé en Metzgerei Baumgartner Herzogenbuchsee Premium Golden Pigeon (MBHPGB en mode branché) ; ça en jette n’est-ce pas ?

Les conditions

Maintenant qu’on lui a donné un nom aussi prestigieux, il s’agit d’éviter absolument que n’importe quel manant puisse se porter candidat à notre concours. C’est pourquoi Edmond Isoz va réserver le Metzgerei Baumgartner Herzogenbuchsee Premium Golden Pigeon aux candidats ayant obtenu la licence B-347, dont l’obtention n’est possible qu’en remplissant les conditions contenues dans vingt-cinq classeurs fédéraux, dont nous ne ferons qu’énumérer les principales ici :
– dépôt d’une caution de 5 millions de francs suisses pour garantir, en cas de succès, la valeur du trophée façonné par le célèbre artiste japonais Ga-Hi Ho-Min ;
– mise à disposition d’un stade répondant aux normes Isoz-4044 (voir classeurs 7 à 14quater) d’au moins 40’000 places pour la remise du trophée ;
– le stade en question doit être muni d’un toit amovible, ladite remise pouvant avoir lieu à des dates et heures incongrues, pour éviter d’entrer en concurrence avec le tournoi de golf annuel de Nassau, que le comité d’organisation ne raterait pour rien au monde, et la rediffusion du championnat de hornuss de Suisse orientale sur la chaîne régionale appenzelloise ;
– annonce du nom du vainqueur par un speaker ayant présenté au moins dix soirées du Musikanstadl (moyennant remplissage, en huit exemplaires, du formulaire BZ-36, une dérogation peut éventuellement être accordée pour un speaker ayant présenté 40 émissions des Coups de cœur d’Alain Morisod) ;
– parrainage par au moins trois joueurs de foot suisse ayant obtenu un titre de champion du monde. Là tu vas me dire, ça va pas, c’est pas possible. Je pourrai te rétorquer, on en recause dans un mois, mais de toute façon, peu importe : le catalogue de conditions est surtout là pour décourager les candidats modestes ; un puissant Bâlois ou Zurichois peut très bien se dispenser des conditions les plus gênantes.

La compétition

Maintenant qu’on a une appellation branchée et des candidats prestigieux, reste à organiser la compétition elle-même. Il est évidemment exclu d’en rester à la formule actuelle où le candidat ayant obtenu le plus de voix l’emporte : premièrement, c’est compréhensible par le commun des mortels, deuxièmement ça implique une compétition, avec les risques liés à la glorieuse incertitude du sport. Il s’agira donc de répartir (arbitrairement) les candidats en trois groupes de deux, sauf que, comme seuls cinq candidats auront obtenu la licence, un candidat sera seul dans son groupe. Ensuite, on multiplie le revenu des candidats par l’état de leur compte en banque, on y additionne le chiffre d’affaires cumulé des trois derniers exercices annuels de leurs sponsors, on divise par le nombre d’exploitations paysannes et de logements sociaux situés dans un périmètre de dix kilomètres autour du domicile du candidat, on met à la puissance du nombre de banquiers dans le comité de soutien et on pondère le tout à 0,01% par le pourcentage des voix obtenu par chaque candidat dans son groupe respectif. Et on trouve le vainqueur : simple, équitable, limpide.

Ringard

Malheureusement, notre Pigeon d’Or d’avril n’avait pas encore bénéficié de l’imagination d’Edmond Isoz et s’était déroulé selon la vieille formule et l’ancienne appellation, aussi ringardes que dépassées. C’était toutefois non sans déplaisir que nous remettons le

Pigeon d’Or du mois d’avril 2010

à Edmond Isoz, pour l’ensemble de son œuvre, passée, présente et future, à la tête du football suisse. Le «Senior Manager» de la «Swiss Football League» rejoint ainsi Larry Ellison, Brian Joubert et Florentino Perez pour la finale annuelle du mois de décembre.
Election du Pigeon d’Or d’avril – Classement final :
1. Edmond Isoz : 304 votes – 40,2 %
2. Franck Ribéry : 303 votes – 40,1 %
3. Zlatan Ibrahimovic : 77 votes – 10,2 %
4. Claude Puel : 84 votes – 6,5 %
5. Steve Morabito : 23 votes – 3 %
Nombre de votes : 756

Écrit par Julien Mouquin (texte) et Robert Johanson (dessin)

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17 Commentaires

  1. Sublime Julien !

    Arriver à détourner notre attention de la Coupe du Monde avec un article sur Isoz, fallait le faire 😉

  2. Parfait,,, En même temps on l’aura attendu…

    Mais je me disais que tiens, Napoléon ou Abtn n’étaient pas trop là pour la ramener…

    Mais c’est vrai que quand on fait un poil d’auto-critique ils ne sont plus là…

    C’est tellement facile de faire la victime et traiter l’autre de n’importe quoi que de regarder dans son propre jardin que je me marre…

    Aux chiottes Isoz qui mérite largement son pigeon et surtout vive la Suisse…

  3. Premier mot de l’article à corriger :

    Décidément !

    Excellent c’est Zahia qui est mécontente, son « chéri » n’est que 2e 🙂

  4. Fectivement, le meilleur papier depuis longtemps sur CR.

    Juste:
    – qu’entend-on par « au nord de la Sarine »?
    – remettre le Pigeon « non sans déplaisir », je pense que c’est le contraire de ce qui était pensé

    (Bonne Coupe du monde à tout le monde, même à any team but nati.)

  5. Oui ton correcteur est fatigué !

    « Décidément » est la seule forme admise au Larousse.

    Pour mon Loto Foot, voyez-vous un la Suisse faire un « truc » face à l’Espagne ? Pas envie de gâcher un double 🙂

  6. enfin sa juste récompense !

    pour ton Loto Foot, le truc que tentera de faire la Suisse c’est de limiter les dégâts…

    3-0 semble dàjà pas mal…

  7. Il aura beau se cacher derrière un panneau, il est reconnu et il a bien mérité ce pigeon d’or ! prochaine sélection: Ribéry, et caché derrière sa femme ! que du bonheur !

  8. Des problèmes avec les chiffres pour nous autres biennois ? Attends… « 4-3 dans la série »… euh non je crois que ça joue pas trop mal avec les chiffres mais c’est gentil de t’en soucier Julien.

    Sinon du très bon, un de ces rires qui fait du bien pendant longtemps !

    Merci CR !

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