Le mal-aimé : Pepe

« J’ai besoin qu’on m’aime mais personne ne comprend. Ce que j’espère et que j’attends, qui pourrait me dire qui je suis ? Et j’ai bien bien peur, toute ma vie, d’être incompris. Car aujourd’hui… Je me sens mal-aimé…  Je suis le mal-aimé. »  On reste sans nouvelle du grand Johnny mais la rubrique du mal-aimé revient. Pour ce nouveau numéro, focus sur l’un des défenseurs les plus soyeux des années 2000 : Pepe.

A bientôt 40 piges (il les fêtera en février prochain), Képler Laveran Lima Ferreira, plus communément appelé Pepe, n’est pas près de raccrocher les crampons. Il arbore toujours fièrement le maillot de son FC Porto tous les week-ends ou presque. Pepe, c’est un palmarès XXL avec des titres de champion à pelle, une Ligue des Champions et un Euro. Sans compter les coupes nationales. Mais pour la plupart des suiveurs, Pepe est un boucher insupportable qui se réclamerait plus de Jackie Chan que de Beckenbauer. Une image profondément injuste pour d’innombrables raisons. Premièrement, c’est irrespectueux de s’en prendre aux personnes âgées. Et surtout, c’est méconnaître le bonhomme qui, sous sa cuirasse de combat, s’évertue à faire battre un petit cœur fragile.

Une enfance difficile

Comme beaucoup de footballeurs brésiliens, Pepe a grandi dans un milieu pauvre. Il raconte avoir partagé le même lit que ses parents jusqu’à ses 17 ans. D’instinct, on aurait envie de le plaindre mais c’est sans réfléchir au fait que c’est bien ses parents qui ont dû galérer avec un mec d’1 mètre 87 dans leur plumard.

Deepl a ses avantages, mais aussi ses défauts…

Ado, lorsque ses amis et ses sœurs sortaient faire la fête, lui restait à la maison, pour être proche de ses parents, surtout de sa mère. Des valeurs familiales chevillées au corps qui montrent qu’un individu comme lui doit forcément aimer son prochain.

Sur le terrain, Pepe fait peur, bien aidé par son crâne chauve envié par tous les skinheads de la planète. Mais n’allez pas croire qu’il s’est rasé la tête pour traumatiser ses adversaires ! Ce n’est pas du tout ça. Pepe raconte qu’il s’est tondu le crâne pour la première fois à l’âge de sept ou huit ans. « Mon père voulait une coupe courte, courte. Une fois, je suis allé chez le coiffeur et j’ai demandé une coupe très militaire. » Franchement, qui sommes-nous pour juger les passions d’un môme de cet âge ?

Une famille déçue

Au moment de passer à l’âge adulte, Pepe attise les convoitises européennes. Mais ce que vous ne savez pas, c’est qu’il ne vit pas pour l’argent. La preuve, selon lui, l’Olympique lyonnais lui offrait un salaire d’un million annuel qui aurait permis de mettre sa famille à l’abri. Mais il décide de signer au CS Marítimo pour trois bouchées de pains, au grand dam de sa mère. Décevoir sa génitrice, cela change forcément un homme. Et pas forcément en bien.

Mais alors qu’il joue son dernier match pour Corinthians Alagoano avant de s’envoler vers le Vieux Continent, il se casse le pied. Au fait des coutumes locales, il arrive donc au Portugal avec un plâtre qu’il garde durant ses trois premiers mois. Un exemple d’intégration pour toutes et tous.

Pepe reste trois ans à Funchal avant de rejoindre le FC Porto. C’est là qu’il s’endurcit pour devenir un défenseur accompli. « De mon point de vue, un défenseur central doit jouer moche quand il doit jouer moche, c’est vrai », soutient-il sans sourciller. C’est droit et honnête, sans chichi. Une qualité rare dans nos sociétés modernes.

Avec le palier franchi à Porto, il s’envole pour le Real Madrid, club dans lequel il doit traverser les épreuves. Comme celles d’être entraîné par Bernd Schuster ou Juande Ramos. Mais c’est dans les contextes difficiles que les grands hommes se révèlent. La preuve, il restera dix ans chez les Merengue.

Un soldat dévoué

Certes, soyons honnête, Pepe traîne toujours l’image de défenseur impitoyable qui n’hésite pas à entrer dans le combat physique avec ses adversaires. Notamment en raison d’une certaine action avec le joueur de Getafe, Casquero. Un ami de Pepe.

Il faut chercher à partir de 6min18 (à l’instar de Pepe, nous avons des soucis techniques). 

Tout le monde a vu les images de cette agression pour laquelle le Portugais d’adoption écopera de dix matches de suspension. Mais personne ne se souvient que Casquero, encore totalement traumatisé, rata le pénalty de la victoire. Quand on vous dit que Pepe est un équipier modèle qui pense avant tout au résultat de l’équipe…

Certes, il peut parfois dérailler et l’admet. Mais si Pepe a ce comportement, c’est avant tout pour sa famille, ce qui est très respectable. « Sur le terrain, c’est mon gagne-pain, c’est ce qui me permet de payer la nourriture de ma famille. Et je vais faire de mon mieux, tout mon possible, pour défendre mon travail. En dehors du terrain, je suis une personne normale. » Essayez de faire pareil au Casquero de votre bureau, on ne pourra pas vous le reprocher.

Au-delà de l’amour pour sa famille, Pepe est aussi syndiqué pour toute la profession. C’est un engagement on ne peut plus admirable. Il alerte sur les calendriers démentiels et « l’effort surnaturel » demandé aux joueurs. « Il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte qu’il y a plus de blessures parce qu’il y a plus de matches. » Le constat est implacable : plus Pepe joue de matches, plus il y a de blessés. Alors il milite très justement à son petit niveau pour que le calendrier soit allégé. Un combat remarquable.

Un père de famille mais avant tout un artiste

Enfin, et vous l’ignorez sûrement, Pepe a également des talents artistiques puisqu’il est magicien à ses heures perdues. Il raconte faire des tours de magie à n’en plus finir à ses enfants. Mais pas que. Un jour, il aurait même fait disparaître la jambe d’un adversaire. Quelle magnifique audace ! Il est vraiment temps de reconnaître cet artiste à sa juste valeur.

 

Les extraits d’interview de Pepe sont issus d’un entretien accordé à Tribuna Expresso en février 2021. https://tribuna.expresso.pt/entrevistas-tribuna/2021-02-13-Pepe-Dormi-com-a-minha-mae-ate-aos-meus-18-anos.-Fui-muito-mimado-e-apesar-do-que-se-diz-que-sou-mauzao-e-nao-sei-que-sou-amavel

Crédits photographiques : Дмитрий Садовников / Wikimedia Commons / https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pepe_-_Portugal_v_Mexico_02072017.jpg

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1 Commentaire

  1. Excellent article ! « Le constat est implacable : plus Pepe joue de matches, plus il y a de blessés. » J’ai bien ri
    En fait, pour moi, PEPE représente tout ce qui fait que le football est sur le déclin. Rien qu’en regardant la séquence Youtube, j’ai envie de le taper, alors que je suis plutôt connu pour mon calme …

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