Fashion Hockey Club

Avec ses trente paires de chaussures, ses cols en V et sa coupe de cheveux à géométrie variable, Oliver Kamber est ce qu’on appelle un mec stylé. Patins aux pieds, ça envoie tout autant, avec une palette toilée depuis le milieu et des languettes au millimètre. Sur le fond, Kamber vaut également le détour : en plus d’être trilingue, le bonhomme connaît la chanson (treize saisons comme centre en LNA, souvent aux côtés d’un étranger), possède un sens aigu de la passe et revendique un amour inconditionnel du beau jeu. Coup de projecteur sur la carrière voyageuse d’un authentique bon type, où il est question de jeudis à Lausanne, shopping à Milan, préparation en Floride, Coupe d’Europe à Zurich et week-end à Ibiza.

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EHC Zunzgen-Sissach. Un club de hockey du canton de Bâle-Campagne, né de la fusion en 1979 des équipes des deux communes respectives, Zunzgen et Sissach. Située à mi-chemin entre Bâle et Olten, la formation aux maillots verts façon Minnesota North Stars évolue en 2ème ligue régionale depuis cet hiver, non sans avoir fait partie du paysage de la 1ère ligue de Suisse centrale pendant une bonne quinzaine d’années. Si les succès récents sont restés relativement confidentiels (poule de relégation ou échec systématique au premier tour des playoffs), le club bâlois peut tout de même se vanter d’avoir formé quelques patineurs pas totalement inconnus dans le monde du hockey suisse. Oliver Kamber et son grand frère Michel en font partie, mais aussi Patrick Sutter, René Furler, Marc Grieder ou encore un certain Kevin Schläpfer.
Le « Hockeygott » himself a en effet donné ses premiers coups de patins dans le coin, bien avant de devenir Monsieur LNB et de laisser un souvenir impérissable au Stade de Glace. Heureux hasard, il se trouve que l’actuel entraîneur de Kamber à Bienne n’est autre que… son cousin. « Oui, c’est vrai, mais pas au sens premier, nuance Oliver. Son beau-père est mon oncle et on se connait depuis que je suis petit, grâce au hockey. En plus, mon père était entraîneur au club et mon frère jouait aussi, alors c’était très familial comme environnement. Bon, faut dire que les villages sont pas très grands, alors de toute façon tout le monde se connait dans la région ! »
Une région au cul entre deux chaises, qui n’offre pas vraiment de perspectives pour les jeunes hockeyeurs, à moins de s’exiler quelques kilomètres plus au nord ou au sud. À 15 ans, Oliver, en passe de terminer sa scolarité obligatoire, part donc tenter sa chance à Olten. « Comme c’était plus près que Bâle, c’est là que je suis parti avec mon frère. Après cette saison en Novices, quand j’ai fini l’école, mon prof m’a demandé ce que je voulais faire. J’avais fait quelques stages, mais j’ai répondu très sérieusement que je voulais être hockeyeur. Évidemment, il m’a presque engueulé en me disant que c’était pas un vrai métier et qu’il fallait trouver autre chose. Mais moi j’étais déterminé ! D’ailleurs, à l’époque, on devait faire un dessin représentant notre futur. Je me suis mis en scène avec un maillot de Lugano ! »


Le jeune Oliver, avec un verre de thé et des pantalons Cooperall.

Dolce vita, NHL et claquage de porte

Il ne croit pas si bien dire. Lors d’un tournoi avec les sélections cantonales, Oliver et Michel tapent dans l’œil de John Slettvoll, alors entraîneur et manager du HC Lugano, qui propose aux frangins d’intégrer les rangs du club tessinois. Michel, plus vieux de trois ans, est contingenté en première équipe tandis qu’Oliver évolue en Juniors Elites A. Mais, hormis les entraînements aux aurores et les week-ends surbookés, franchement, c’est plutôt la dolce vita au bord du lac.
« J’habitais avec Michel, explique Oliver. Le club avait créé un « talent group » avec des séances tôt le matin pour les jeunes joueurs, mais à part mon frère, le gardien Davide Gislimberti et moi, personne ne venait jamais ! Les Tessinois préféraient sûrement dormir ! Dans notre appart, on avait une télé avec des chaînes américaines et chaque lundi soir, Lars Weibel venait regarder les highlights de NHL chez nous. Maintenant, c’est clair qu’avec internet tu as toutes les infos tout de suite, mais à l’époque, le câble, c’était le seul moyen de voir ce qui se passait là-bas ! » Avec une semaine de décalage, pleins feux sur une NHL où la coupe mullet, les manches en alu, les gants Easton Air et les uniformes conçus sous LSD représentaient alors la norme, sans que personne n’y trouve à redire.
Au Tessin, Oliver apprend certes l’italien, mais sans formation à côté du hockey, les journées deviennent forcément longues, même pour un ado de 16 ans. « Ça ne pouvait pas continuer ainsi. J’avais envie de trouver quelque chose, mais j’étais quand même un peu juste en italien. En fin de saison, des discussions ont eu lieu avec Grasshopper, on nous a proposé à mon frère et moi un contrat de formation de quatre ans avec un apprentissage d’employé de commerce en plus du hockey. On a accepté et on a rejoint Zurich. »


La carte de la sezione giovanile de Lugano, qui faisait office d’entrée pour les matchs de la première équipe. Une belle casserole.

Le Grasshopper de Ruutu et Nieminen sort alors d’une saison 95/96 qui l’a vu remporter le championnat de LNB, mais terminer au dernier rang d’une poule de promotion/maintien à trois équipes, avec La Chaux-de-Fonds et le dernier de LNA Lausanne, qui sera relégué au terme du mini-championnat. Durant sa première année zurichoise, Kamber évolue principalement avec les Juniors Elites A et obtient même une médaille de bronze avec la Suisse au championnat d’Europe U18 en République tchèque (1997).
Par la suite, Oliver prend du galon et émerge gentiment dans l’équipe fanion, disputant dans la foulée ses premières rencontres en LNB. Il ramasse un reality check en pleine gueule dès sa troisième année au club, mais ne se débine pas pour autant. Deux points, ouvrez les guillemets : « L’entraîneur Dave Tietzen m’a envoyé en première ligue, à Küssnacht. On a discuté, il m’a simplement dit que j’avais pas le niveau et que je pouvais oublier la Ligue Nationale. Je me suis levé, je lui ai dit que c’était un trou du cul et je me suis cassé. » C’est ce qui s’appelle soigner sa sortie.
Le championnat 1999/2000 devient la première « vraie » saison de Kamber, qui reçoit finalement sa chance en LNB. Riccardo Fuhrer remplace Tietzen, Grasshopper évolue sans étrangers, lance une poignée de jeunes dans le bain et le légendaire Riccardo Signorell – un monument de la LNB des nineties au nom de figurant dans Les Soprano – est nommé baby-sitter en chef de la bande. Hélas, l’opération « roulez jeunesse » est malheureusement un désastre : dixième et dernier, GC est officiellement relégué en 1ère ligue en perdant sa série de play-out contre Viège, mais garde finalement sa place au prix d’un imbroglio administrativo-sportif impliquant les promotions de Coire et La Chaux-de-Fonds en LNA et celles d’Ajoie et Herisau en LNB. Le club zurichois reprendra un nouveau départ dès 2000 sous le nom de GCK Lions, en tant que fournisseur officiel de talents pour son grand frère, les ZSC Lions.
En partance pour Lausanne, Riccardo Fuhrer propose au duo-pack Kamber de prendre place dans ses bagages. Les frangins acceptent et rejoignent le club lémanique, qui joue alors les premiers rôles en LNB et ambitionne, à moyen terme, de rejoindre l’échelon supérieur.

Lausanne Night Club

Promu en LNA en avril 2001, le LHC vit une saison mémorable à tous les niveaux. Sur la glace, Dimitri Shamolin, Philippe Müller et Max Lapointe font tout péter (263 points à eux trois à la fin des playoffs), les bonnes surprises Philipp Orlandi, Benny Plüss ou Oliver Tchanz offrent des alternatives plus qu’intéressantes, et le sketch du patin du renfort de dernière minute Thomas Östlund est encore dans toutes les mémoires. Beat Kindler, le dindon de la farce devenu héros du happy end, doit se dire qu’il y a quand même une justice. Au milieu de tout ça, Kamber explose : avec 35 points en championnat et surtout 21 en playoffs, il est considéré comme un des artisans du succès des Vaudois.
En dehors de la glace, c’est pas mal non plus. Oliver travaille son français et découvre une institution toute lausannoise, celle du sacro-saint jeudi soir. Avec Patrick Giove et Pierre Cordero comme guides touristiques, un petit noyau de joueurs incluant les frères Kamber apprend à connaître l’immuable circuit « repas en commun – soirée au Central – after au D! Club ».
Oliver n’esquive pas, bien au contraire. « C’est sûr, j’ai bien profité de « Lausanne by night ». Nicolas Burdet squattait chez moi et on a fait les 400 coups ensemble ! On est encore en contact maintenant, on se voit régulièrement et je suis même son témoin de mariage. Lausanne, ça reste une ville incroyable. Le bord du lac, les grillades, la ville, le sport, les restaurants, les boutiques, c’est vraiment chouette. J’ai adoré la vie là-bas. Ça m’a permis d’apprendre le français et comme ça se passait bien sur la glace, c’était parfait ! »
Dans le vestiaire en revanche, c’est quasiment l’inverse. Les relations avec Fuhrer sont tendues, le courant ne passe pas et les joueurs font semblant de sourire. La vérité, c’est que personne ne peut encadrer le coach omnipotent (surnommé « Louis XIV »), qui fait d’Oliver sa cible préférée. « Aux séances de vidéo, c’était systématique : je ramassais toujours. Pas assez ci, pas assez ça, tout le temps. Pourtant j’avais pas l’impression d’être mauvais ! J’en avais vraiment marre et j’ai même demandé à partir. » Un transfert vers Bâle est même évoqué (« Kamber a déjà fait ses valises », titrait le 24 Heures à l’époque), mais Oliver termine finalement la saison à Lausanne.
La tension Kamber-Fuhrer atteint son apogée en playoffs. En demi-finale, face à Viège, le LHC est mené 0-2 dans un best of five et se retrouve proche de l’élimination. En plein service militaire à Payerne, Oliver manque alors un entraînement du week-end pour se ressourcer… chez le coiffeur, à Zurich ! Si, si. Il sourit. « Vu comme ça, ça peut paraître bizarre ! Mais il y a eu un malentendu. En fait, j’étais libéré pour les entraînements et les matchs. Deux fois durant la semaine du match, j’arrive à la patinoire et on me dit que c’est annulé. Je suis venu pour rien et personne ne m’avait averti ! Comme le match no 3 avait lieu le dimanche, j’ai été libéré le samedi en croyant qu’on s’entraînait seulement le soir. J’avais du temps pour moi, je suis parti directement chez le coiffeur sans savoir qu’on avait aussi un entraînement à midi. »
Ok, très bien, chez le coiffeur, mais pourquoi… à Zurich ? Oliver rigole. « Oui, bon, disons que je voulais me balader à Zurich et que j’ai profité pour me faire couper les cheveux où j’avais l’habitude d’aller quand je jouais à GC. Quand Fuhrer a appris ce que j’ai fait, il m’a sermonné devant tout le monde au vestiaire. Je lui ai expliqué que je savais pas, qu’on s’est pas compris et… ben disons que le ton est rapidement monté ! » Un « trou du cul » plus tard lancé à son entraîneur, voilà Kamber privé de match et invité à regarder ses coéquipiers depuis les tribunes pour l’acte no 3. Tout ça pour une malheureuse crête à Zurich.


Kamb & Kamber.

Lausanne gagne le troisième match de la série puis, sous la pression de Serge Poudrier et de Dimitri Shamolin, Riccardo Fuhrer réintègre Kamber dans l’effectif et le LHC remporte sa demi-finale contre Viège. Un Viège dont les supporters, grands seigneurs, avaient alors déployé une banderole à la fin du match no 5 (« Super ambiance à Lausanne, bonne chance pour la finale », en français dans le texte). Classe.
Le LHC se défait ensuite de Bienne en finale puis, exilé à Genève en raison des Mondiaux de curling à Malley, bat La Chaux-de-Fonds lors du barrage de promotion/relégation. Une victoire qui doit son salut à un petit détail, selon Oliver. « C’est au moment du barrage qu’on a appris que Fuhrer avait signé à Berne. Quand on voyageait en car, on le déposait toujours à Guin et le jour de l’annonce de sa signature, on a fait la bombe dès qu’il est descendu ! Sans ça, je sais pas si on aurait eu la motivation de monter, sachant qu’il serait notre entraîneur en LNA. »
Après la tournée des bars pour fêter la promotion, Kamber signe pour une année supplémentaire et effectue ses grands débuts en LNA. Si Lausanne manque les playoffs pour 2 points, il sauve tout de même sa place dans l’élite en se débarrassant de Coire. Pour son baptême du feu dans la grande ligue, Oliver se montre plutôt convainquant : avec 38 points en 46 matchs (série de play-out incluse), il est le troisième compteur du LHC derrière Dimitri Shamolin et Gerd Zenhäusern. Ses bonnes performances lui valent même le titre de Rookie de l’année et une offre de Zoug arrive sur la table en fin de saison. Kamber décide de relever le défi.

Hockey total et carte au MAD

Séparé de son frère pour la première fois dans sa carrière, Oliver vit une saison plutôt moyenne en Suisse centrale. Avec Doug Mason (remplacé en cours de saison par Serge Pelletier), Zoug préconise une sorte de « hockey total », à travers un système de jeu où le défenseur et le centre inversent leurs rôles selon l’orientation du forechecking. Le club joue avec des maillots ornés de visages grossiers probablement dessinés par un gamin de 6 ans (WTF ??), se place au dixième rang et termine sa saison le 16 février déjà en raison de l’annulation des séries de play-out, suite au problème de licence de Fribourg et au protêt de Langnau.
Quelques bons souvenirs subsistent quand même. « C’est à Zoug que j’ai connu Stefan Niggli, qui est devenu un de mes meilleurs amis dans le hockey. En plus, la ville est jolie, c’est près de Lucerne et… on paie moins d’impôts qu’ailleurs ! Mais après une saison, je la sentais pas trop. J’ai cassé mon contrat et je suis revenu à Lausanne pour deux ans. »
Oliver retrouve donc « sa » ville et en profite pour élargir son cercle d’amis. « J’avais une amie à Zurich qui connaissait un gars à Lausanne, elle m’a dit de l’appeler. On a sympathisé et comme ça j’ai pu progressivement connaître des autres personnes en dehors du hockey. Tu sais, d’habitude tu traînes avec les coéquipiers et tu fais toujours la même chose, tu vois les mêmes personnes aux mêmes endroits. Là j’ai découvert une autre facette de la ville, je me suis ouvert à d’autres personnes et j’ai bien amélioré mon français. Et les gens à Lausanne sont cools, j’adore. Ça aussi, c’est un bon côté de la ville. En fait, hormis le trafic et les embouteillages, je vois aucun défaut à Lausanne. »
De nouveaux horizons qui permettent à Oliver de se voir accorder quelques privilèges de VIP. De fil en aiguille, il fait la connaissance du programmateur du MAD, un autre lieu bien connu des fins de soirées lausannoises. Son nouveau pote offre (évidemment) une carte de membre à Oliver, en plus de quelques bracelets backstage. « C’était un vendredi, veille de match. J’étais tranquille chez moi, mais j’étais au courant que Martin Solveig mixait au MAD. Le programmateur savait que j’adorais ce DJ, alors il m’a appelé et m’a fait rentrer par derrière. J’ai pu me cacher en hauteur et j’ai eu droit à une heure de Martin Solveig. Sans boire, sans faire la fête, je précise ! Après le set, je suis rentré chez moi. Magnifique. C’était vraiment sympa de sa part. D’ailleurs, ce gars du MAD, c’est la seule et unique personne à qui j’ai donné un de mes maillots dans ma carrière. Un collector de Lausanne, avec le C de capitaine. »
Parce qu’en plus d’échanger des cartes de visites et de faire du shopping en ville, Oliver joue aussi au hockey, ce qu’on aurait presque tendance à oublier. Malheureusement, après avoir frisé le code en avril 2004 (sauvetage lors des barrages LNA/LNB contre Bienne), Lausanne sombre définitivement douze mois plus tard contre Bâle. À Malley. Devant 9’000 spectateurs. Difficile d’imaginer une sortie plus honteuse.
La funeste aventure 2004/2005 du LHC est bien connue, inutile d’en rajouter. Du point de vue d’Oliver cependant, elle diffère quelque peu de ce qu’on a l’habitude d’entendre ici et là. « C’était bizarre. Tout le monde disait que l’entraîneur Bill Stewart était un cinglé, mais j’ai jamais rien eu avec lui ! Aucune engueulade, aucune confrontation, rien ! Il était dur avec tout le monde, sauf moi. J’étais presque gêné ! Je sais pas… peut-être qu’il voulait la carte du MAD ? »
Oliver éclate de rires, avant de prendre un ton plus sérieux. « À part ça, c’était un malade. Les histoires avec la bouffe qui vole dans le vestiaire, je confirme que c’est vrai. Une fois, on l’a attendu une heure dans le bus après un match. Il est arrivé, il a rien dit, il s’est assis et le car est parti. Va savoir ce qu’il faisait ! Vers la fin du championnat, il m’a nommé capitaine à la place de Gerd Zenhäusern et il m’a même laissé un message sur mon répondeur une semaine après la relégation. Il m’a félicité pour ma saison et souhaité bonne chance pour la suite de ma carrière. J’ai été un peu surpris, mais ça m’a aidé à tourner la page. Perdre comme ça, à Lausanne, sous les sifflets, c’était vraiment une sensation horrible. Mais bon, il faut être juste : si on n’a pas réussi à gagner une série contre une équipe de LNB, c’est qu’on méritait tout simplement pas de rester en LNA. »

Czerkawski et Miss Pologne

Un peu pris de court, Kamber s’entend alors avec Fribourg-Gottéron dans une transaction de dernière minute. Comme il garde son appartement à Lausanne, l’acclimatation n’est pas optimale. « À cause des trajets, j’ai pas vraiment pu me poser et connaître la ville. En tout cas pas comme Lausanne ! Malgré les bons joueurs qu’on avait, c’est pas cette année non plus que j’ai connu les playoffs… » Neuvième du championnat, Fribourg culbute jusqu’en finale de barrage (la… troisième d’affilée pour Oliver) et maintient sa place en LNA grâce à une victoire contre Bienne.
Sans contrat, Oliver trouve alors de l’embauche du côté de Rapperswil. À la recherche d’un joueur de centre, le club st-gallois propose une entente de deux ans au Bâlois, qui accepte l’offre. Au bout du compte, une excellente expérience : associé au Polonais Mariusz Czerkawski, Kamber assure une moyenne de 35 points par saison et participe pour la première fois de sa carrière aux playoffs de LNA.
« On peut dire que j’ai attendu ! Et comme Rapperswil ne fait pas souvent les playoffs, c’était vraiment spécial. Franchement, c’était super ! La ville est sympa et c’est proche de Zurich. On avait une bonne équipe, j’avais du temps de jeu et beaucoup de responsabilités. J’ai directement été associé à Czerkawski et ça a bien marché. Déjà à Lausanne, j’avais joué avec Bashkirov, Tuomainen ou même Martin St-Louis. Mais en plus, Czerkawski était vraiment stylé en dehors de la glace, donc on peut presque dire que c’était un modèle partout ! »
Au bras de Miss Pologne, monsieur Mariusz Czerkaswski, hockeyeur aux 800 matchs de NHL et accessoirement ex-époux d’Izabella Scorupco (James Bond girl dans GoldenEye), est le patron de la ville et s’octroie tous les privilèges au volant de son immense Range Rover. Et vas-y que je pique la place réservée au chef de glace à la patinoire ou que je fous ma caisse sur le trottoir avec les warnings en allant tranquillement commander mon café chez Starbucks. Faut croire qu’emmener Rappi en playoffs (et deux ans de suite, qui plus est !), ça donne assurément certains avantages.


Madame Mariusz Czerkaswski.

En bonne fashion victim, Oliver a certainement un avis sur la couleur si particulière du maillot de Rapperswil. « Et ben… honnêtement, c’est pas terrible ce fluo. En plus, avec toutes les pubs, tu te demandes des fois en quelle couleur tu joues ! Mais bon, au moins on sait maintenant que ce bleu clair, c’est Rapperswil. Le point positif, c’est que ça contraste avec les autres équipes. » Ses bonnes prestations durant deux saisons avec les Lakers donnent alors à Oliver la possibilité de jouer le haut du tableau grâce à un contrat signé chez les ZSC Lions. Plus besoin d’avaler les kilomètres pour se faire couper les cheveux, donc.

L’American way of life en Floride

Zurich est alors au sommet. Champions de Suisse en 2008, les Lions sont les épouvantails de la ligue et le Hallenstadion est the place to be. Mais avec Trudel, Alston, Pittis, Gardner, Wichser, Monnet, Krutov ou Bastl, l’attaque a fière allure et Oliver doit fatalement se contenter des miettes en quatrième bloc. Sortir les pucks, mettre du rythme, finir ses mises en échec et venir changer : pas vraiment la botte secrète de l’esthète Kamber, qui doit jouer contre nature.
Lui, le passeur hors-pair, adepte d’un hockey technique et chatoyant, doit soudainement se muer en meneur de la checking line, balancer le puck au fond de la zone et trancher toutes les têtes qui dépassent. Un crève-cœur. « Sportivement, c’était difficile. Avec Rapperswil, je jouais les situations spéciales, on comptait sur moi et je devais créer du jeu. Là, je me suis retrouvé en quatrième ligne dans un rôle défensif qui ne me correspondait pas du tout. Les joueurs se connaissaient bien, ils venaient de gagner le championnat ensemble et j’ai pas vraiment eu la chance de montrer ce que je valais dans un registre plus offensif. »
Même la vie nocturne n’a plus la même saveur. C’est dire. « À Zurich, je sortais presque jamais. Généralement, si ça va moins bien sur la glace, je fais pas trop le con en dehors. Et faut dire aussi qu’à Lausanne je suis sorti pour quinze ans ! Mais je garde de bons souvenirs : on a quand même gagné la Champions Hockey League ! Une expérience magnifique : les voyages, les hôtels, les maillots spéciaux, le show, c’est vraiment particulier. Ça me fait rire parce qu’avec Thibaut Monnet, on avait la trouille en avion. D’ailleurs, je me souviens avoir lu à l’époque une interview du DJ Paul Van Dyk où il disait que dans son boulot, il ne prenait jamais un avion triréacteur parce que c’était le moins fiable. On part pour la Russie et là je vois qu’on embarque dans le même type d’avion. J’ai jamais autant paniqué de ma vie ! »


Le grand brun avec des chaussures rouges.

Parallèlement, Michel, le grand frère d’Oliver, décide de mettre un terme à sa carrière de hockeyeur en mars 2009, après une dernière saison à Sierre en LNB. Désormais établi en Suisse romande, marié et heureux père de famille, Michel, sosie parfait de Val Kilmer, partage son temps entre boulot et… peinture. Il a même eu l’honneur d’exposer ses œuvres. Oliver se marre. « Je sais pas d’où ça vient. Notre père était peintre en bâtiment, alors peut-être que c’est ça ? Moi je suis nul en tout cas ! Maintenant, on se voit de temps en temps et on garde contact par téléphone. J’ai aussi un de ses tableaux accroché chez moi. » Grâce à Michel Kamber, Eric Cantona a enfin de la concurrence au rayon sportif artiste.
Après la défaite un peu surprenante du ZSC contre Fribourg lors des playoffs de 2009, Oliver opte pour une préparation estivale plutôt exotique. Le physiothérapeute du club possède une maison en Floride et a l’habitude de louer l’endroit pour les joueurs durant l’intersaison. En compagnie de sa copine (et de ses parents pour une partie du séjour), Oliver décide donc de passer un été aux Etats-Unis. Il découvre l’American way of life en grandeur nature, avec au menu des entraînements le matin selon le programme du club, suivis de séances de bronzette sur la plage, des visites touristiques à Key West ou Miami, sans oublier les inévitables marathons de shopping.
« C’était incroyable, assure Oliver. Ça changeait de la monotonie de la Suisse où tu vois toujours les mêmes têtes et t’as pas tout le temps la motivation. On était à deux heures de Miami, dans un endroit calme où il n’y avait que des retraités. J’allais au fitness le matin et on profitait de la région durant l’après-midi. Tout est ouvert 24h/24h et je me suis bien fait plaisir dans les restos ou les boutiques : j’ai acheté une cinquantaine de t-shirts et j’ai dévalisé les magasins outlet de Ralph Lauren ou Abercrombie & Fitch. Je suis revenu avec trois valises pleines de fringues ! On a aussi fait une virée à Las Vegas où on a pu voir Carl Cox et Paul Van Dyk. Vraiment, j’ai passé deux mois fantastiques. »
Pourtant, peu après la Victoria Cup où Zurich réussit l’exploit de battre les Chicago Blackhawks, Oliver jette l’éponge. Sa deuxième saison zurichoise à peine entamée (« Juste à temps pour garder le maillot spécial de la Victoria Cup ! »), il réclame un transfert pour améliorer une situation qui semble complètement bouchée au Hallenstadion. Une solution est trouvée et l’échange entre Oliver Kamber et Dario Kostovic se concrétise en novembre 2009.

Lugano… et surtout Milan

Au Tessin, Kamber se retrouve sous les ordres de ni plus ni moins que son idole de jeunesse, le Suédois Kent Johansson. L’entente fonctionne très bien (« Il me disait que j’étais un vrai centre et que je savais tout de comment jouer à ce poste ») et les discussions de prolongation vont bon train. Oliver signe un contrat de trois ans dans la foulée, mais trois semaines seulement après la signature, Johansson se fait remplacer par Philippe Bozon. Gros couac. « Je suis passé de titulaire à 13ème attaquant. Johansson m’appréciait, mais Bozon ne m’a jamais vraiment considéré. C’est comme ça : tout dépend de l’entraîneur, s’il compte sur toi, tu joues, sinon tant pis pour toi. »
À Lugano, Kamber aura tout loisir de vérifier l’axiome : en quatre ans, il évolue sous les ordres de… sept entraîneurs et vit un ascenseur émotionnel au gré des systèmes de jeu et du caractère des différents patrons officiant à la bande : Johansson, Bozon, McNamara, Ireland, Smith, Fischer (interim) et Huras. Pour ne rien arranger, les résultats sont bien loin du standing auquel le Grande Lugano est habitué : élimination en quarts de finale (2010, 2012, 2013) et même l’humiliation d’une participation aux séries de play-out en 2011.
Entre la pointe du power play, le bout du banc ou les tribunes, Kamber visite la Resega de fond en comble. « C’est la loi du sport. Par exemple, Huras voulait me dégager. Moi j’ai dit que je voulais rester, quitte à être en tribunes. Quand j’ai finalement eu ma chance, j’ai bien joué et j’ai terminé la saison avec 30 points. Du moment que tu fais tes points, personne ne peut rien te reprocher. C’est malheureux à dire, mais c’est ce que les gens regardent en premier. »


En 2010, sous les couleurs de Lugano.

Heureusement que l’extra-sportif offre des perspectives plus réjouissantes. Oliver dépoussière son italien, s’offre des soirées sushis à Côme et, outre le climat agréable et les paysages paradisiaques, Lugano possède l’avantage non négligeable de n’être qu’à une heure de route de Milan. La capitale mondiale de la mode n’a pas résisté longtemps à Oliver Kamber, et la rencontre fut inévitable.

Il confirme : « Tous les grands designers sont là-bas, c’est le paradis, surtout quand il y a les soldes ! J’ai même essayé des pantalons à Milan pour ensuite les commander sur internet quand les prix baissaient ! Aussi, ce qu’on faisait parfois avec ma copine quand on avait un week-end de libre, c’est prendre l’avion depuis Milan pour des escapades de deux ou trois jours.» Berlin, Vienne, Barcelone, Amsterdam, et même Ibiza : assurément plus sympa qu’un week-end au chalet.
Désirant plus de stabilité (« À 34 ans, j’ai plus l’âge de faire du banc…»), Oliver évalue sa situation après presque quatre ans de hauts et de bas à Lugano. Des discussions ont lieu avec Ambri et Bienne, il opte finalement pour le Seeland et paraphe un contrat de deux ans. Tireur régulier de pénalty (« Une nouveauté pour moi »), Kamber se plaît à Bienne dans un rôle qui convient mieux à ses qualités. Les playoffs seront certes difficiles à atteindre, mais avec Oliver, Bienne possède un docteur ès séries de relégation qui pourra assurément donner quelques précieux conseils dans le vestiaire en temps voulu. Bonus non négligeable pour la ville, il paraît même que les salons de coiffure et les boutiques ont vu leurs bénéfices augmenter drastiquement depuis l’arrivée du numéro 79. Parce qu’il le vaut bien.

Écrit par Benjamin Moret

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8 Commentaires

  1. Pour être en accord avec ses goûts d’expert fashionista, Kamber est obligé de porter à nouveau le maillot du LHC, maintenant que c’est le plus beau de la ligue. Le MAD serait content en tout cas!

    Et c’est là que tu vois que le mec a quand même une belle carrière…

    Très bon portrait, bravo.

  2. Michel Kamber = Val Kilmer, alors ça, ça fait ma journée, merci!

    Plaisant à lire, ça donne envie de sortir un soir avec Oli Kamber tout ça!

  3. Pour l’avoir croisé une ou deux fois à Lausanne (je ne dirai pas à quelle heure :-)), je peux confirmer que Kamber est un type en or !!

    Super article !

  4. Bravo pour le portrait, excellent. Les versions PDF des portraits sont bien foutues, faut que CR sorte le magazine!

    Ça fait plaisir de revivre la promotion de 2001, des supers souvenirs. Cet article confirme bien le sentiment que beaucoup avaient sur Fuhrer à l’époque…

    Prochain défi pour Kamber: création du HC Ibiza avec tous ses compagnons des nuits lausannoises!

  5. Bravo pour ces supers portraits de hockeyeurs ! Quelle vie ils ont ! Les anecdotes sont sympa, et encore on ne sait pas tout !!!

    Du bon CR bravo et continuez !

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