«Trois pauvres ensemble, ça fait pas un riche»

Christian Constantin était l’invité d’un séminaire sur le management du sport dans un institut universitaire de la région lausannoise en qualité de dirigeant de club mais aussi d’entreprise. Un séminaire riche en phrases cultes (sur le hockey valaisan notamment) mais également en infos sur la gestion du club valaisan. J’étais dans la salle. Florilège !

«Bon je vais commencer à l’heure, à 18h, je dois être à Prague»

Il est 15h et le show peut commencer. J’ai mon bloc-notes et je suis prêt à noter aussi bien les sorties cultes que les possibles informations utiles sur le club valaisan et sa gestion. Le tableau est dressé avec un slide powerpoint ronflant : «Le management de la performance à l’épreuve du sport et de l’entreprise». Le responsable de communication est assis, Constantin debout, et c’est parti. Visiblement bien préparé, notre CC cantonal se lance dans des théories sur la gestion. C’est du management 101 avec les lieux communs qui y sont rattachés :
«Il faut bâtir le succès»
«Il faut construire pierre après pierre»
«Il faut savoir saisir les opportunités»
«Pour y arriver, il faut mouiller la chemise»
L’audience s’endort peu à peu et c’est surtout la déception qui domine mais arrive le premier coup d’éclat de l’architecte martignerain. Alors qu’il est en plein discours, son responsable communication lance une vidéo à la gloire du conférencier: CC en discussion, CC sur un terrain, CC au gala, CC sur un chantier, CC en ville de Sion ou CC en train de montrer du doigt Valère. De la propagande monstrueusement délicieuse et vaniteuse sur un fond techno, un régal !

«Les dictateurs ne sont pas forcément des mauvaises personnes»

Puis arrive enfin la première question qui va détendre Tintin parti en mode automatique en assénant des théories dont l’académie peut bien se passer. «Est-il possible que Sion vive sans un mécène ?». Sur la base de cette question va se lancer un Q/A fort intéressant. On y apprend d’abord que la masse salariale de la première équipe est d’environ 350’000 frs par mois (15% du budget), ce qui peut paraître en dessous des attentes. Cependant, la restructuration du club et l’élimination des gros salaires de l’an passé laissait augurer un chiffre raisonnable mais ce montant paraît vraiment minime en sachant que Gattuso gagnait plus de 100’000 frs par mois. Ensuite, sur ses 15 ans de présidence, CC aurait injecté environ 60 millions de francs (selon ses dires). Cependant, l’architecte reconnaît qu’il s’y retrouve pas mal car, grâce à ce fric injecté, il a également réussi à signer des contrats très importants.

«Entre avoir le pognon et le donner, il y a une différence»

Puis, il attaque le transfert El Haddary. Il avoue à demi-mot que ce transfert est purement tactique pour ses affaires au Qatar. Ainsi, lors d’une réunion dans le petit pays du Golfe, il perçoit un grand intérêt de la part de son interlocuteur pour le foot africain. Ce dernier relève pourtant que le gardien égyptien n’a jamais eu sa chance en Europe malgré un talent apparent. Ni une, ni deux, Tintin engage le pharaon et dans la foulée décroche un contrat de construction de trois milliards (!) dans la région (le fameux bâtiment en forme de Cervin avec un stade juste à côté). L’audience a le droit à une nouvelle vidéo promotionnelle aux relents communistes, du grand art !

«L’argent c’est pas comme les carottes, ça pousse pas dans les champs»

Puis il parle du club de manière plus générale. Comme déjà entendu, il maintient que le bassin économique valaisan ne pourrait pas permettre au FC Sion de vivre en première division. Selon ses chiffres, 60% des sponsors viennent de ses partenaires du bureau d’architecture. Donc en plus d’injecter du pognon, CC en rapporte. «Il n’y a qu’à regarder Lausanne pour comprendre que le fric attire le fric. S’ils s’en sortent, c’est un miracle d’ailleurs». Il aborde également l’Europa League et on y apprend que le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle pour le club valaisan notamment. «L’Europa League te coûte du pognon» mais c’est également une bonne vitrine pour ses joueurs et le club, bien que financièrement la manne est nulle voire négative. Il ajoute qu’il faudra repenser la structure de la compétition sans quoi son attrait deviendra nul aussi bien pour les grands clubs que les plus petits.

«Si t’as pas d’or, tu peux pas faire de Rolex»

Puis arrive enfin le sujet brûlant du stade. CC annonce d’emblée qu’il n’a jamais eu l’intention de construire un stade nulle part. Que ça soit au Chablais ou à Riddes, les terrains étaient des investissements commerciaux sur lesquels il a pu faire «7 ou 8 centres commerciaux». La justification vient d’un raisonnement simple, faire un stade signifie investir moins d’argent pour ses joueurs donc diminuer la possibilité de gagner des titres. Il cite Arsenal et son sevrage de titres depuis l’Emirates. Il dévoile cependant son plan concernant Tourbillon. Le boss valaisan a l’intention de laisser la municipalité de Sion continuer à payer la mise à niveau annuelle des infrastructures. Lui paie un loyer de 150’000 francs annuels pour en bénéficier. Une fois que la ville refusera de continuer à injecter l’oseille, probablement lors d’un changement de législature, alors CC proposera un deal. Il espère ainsi obtenir toutes les zones aux abords du stade pour y construire des immeubles locatifs et en échange s’engagerait à moderniser de manière conséquente, voire à reconstruire Tourbillon. «Aux abords 2017 ou 2018». Plutôt futé mais également rassurant pour les fans valaisans dont la vétusté du stade peut commencer à inquiéter.

«Le foot ça te prend 24/24. C’est un sacerdoce»

«Gattuso, il me donne une super vitrine médiatique». Mais le problème est que le transalpin arrive avec ses problèmes oculaires. Il doit donc s’injecter quotidiennement de la cortisone pour pouvoir continuer à jouer. En contrepartie, il est obligé de courir 8 km par jour au minimum pour éliminer les calories liées aux injections («Sinon il gonfle») et de garder la forme physique pour continuer à jouer. Arrive Noël et Rino annonce au président qu’il en a «ras-le-cul» de ces injections et du rythme infernal qu’il doit assumer pour jouer des bouts de match. Il demande donc à Christian d’accélérer sa reconversion et convainc le vestiaire que c’est lui l’homme de la situation. «D’accord mais si ça marche pas, je vire tout le monde». La suite, on la connaît. Gattuso foire et CC se sépare d’un total de 27 joueurs (!). Faut pas qu’il dise qu’il n’était pas prévenu.

«Un budget de 10 millions. C’est bien si tu veux aller en Challenge League»

La fin de la conférence approche à grand pas et le jet présidentiel est déjà prêt pour rallier Prague. Les dernières questions fusent et touchent plutôt l’état actuel du club. CC avoue que Decastel est une erreur de casting. «Il a voulu faire avec la première équipe ce qu’il faisait avec les M-21». C’est également normal que ça soit tout le temps l’entraîneur qui trinque car il ne peut pas virer 30 joueurs. Il parle ensuite de ses réseaux en Afrique et de la politique de recrutement. «Un Africain, faut le sortir jeune d’Afrique» car sur place les infrastructures sont mauvaises et les talents sont ralentis dans leurs progressions. «Assifuah était à la limite». L’argent investi dans les centres de formation fini trop souvent dans la poche d’intermédiaire et on ne l’y reprendra plus à engager des Africains de 25 ans qui n’ont jamais joué ailleurs qu’en Afrique. A part pour un prochain contrat au Qatar peut-être ?

«Si tu fais un appart à Crans, faut pas faire le même qu’à Montreux»

La conférence touche à sa fin et CC fait la traditionnelle photo qui finira sur le site officiel ou Le Matin ou les deux tant qu’à faire. Sur l’heure passée, CC a balancé pas mal d’infos intéressantes tout en contournant certaines questions embarrassantes sur le cas Margairaz par exemple ou sur la gestion humaine du groupe de l’an passé. En fin rhétoricien, il a captivé l’audience par ses punchlines dont je vous laisserais une dernière sélection pour terminer cet article :
«Baulmes, c’est une anecdote. Salvi s’est emporté. Son stade, c’est comme la gare derrière Ventimiglia. Elle a beau être grande mais il n’y a aucun train qui passe».
«Des fois, il faut savoir faire de la poésie».
«Les gens de parole sont les gens les plus importants que vous pouvez avoir».
«Le sport est une chaîne de la vie».
«Il a qu’à gagner, et il y aura pas de problème» (en parlant de Roussey).
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Raphaël Zumofen

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12 Commentaires

  1. Sacré personnage ce CC. Je n’ai que du respect pour ce genre de personnes, passionnées par leur club qui investissent leur propre argent.

    Un petit retour sur investissement est plus que logique !

    CC, mon héros.

    PS: assez marrant que le code à saisir en bas pour valider ton commentaire soit « cinglé »…

  2. Très intéressant, merci.

    CC n’est donc pas seulement le passionné qu’il décrit souvent et des éléments extra-sportifs guide ses choix. On le pressentait bien sûr mais enfin là, on comprend les enjeux sous-terrains.

  3. « …la traditionnelle photo qui finira sur le site officiel ou Le Matin… »

    Pléonasme, cher M. Zumofen, pléonasme…

    « …En contrepartie, il (Gattuso donc) est obligé de courir 8 km par jour au minimum pour éliminer les calories liées aux injections («Sinon il gonfle») … »

    Là j’ai bien ri ! Imaginer Gattuso, tout gonflé ! MDR !

  4. Cher Ch. Logoz,
    En règle générale je trouve vos commentaires assez appropriés, mais de toute évidence vous n’avez jamais suivi (et je vous souhaite de ne jamais avoir à suivre) de traitement à base de cortisone.
    Si vraiment c’est le cas de Gattuso, et qu’il a tenu 6 mois, moi je dis chapeau.

  5. Sorry M. Bang, mon intention n’était nullement de me moquer de Gattuso, ou de toute personne devant suivre un traitement à la cortisone, d’ailleurs. C’est juste que dans le contexte, sur un site satirique, et avec un article dont le but était visiblement de railler les déclarations à l’emporte-pièce de Constantin, j’ai spontanément éclaté de rire en lisant ce « sinon il gonfle ». C’est tout ! Rien de bien grave, j’espère ?

  6. Y a pas à dire CC est un véritable charlatan. Un Bulat / Kita mais local qui boit du fendant et habite Martigneugneu, alors cela passe mieux. Et surtout qui gagne un max de pognon et ça tout le monde lui envie (moi le premier, je ferais pareil que lui).

    Hallucinant comme les fans du FC Sion n’ont pas d’orgueil et de fierté car pour se faire enc*ç% à sec comme ça faut l’avoir large le trou du cul.

    C’est quoi son bilan après toutes ses années à la tête de Tourbillon ?

    Bref, tant qu’il sera en place, cela ne sera pas pour me déplaire car aucun titre ne viendra garnir la pauvre vitrine de Sion.

  7. Euh, Edouard, CC président c’est quand même 1 championnat et 6 coupes soit 7 titres si je fais bien le calcul (comme toi je ne parle que du palmarès…) alors ça fait un poil plus que la moyenne des dirigeants non? faut pas tenir des thèses quand on connait pas garçon…

  8. Euh, John, tu as bien calculé, 1 championnat et 3 coupes en 5 ans (92-97) de 1ère présidence (l’âge d’or de CC en quelque sorte). Là dessus pas grand chose à redire et depuis avec 60 millions investis, comment le palmarès ?

    3 Coupes de Suisse depuis 2003 ! Et 1 seule depuis 3 ans (et ça va pas changer cette année…). Le bilan est maigre pour quelqu’un qui joue le doublé chaque saison et investit massivement dans un club. 0 titres de champion suisse depuis 16 ans. Si t’arrive à t’astiquer la nouille avec ça tant mieux pour toi.

    Constantin, c’est surtout la faillite d’une gestion sportive depuis 10 ans: 0 titre de Champion, des licenciements d’entraineur (et de joueurs) à tour de bras, une gestion de groupe horrible, une bataille contre l’UEFA (avec l’appui des incultes du Matin) honteuse (http://www.cartonrouge.ch/actualite/fc-sion-vs-reste-du-monde-hors-la-loi/), un ego surdimensionné et des contrats signés sur le dos du FC Sion.

    Même le Looser-Sport a plus de titre de champion (7) que Sion (2) – loin derrière Servette et ses 17 titres, c’est dire.

  9. Ah ben c’est clair, en comparant avec le LS et Servette, ya plus grand chose à dire, t’as encore oublié Xamax dans la liste des équipes romandes qui peuvent se permettre de donner des leçons aux autres…

    Sans revenir sur le palmarès de ces clubs ces 15 dernières années qui donne le tournis par rapport au maigre bilan comme tu le dis de Sion…

    60 mios en 15 ans, ça reste quand même dans le tir des mécènes « standards » (hors FCB) des clubs de ligue A si jamais.

    Je ne suis pas revenu sur le côté gestion que je n’approuve évidemment pas mais tu as attaqué le palmarès dans ton commentaire, donc je pense que c’est pas forcément le sujet sur lequel tu peux t’étendre le plus en comparaison à d’autres…

  10. C’est juste, merci j’avais zappé Xanax. Même eux.

    Je ne savais pas que d’autres mécènes ont signé des contrats de 3 milliards après avoir signé un joueur….

  11. C’est le contrat de 3 milliards qui te dérange? tous les dirigeants utilisent leurs contacts dans le foot pour faire du business pour leurs boites, dsl de te faire découvrir le monde réel…

    En fait c’est le montant qui t’impressionne, celui qui signe 3’000 CHF est plus honnête que celui à 3’000 MCHF, chacun son niveau de jeu…

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