Pour le foot authentique et malpoli : viva Uruguay !

On continue les présentations de ce groupe D avec la tête de série, la terrible Uruguay. Les coéquipiers de Luis Suarez auront fort à faire contre l’Italie et l’Angleterre dans des chocs qui promettent des émotions, de la tension, des dents et des cartons. Les doubles champions du monde sauront-ils rééditer leur performance de 2010 ? Et pourquoi pas !

1) Pourquoi j’ai choisi de présenter ce pays ?Une seule raison : Luis Suarez. Celui qui n’a jamais vu jouer ce monstre ne sait pas ce qu’est l’instinct en football. Car pour tout dire, Suarez est un mutant proche de l’animal. Sa première arme, c’est les dents. Chez lui, elles débordent un peu au point qu’à Old Trafford on entend chanter «Luis Suarez, tes dents sont hors jeu». Mais il sait aussi s’en servir dans leur fonction première : en 2010 lorsqu’il jouait aux Pays-Bas avec l’Ajax d’Amsterdam, il mord un adversaire. Aucun journaliste n’a osé lui demander ce qu’il avait fait du morceau de chair arraché à sa victime, Ottman Bakkal. Moi j’affirme que ce cannibale l’a avalé, tout comme le morceau de Branislav Ivanovic (moissonneuse-batteuse à Chelsea) qu’il a bouffé quand il s’est retrouvé quelques années plus tard à Liverpool. A part ça, il a fait aussi bouffer le gazon aux gardiens de but anglais en leur plantant 30 goals cette saison. Et il n’y pas que Suarez, l’Uruguay a encore produit Cavani et Forlan, élu meilleur joueur du Mondial en 2010. Tout ça fait une équipe dans laquelle il y a tous les ingrédients du football que j’aime : de l’instinct donc, de la sauvagerie (la liste des cogneurs de l’équipe est longue..), de la méchanceté, du talent.
2) A quoi sert ce pays ?
A rien. Si on regarde une carte, ce petit territoire coincé entre le Brésil et l’Argentine a l’air d’une anomalie géographique. Il a produit sa dose normale en Amérique du Sud de généraux d’opérette, de dictateurs baroques et de guérilleros sanguinaires, appelés là-bas les Tupamaros, aujourd’hui disparus.
On vient de beaucoup entendre parler de l’Uruguay depuis que le pays a décrété la dépénalisation complète de la consommation de cannabis. On comprend l’avantage objectif qu’aura cette équipe si elle peut se faire un petit pétard avant d’entrer sur la pelouse. En passant, c’est quand même autre chose que le crampon magique de l’équipe de Suisse…
Producteur de talents donc mais aussi faiseur de méchants. Un Suisse – aujourd’hui mort – Norbert Eschmann s’était fait tailler en deux l’os de la cheville par une brute en bleu ciel au Mondial de 1962 au Chili. Il y a prescription.

3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?
Mal. Terrible année 2012 où ils ne décrochent que 2 points sur 18 dans le tournoi qualificatif sud-américian et finalement une place de barragiste. Ils affrontent la Jordanie et l’emportent haut la main. En Uruguay on dit que Dieu les a beaucoup aidés.
4) Pourquoi vont-ils gagner la Coupe du Monde ?
Attention, cette équipe-là ne sort pas de nulle part. Elle a connu des années de gloire, championne du monde en 1930 et en 1950 et demi-finaliste en 1954 (en Suisse et à la Pontaise, figurez-vous) et en 2010.
Dans le concours de pronostic de la RTS je la place en finale, contre le Brésil. Mais elle perd malgré les pétards, le talent de ses joueurs et son acclimatation forcément naturelle aux températures sud-américaines. Car le problème des bleus ciels c’est que s’il leur arrive de s’élever très haut, il leur arrive aussi de tomber très bas.
5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
Pour les raisons exposées ci-dessus. L’équipe marche sur courant alternatif. Dans un jour «sans», l’Uruguay pourrait perdre contre Lausanne-Sport un soir de novembre, c’est dire.
6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
Un seul, Luis Suarez. Sa bio est classiquement celle d’un footeux sud-américain. Je vous la refais, mais bref : milieu pauvre, famille nombreuse, père alcoolique et passionné de foot, envie de s’en sortir, contrat européen comme le départ vers l’Eldorado, arrivée pourrie dans un club anonyme batave (Groningue) puis marche triomphale vers la gloire anglaise. De lui, son premier coach à l’Ajax (David Endt) a dit : «Au début, il jouait comme un animal enragé. Il a pris plus de dix cartons lors de sa première année avec nous. Même nos défenseurs n’étaient pas autant avertis. Faire jouer Suarez, c’est comme prendre un caïd dans la rue pour le mettre sur le terrain.»
Suarez est une star en Uruguay depuis 2010 quand il a retenu – de la main – un but qui qualifiait le Ghana. «Il s’est sacrifié pour le pays. Un geste de survie, un geste pour gagner dont il est fier.» Ce tempérament c’est la fameuse «garra charrua» et Suarez en a sa propre définition : «On nous appelle les Charruas parce qu’on ne s’est jamais rendus.» Bref ce mec est un cri de guerre à lui tout seul.
A part lui, Edinson Cavani. Recruté par Naples (meilleur buteur du championnat italien en 2012-2013), il est au PSG depuis une saison. Sa belle tête d’Indien aurait dû lui donner un rôle dans un Tarantino. Diego Forlan, meilleur joueur du Mondial 2010. Blond comme un Danois, doué comme un Espagnol, sacré bâtard, quoi… Ajoutez à ça quelques garçons bouchers dont on taira le nom.

7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller mais dont on peut éventuellement se moquer ?
Les garçons bouchers en question dont j’ignore tout mais rien qu’à prononcer leur nom, j’en ai des frissons d’horreur, comme le bruit d’une hache sur une chair tendre : Alvaro Gonzalez, Edigio Arevalos Rios, Abel Hernandez. Ça sonne dur, non ?
8) Une bonne raison de les supporter ?
Personne ne pense vraiment à eux. Une réputation de bad boys intégraux, une manière de jouer comme on fait la guerre, les supporter vous fera immanquablement passer pour un mauvais esprit, un déviant, un rebelle. Et tout ça, ça plaît aux filles.
9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
Les mêmes à l’envers. Si tu es pour le fair-play, pour Michel Pont, pour les beaux gestes, pour l’élégance, pour l’équipe suisse, pour von Bergen passe ton chemin, ces sombres monstres ne sont pas faits pour toi.
10)  Bon d’accord, mais sinon ?
Ce qu’on veut dans ce Mondial, c’est de l’excès, du border line, des fous dansants, des acrobates, du sang, des larmes et désolé, il ne sortira rien de tout ça du corps mal balancé de von Bergen ou de la gueule d’ange de Barnetta. Non, vivent les monstres, viva Uruguay !

Écrit par Michel Zendali

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