Croche-patte : commentaire ou comment s’taire…

Dans le sport, on parle souvent des sportifs, de leurs exploits, de leur entourage aussi parfois… enfin, surtout dans la presse people. On parle aussi des entraîneurs et selon l’endroit, mais surtout sur l’arc lémanique, du stade… Dans ce nanocosme, on parle nettement moins souvent des commentateurs sportifs. Quoique. CartonRouge.ch s’y colle régulièrement avec une constance qui frise le harcèlement… Une fois même il a poussé le bouchon, il a encore du mal à s’asseoir.

Commentateur sportif, aussi loin que je m’en souvienne, avant pompier, flic ou neuro-chirurgien, avant judoka, nageur et footballeur, c’était ça, que je voulais faire dans la vie. Bercé par la voix athlétique de Boris Acquadro, biberonné par le timbre rond de Jean-Jacques Tillmann, intrigué par les vombrissements vocaux de Jacques Deschenaux, j’admirais à la fois leur enthousiasme et leurs connaissances (que je pensais alors sans faille) du monde qu’ils commentaient et dans lequel ils évoluaient. A moins qu’ils aient bénéficié d’une mémoire hors norme, ces types devaient posséder des stock-options de l’entreprise Post-it, tant la somme d’anecdotes qu’ils racontaient entre deux passes, trois arrêts au stand et quatre compétitions était faramineuse.Soit, on pouvait se gausser du léger chauvinisme anglophone de l’un comme de la main-mise sur la formule 1 et les JO des deux autres, mais il y avait dans ces dinosaures du commentaire une passion communicative du sport. D’ailleurs, certaines disciplines doivent clairement une part de leur popularité à ces passionnés. Faute de quoi, je ne vois comment, à longueur d’hiver, entre la coupe Spengler et Franz Klammer, j’aurais pu mater avec plaisir une armée de trolls habillés en combinaison moulante et colorée, se geler la barbe et les boules en skiant à plat la plupart du temps ! Il n’y avait que deux sports que je ne regardais jamais à la télévision… le hippisme (c’est toujours le cas) et la moto. Un jour, je me suis retrouvé chez un pote, vrai fan de moto, qui s’est amusé à commenter pour moi un grand-prix : c’était démentiel ! Sa connaissance de la chose lui permettait d’expliquer un beau geste voire de l’anticiper, souvent. Les accélérations, les freinages, les dérapages, les angles impossibles et les dépassements téméraires rythmaient une course de laquelle la monotonie était exclue par la grâce d’un amateur éclairé et de ses explications.

Je n’ai plus jamais écouté un commentateur sportif de la même manière. Pire, dans les sports que je connaissais pour les avoir pratiqués à outrance, l’impéritie des connaissances techniques de la discipline d’un Thierry Roland de base me donnait furieusement l’envie de l’asseoir sur son micro. Je me suis bien calmé. Ceci d’autant plus que les commentateurs sportifs dans leur ensemble sont atteints d’un mal bien plus insupportable : le nationalisme exacerbé… Est-ce le fameux premier « goaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa………………..l » d’un commentateur de football brésilien – et entendu en boucle à la télé – qui fut la pierre d’achoppement sur laquelle vinrent se greffer tous les nationalismes primaires ? Peu importe d’ailleurs. Je ne sais pas pour vous, mais le chauvinisme ambiant tue le commentaire et à la lumière de mes propos plus haut, il me semble que le sport y a tout à perdre.
Cela dit, parfois, le commentaire aurait sa place au Montreux Comedy Festival, tant certains pros du blabla sont capables de nous arracher un sourire toutes les 45 minutes. Tenez par exemple, le « techniquement, le Honduras, c’est très physique » du commentateur suisse au bord du terrain avant le début du match Suisse-Honduras valait son pesant de télécommande. Loin d’être en reste, le « bon retour de Behrami qui vient faire le surnombre pour Lichtsteiner » de celui resté en studio alors que les attaquants adverses étaient quatre n’était pas mal non plus. Bah, je ne vais pas leur jeter la pierre. Le commentaire à chaud ne doit pas être une sinécure. Tout au plus, je commence à m’inquiéter des dérives grossières des uns et des autres et de leur influence sur le fan de base. Ceci d’autant plus que le sportif de salon est prompt à s’enflammer pour une simulation non-sifflée, avant de vouer l’arbitre aux gémonies de telle sorte que le commentateur deviendra peut-être la tête de pont de toutes les exacerbations nationalistes à venir.
Ainsi, perdu dans mes pensées, assis dans un magnifique jardin à l’abri des cons de ce monde, entre une poignée de cacahuètes, deux saucisses, trois bières et quelques belles connaissances, idéalement placé devant l’écran géant du troisième match de la Suisse au Brésil, mon ami Thierry M. (enfin « ami »… il me dirait qu’il ne faut rien exagérer tout de même) avec lequel nous regardions ce Suisse- Honduras, eut ce commentaire tout à fait avisé : « Il ne me convient pas Inler »… exactement trois secondes avant que ce dernier ne se fende d’une passe lumineuse qui amena le second goal de la Suisse. Hum… tout à fait Thierry… 
Ce n’est pas encore un métier, commentateur, mais cela ne devrait pas tarder.

Écrit par Pascal Trépey

Commentaires Facebook

1 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.