Un samedi soir sur la terre

Un samedi soir sur la terre chantait Francis Cabrel. Très bien, sauf que l’on est vendredi et que j’ai préféré le nouvel album de Renaud plutôt que la Star’Ac pour chanter dans mon salon. En dix ans, pas grand-chose a changé. Si ce n’est le Renard qui une, voire trois chansons mises à part, nous a pondu un recueil sans saveur. On est loin de l’époque où l’on croquait à pleines dents des galettes riches de bons sentiments et autres colères sincères. Bref, tout vieillit et tout se perd. Dommage qu’après ses cheveux grisonnants, il ait cru bon délaver son encre. Je suis dur, mais il acquiescerait c’est sûr.

Alors que faire ? Le nouveau Delerm ? Ok, c’est parti ! C’est donc le trentenaire parigot, de bonne famille et de bon ton, mal rasé quand même, qui m’accompagnera dans ce qui doit ressusciter une époque: Carton Rouge !

Alors quoi, tu te souviens ? Moi aussi. Nous étions tout juste post-boutonneux, passionnés de sports et peu préoccupés il est vrai des gesticulations maladroites et gauches de quelques blondes ou brunes, pas franchement intéressantes, pas vraiment excitantes non plus. Nous n’étions ni en avance, ni en retard, juste un peu décalés.
Alors que l’odeur de la photocopieuse a définitivement disparu de l’immeuble du haut de l’Avenue CF-Ramuz, alors que les mails nous évitent aujourd’hui de longues traversées de Lausanne à boguet le dimanche matin, nous remettons l’ouvrage sur le métier.
Mais qu’est-ce qui a changé ? Rien, serais-je tenté de répondre ou si peu. Sur le fond, je me donne raison, mais sur la forme, tout a changé, bien entendu ! Le sport lausannois, pardon le sport romand est mort. Il renaît difficilement de ses cendres. De Neuchâtel à Servette, de Gottéron au LHC, nous devons, supporters ou passionnés, accepter. Accepter l’échec, la déception, le néant. On aimerait nous faire croire qu’on travaille à la reconstruction. Mais à la reconstruction de quoi au juste ? Que l’on me donne une seule bonne raison de croire que le sport d’élite en Suisse, objet de nos rêves, fédérateur et rassembleur, a un avenir. Y croire, en parler même, c’est se mettre le doigt, pardon, le bras dans l’œil.
Sion finira par mourir aussi, je te le promets. Et ce n’est pas les tristes gesticulations, maladroites aussi, de quelques bornés du gros de Vaud qui permettront au football de revivre, de déplacer les foules. Leurs espérances sont risibles et méprisantes, la sanction, elle, n’a pas tardé.
Alors, je pose une question: de quoi rêvent nos jeunes aujourd’hui ? Pour nous qui nous sommes enflammés sur les dunks rageurs de David Brown à l’Arnold Reymond un samedi soir (sur la terre), nous qui nous levions pour les miracles de Chapuisat à la Pontaise (21’000 spectateurs un soir contre Sion, ça fait rêver non ?), nous qui avons porté, jusqu’au dernier son de nos cordes vocales, la bande à Lussier vers le plus beau des exploits, la plus belles des soirées; comment imaginer vibrer, se passionner, rêver en Challenge League, en LNB ou à la 12ème place du classement ?
Mais quel con ! Même pas 30 ans, et je fais déjà le nostalgique, la honte. Les jeunes aujourd’hui vibrent avec Ronaldinho, la Champions League, le championnat d’Angleterre. Il faut à peine 50 balles pour rallier Londres, Paris ou Amsterdam dans un avion tout confort. Il faut un chat, un forum pour écrire, échanger avec Zidane directement ou le plus ultra des fans de la Lazio. Et puis il y a Federer. Nous avons eu Rosset, mais vivre ses 20 ans avec Federer, c’est quand même autre chose. Qu’aurions-nous donné à 15 ans pour voir un Suisse briller au sommet de l’élite mondiale ?
Alors au fond, rien n’a changé ! La passion reste et perdura encore longtemps. Il n’y a que quelques vieux nostalgiques, que quelques passionnés (nous !) pour croire qu’il existe un avenir au LS, à Servette, à Gottéron. Un avenir sans mécène bien sûr, « parce que ça ruine un club ». Un avenir sans investisseurs étrangers, « parce qu’ils ne connaissent rien et pillent nos clubs ». Un avenir sans télé et sans sponsor parce que ça n’existe plus en Suisse.
Le modèle est mort, le spectacle est ailleurs, la passion perdure: Bienvenue dans le nouveau Carton Rouge !
Vince McStein

Écrit par Vince McStein

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