Même pas peur

On a failli avoir peur lorsque le Borussia Dortmund s’est retrouvé mené au score par Stuttgart, son Angstgegner au Westfalenstadion. Puis le temple s’est embrasé, le rouleau compresseur jaune et noir s’est mis en marche et le VfB a été laminé. Ou comment célébrer en beauté la prolongation du contrat de Jürgen Klopp jusqu’en 2018.

Je commence par une question. Quel est l’adversaire contre lequel le Borussia Dortmund a égaré le plus de points au Westfalenstadion ces trois dernières saisons en Bundesliga ? Ce n’est ni Schalke, ni Leverkusen et encore moins le Bayern mais bien le VfB Stuttgart. En effet, les trois derniers duels entre les Borussen et les Souabes dans le temple de la Strobelallee se sont soldés par autant de matchs nuls, deux fois 1-1 et un légendaire 4-4 au printemps 2012 qui m’avait mis dans une telle rage que j’en avais perdu, ce soir-là, tout goût pour la bière… C’était donc le vrai match piège pour le BVB, surtout que Stuttgart va mieux depuis qu’il a viré son entraîneur Bruno Labbadia. Dans mes présentations d’avant-saison, j’écrivais «Il y a tout pour bien faire à Stuttgart sauf peut-être… l’entraîneur». C’est dommage que les dirigeants souabes ne lisent pas CartonRouge.ch, cela leur aurait évité de repartir pour une saison avec un entraîneur qui n’était clairement plus l’homme de la situation, si tant est qu’il l’ait été un jour, cela leur aurait épargné un énième début de saison foireux et une élimination humiliante en qualifications d’Europa League contre une très modeste équipe croate. En tous les cas, depuis que Bruno Labbadia a cédé sa place à Thomas Schneider, un ancien joueur emblématique du club en charge jusque là des M-17 du VfB, Stuttgart ne perdait plus, ce qui donnait à ce match de allures de parfait traquenard.

De l’angoisse au bonheur

Et si Dortmund met d’emblée la pression sur son adversaire, le piège va sembler se refermer sur lui lorsque Karim Haggui reprend victorieusement un corner de l’excellent Alexandru Maxim. C’est clairement un problème depuis 18 mois : le BVB est trop vulnérable sur les coups de pied arrêtés défensifs, à la longue ça pourrait valoir quelques désillusions. Notre club favori aura toutefois la bonne idée de ne pas nous laisser plongés trop longtemps dans l’angoisse et l’anxiété, ce dont nous lui saurons gré. Titularisé en lieu et place d’un Subotic ménagé, Sokratis Papastathopoulos égalise en reprenant un corner de Nuri Sahin. On allait définitivement respirer quelques minutes plus tard lorsque Marco Reus, stratosphérique en ce moment, embarque toute la défense souabe d’une feinte géniale pour aller donner l’avantage au BVB d’une frappe imparable. Les soucis du début de match commencent gentiment à s’estomper dans l’ambiance grandiose d’un Westfalenstadion désormais en ébullition.

Le pénalty fantôme

On aura toutefois encore une frayeur peu avant la mi-temps lorsque M. Meyer dicte un pénalty pour une faute présumée de Grosskreutz sur Werner. Evidemment, on proteste et on crie à l’injustice, même si, depuis qu’on s’intéresse au football, on nous a répété mille fois que ça ne servait à rien, qu’une fois que l’arbitre avait sifflé, la décision était irréversible. Mais on nous aura menti : car cette fois, l’arbitre, non pas en raison des rugissements du peuple jaune mais sur indication de son juge de touche qui signale qu’il n’y avait aucune faute et que le jeune Werner en avait rajouté en mode Mario Götze, revient sur sa décision et annule le pénalty. Original et courageux, accessoirement justifié, on exulte, même si on comprend que Stuttgart trouve la situation un peu saumâtre.    

Comme dans un rêve

Du coup, le VfB se retrouve à devoir courir après le score tout en défendant dos au mur jaune en deuxième mi-temps, ce qui s’avérera mission impossible. On assiste dès lors à l’une de ces mi-temps magiques qui valent au Westfalenstadion le titre officieux de « meilleur stade du monde » où le BVB, porté par les immenses clameurs des tribunes, déferle inlassablement en direction du but adverse et où les actions s’enchaînent comme dans un rêve contre un adversaire complètement submergé par le cadre et l’atmosphère. Un vrai régal ! Un nouvel éclair de génie de Marco Reus, une talonnade, permet à Robert Lewandowski d’inscrire le 3-1. Le Borussia aurait dès lors pu se contenter de gérer le score en prévision du match de Ligue des Champions contre Arsenal mais ce n’est pas le genre de la maison. Quand il est pareillement en osmose avec ses fans, le BVB est bien décidé à les régaler et la pression ne va pas se relâcher. Une ouverture splendide d’Henrikh Mkhitaryan puis un tir de Jakub Blaszczykowski sur le poteau permettent à Robert Lewandowski de devenir le premier joueur du Borussia Dortmund à inscrire un triplé en Bundesliga depuis Michael Zorc en décembre 1994. Alors qu’il ne donne pas toujours l’impression d’être complètement impliqué, le Polonais n’en caracole pas moins en tête du classement des buteurs, ça situe la classe du bonhomme. Le directeur du BVB Hans-Joachim Watzke a récemment allumé ceux qui, comme moi, estimaient qu’il fallait à tout prix vendre Lewa en début de saison. Peut-être a-t-il raison : le cas échéant, je serai le premier à me réjouir de m’être trompé mais pour l’heure j’ai envie de rétorquer à Aki que c’est en fin de saison que l’on fera les comptes et que l’on pourra vraiment juger du bien-fondé de sa décision. C’est à Pierre-Emerick Aubameyang que reviendra l’honneur de clore la fête de tir, même si l’insatiable Lewandowski pousse le lob du Gabonais au fond des filets mais la balle avait déjà franchi la ligne, contrairement à ce que prétendait une charmante demoiselle sans doute un peu jalouse de mon nouveau Wintertrikot floqué Aubameyang, même si le maillot en question, censé évoqué la Südtribüne n’est pas une réussite.   

Aux suivants…

6-1 contre un Angstgegner qui était invaincu depuis le changement d’entraîneur, on pouvait imaginer pire scénario pour célébrer la prolongation du contrat de Jürgen Klopp jusqu’en 2018. Avec 107 victoires en 181 matchs de Bundesliga à la tête du BVB, Kloppo se rapproche du mythe Ottmar Hitzfeld, 108 victoires en 208 parties. Dans un monde idéal, ce record sera égalé la semaine prochaine à Wolfsburg et battu dans trois semaines contre le Bayern Munich… Car le grand choc que toute l’Europe du football attend avec impatience approche, il faudra juste veiller à éviter le piège à Wolfsburg pour que la première place du classement soit bien l’enjeu du duel entre les «deux meilleures équipes du monde», la citation n’est pas de moi mais de Josep Guardiola et je n’oserai bien sûr pas contredire un entraîneur que j’admire tant. En l’espace de quelques semaines, le BVB a pris sa revanche sur des clubs qui lui avaient fait des misères par le passé : Marseille, Arsenal, Schalke et désormais Stuttgart. Même si, techniquement, c’est plutôt le Bayern qui est en quête de revanche sur un BVB qu’il n’a plus battu depuis six matchs de Bundesliga et contre lequel il reste sur une défaite cuisante en Supercup, le Borussia a quand même quelques vieux comptes à régler avec le Rekordmeister depuis la saison passée. L’heure de la prochaine vengeance a sonné : puisse-t-elle se révéler aussi savoureuse que celles prises lors de cette semaine de rêve contre Schalke et Stuttgart.  

Borussia Dortmund – VfB Stuttgart 6-1 (2-1)

Signal Iduna Park, 80’645 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Meyer.
Buts : 13e Haggui (0-1), 19e Papastathopoulos (1-1), 22e Reus (2-1), 54e Lewandowski (3-1), 56e Lewandowski (4-1), 72e Lewandowski (5-1), 81e Aubameyang (6-1).     
Dortmund : Weidenfeller ; Grosskreutz, Papastathopoulos, Hummels, Schmelzer (71e Durm); Bender, Sahin; Blaszczykowski, Mkhitaryan (76e Schieber), Reus (59e Aubameyang); Lewandowski.
Stuttgart : Ulreich; Sakai, Haggui, Schwaab, Boka; Kvist, Gentner; Leitner (85e Traoré), Maxim, Werner (74e Harnik); Ibisevic (68e Abdellaoue).
Carton jaune : 53e Papastathopoulos.
Notes : Dortmund sans Piszczek, Gündogan (blessés) ni Kehl (convalescent), Stuttgart privé de Cacau, Didavi (blessés) et Rüdiger (suspendu).

Écrit par Julien Mouquin

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2 Commentaires

  1. Stade en feu, métro en feu, bars en feu, 6 buts à fêter, quelle fantastique soirée! De la folie pareille on ne s’en lasse jamais!
    (ah il est censé représenter la Südtribune le Wintertrickot? Même pas remarqué, mais à part ça il est sympa, bizarre que tu l’ai pas floqué Lewa xD)

  2. la citation n’est pas de moi mais de Josep Guardiola et je n’oserai bien sûr pas contredire un entraîneur que j’admire tant.

    Exceptionnel, merci pour ce bel article et bravo

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