Discrédit suisse

Un body check en blanc

Moins de 24 heures après la visite de Greta Thunberg (avec un nom pareil, on se dit qu’il y a de bonnes raisons de confondre la Suisse et la Suède quand même), il était déjà temps pour les Lausannois au sens des priorités aiguisé de retourner consommer de la neige artificielle et de la glace factice sur les divers sites olympiques. Direction la Vaudoise aréna, où les M16 de l’équipe de Suisse germanophone – avec les ajouts de dernière minute d’un Romand et d’un Tessinois pour remplir les quotas alloués aux minorités – s’apprêtaient à prendre branlée sur branlée face aux futures stars nord-américaines, russes et finlandaises de NHL dans un tournoi à six nations qui promettait autant qu’Emmanuel Macron un soir de meeting électoral. On veut évidemment parler de hockey sur glace, le vrai, le beau, l’écologique. Récit de 4 jours en 90 points, comme la durée en secondes d’une pénalité mineure dans ce tournoi. Mais non, partez pas, on déconne. 15 points, autant que de minutes dans une période.

1. Samedi soir, toute excuse était bonne pour délaisser le championnat de Suisse et surtout le lobby québécois de MySports et ses running jokes à tiroirs. D’ailleurs on était d’ores et déjà certain que Zurich et Lugano allaient nous proposer « tout un match » (sic !), que Joni Ortio risquait fort de « mal paraître » (re-sic !) dans sa cage, qu’il ne serait comme d’habitude « jamais facile de jouer à l’Ilfis / à la Valascia » et que Stéphane Rochette allait vulgariser la définition de derby des Zähringen pour le plus grand plaisir d’une Helvétie ébahie. Rien de nouveau sur le plateau du détenteur du monopole télévisuel des droits du hockey suisse en somme. Raison de plus donc pour fendre la bise le long de l’Avenue de Provence nous menant à Canada-Russie suivi de États-Unis-Finlande, deux affiches qui vendaient au moins autant de rêve que Nounours et le Marchand de sable.

Y en a point comme nous.

2. Le site spécialisé Elite Prospects nous avait présenté le Canadien Matthew Savoie comme l’ado à suivre dans ce tournoi. Après avoir coûté deux buts à son équipe face aux Russes en patinant plus dans les traces du Chris DiDomenico des soirs de brume que dans celles de Connor McDavid, le gosse nous en a mis plein la vue. Le capitaine de la sélection à la feuille d’érable n’a pas volé sa présence, à 15 ans seulement, en ligue junior majeur (avec Winnipeg Ice en WHL). On rappellera que les moins de 16 ans n’ont pas le droit de jouer au sommet de l’organigramme junior, l’antichambre des ligues professionnelles, à moins d’être considérés comme exceptionnels… On citera également les noms de Justin Côté, Adam Fantilli et Tristan Luneau côté canadien, histoire de pouvoir doctement partager le lien vers cet article visionnaire au soir de la draft 2022.

Il est pas encore de la haute, Savoie, mais ça viendra.

3. Après avoir tracé Savoie, on reste en Hexagone avec un dernier rempart nommé Vincent Filion. Le portier au style très conservateur a même été jusqu’à scandaleusement accepter un emploi fictif en ayant 8 arrêts à effectuer en 45 minutes face au faiblissime Danemark dimanche après-midi.

Une rare offensive à déjouer pour le ministre de la Défense canadienne.

4. On notera encore la présence de Noah “Zdeno Chara” Warren qui s’était clairement trompé de catégorie d’âge. Un peu comme les désormais champions olympiques russes qui avaient tous au minimum 25 ans au vu de leurs mensurations et de leur puissance. Nous n’oserions jamais insinuer que Moscou a étendu le programme pharmaceutique des Jeux de Sotchi 2014 à tous les échelons du développement de ses athlètes.

Warren était en (com)mission.

5. Dans les tribunes, beaucoup de Nord-Américains (un mec avec le troisième maillot des Dallas Stars de 2003 floqué Marty Turco, à part peut-être votre serviteur, ça doit pas exister de ce côté de la gouille), mais aussi pas mal de footix (ou hockeyx ?). Vous savez, ceux qui encouragent le Canadien de Montréal par principe sans aucun lien tangible avec l’une des pires franchises de la grande ligue depuis des lustres. Probablement les mêmes qui ne jurent que par le Barça sans avoir jamais mis les pieds en Catalogne ou Liverpool sans pouvoir comprendre un traître mot prononcé par un Scouser. Qui a dit 80% de la Suisse romande ?

6. Samedi soir, première grosse charge donnée par le numéro 12 américain face à la Finlande. Foi de Lausannois, on n’a pu s’empêcher de vérifier qu’on n’avait pas lu son nom de Traber sur la feuille de match.

7. Dans la cage finlandaise, l’infortuné Tobias « John » Leinonen a pris drôlement cher. On ne serait pas étonné qu’il se soit dit « let it be » après le septième goal adverse. On aurait même juré que les joueurs US balançaient le puck au fond exprès pour se moquer de son jeu de crosse pour le moins chancelant. Confirmation en tout cas que le système défensif finlandais bien connu en Suisse n’est pas encore mis en place chez les M16.

« Imagine there’s no heaven… »

8. Au soir du 3ème jour de compétition, on pouvait soudain assister au match féminin avec le billet du match masculin précédent. C’était ça ou remplir le stade de bénévoles habillés en civil on imagine (coucou Doha 2019 !)… Bon, vous nous direz que comme chaque billet était gratuit, à part les très gros flemmards, on se demande qui a été convaincu par ce stratagème machiavélique.

9. Des craintes pour la qualité de la glace se sont rapidement faites entendre. Au rythme de 4 rencontres par jour, on se serait presque cru sur l’unique terrain de foot de Gibraltar, la piste d’atterrissage-autoroute en moins. La Nati l’a bien compris et a donc décidé de garder ses protège-lames contre les USA (voir par ailleurs).

10. On parle beaucoup de la grippe finlandaise, très contagieuse dans les défenses de National League, mais on oublie que Heinz « catenaccio » Ehlers est danois. Sa sélection nationale nous l’a rappelé face au Canada dimanche après-midi.

On ne s’explique toujours pas la soudaine avalanche de tirs scandinaves en deuxième période.

11. 29 secondes. Comme la durée de l’état de grâce de notre équipe nationale dans ce tournoi. Un but de Noah “Jean-Claude Dusse” Greuter sur un malentendu, puis le déluge pour une arche helvétique qui a pris l’eau de toutes parts. Défaite de six buts contre l’Oncle Sam dimanche soir, puis juste avant la limite le jour suivant contre des Finlandais pourtant à portée de rame.

« Bon, dans une demi-heure je nous considère comme définitivement perdus. »

12. Après Noah, pour rester dans les prénoms de patriarches antédiluviens, on a l’impression qu’Isaac Howard et ses 2 triplés côté américain, à défaut de marcher sur l’eau, est également l’un de ces noms qu’on vous ressortira benoîtement dans deux ans et demi au moment de vous lancer notre désormais fameuse science de la draft au visage. On aurait également tort de penser que les points marqués par Frank Nazar sont le fruit du… enfin une coïncidence.

Ce moment d’anthologie qui voit des dizaines de beaufs adultes siffler des gamins de 15 ans. Probablement les mêmes qui se font une joie de lâcher une salve de diarrhée verbale sous chaque post en relation avec Greta Thunberg (17 ans, on le rappelle) sur les réseaux sociaux.

13. Après avoir encaissé autant de buts en un match contre les États-Unis que les équipes dirigées par Jalonen dans toute sa Kari-ère, les Lions finlandais ont remis la kirkko au milieu du kylä contre nos compatriotes et hôtes de ces Jeux. Un 2-1 des familles nordiques. Le 10-1 encaissé le lendemain face à la Sbornaya ne fera que prouver que l’équipe de Suisse avait fait tout sauf preuve d’altruisme en laissant filer la qualification pour les demi-finales.

Deux équipes au-dessus de la mêlée.

14. Une pensée bienveillante pour la préposée aux danses, jeux-concours et autres hurlées aux pauses pendant tout le tournoi, clairement sous l’influence de substances hautement énergisantes et addictives. On lui expliquera les propriétés amplificatrices de voix d’un micro plus tard. Une aussi pour ce porteur du maillot de Genève-Servette immédiatement placé dans la zone chaises roulantes par la sécurité de la demi-finale de très haut vol (clairement trop pour un Aigle des montagnes locales) USA-Canada mardi matin. Une dernière pour nos collègues enseignants qui risquaient l’apoplexie à chaque seconde supplémentaire en charge d’une classe de mômes surexcités accompagnés de leur capacité d’attention de 5 secondes au milieu d’un stade de 8000 personnes, dont 90% de leurs congénères. Trouvez Charlie, 7 ans, et son sautoir fluorescent. Bon courage.

Un bel exemple d’instinct grégaire.

15. Carton-Rouge étant le site satirique le plus ouvertement féministe de Suisse romande, le dernier mot reviendra à ces demoiselles. Oui, car avant l’arrivée ou après le départ de la plupart des spectateurs du tournoi masculin, son pendant féminin avait bien lieu chaque jour dans le plus grand secret.

Voici une vidéo du premier tiers à vitesse réelle.

Après l’obtention de la médaille en chocolat suisse par la délégation rouge à croix blanche (quoi de plus normal après tout ?) plus tôt dans la journée de mardi, restait le match au sommet entre la Suède et une nation dont la présence dans une finale de hockey sur glace était aussi normale que la cause de la dernière blessure de Gaël Monfils. Après avoir contribué à éliminer ces équipes inconnues dans le monde du hockey que sont la Suisse, la République Tchèque et la Slovaquie, le Japon (vous n’aviez pas deviné ?) avait donc gagné le droit de tenter d’initier la Tre Kronor au concept méconnu en Suède de défaite sur sol helvétique.

Patrick Fischer et Vladimir Petkovic aiment ça.

Après quelques soucis au démarrage face aux grosses cylindrées d’en face, Suzuki et ses coéquipières passaient clairement la deuxième. C’est donc pied au plancher que les joueuses nippones embrayaient la deuxième période après un premier passage aux stands pour finir en trombe sur le score de 4-1 et foncer vers la médaille d’or. Une belle manière d’agiter le drapeau à damier sur ces joutes dont la consommation de CO2 s’avérera probablement moins métaphorique que celle engagée dans la production de ces lignes.

Ces Jeux s’éloignent déjà dans le soleil levant.

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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2 Commentaires

  1. Sympa l’article, ceux qui trouvent trop long peuvent au moins regarder les photos 🙂
    Je mise également sur Tyler Duke pour une prochaine draft, à vérifier dans quelques années!

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