Faisons le point, comme dirait Breitbach

Alors que le premier tour des Grenat s’est terminé par un retour sur terre que n’aurait pas renié le coyote de Tex Avery, voici venu le temps, non pas des rires et des chants, mais de dresser un petit bilan des enseignements de ce début de championnat. En gardant dans un coin de la tête que la vérité du jour n’est pas celle du lendemain, que la saison est encore longue, que tout va très vite en hockey et autres clichés au moins aussi éculés.

Les gardiens

On annonçait ce poste comme le principal point faible de l’équipe, ce qui se traduirait par une alternance régulière entre les deux gardiens. Jusqu’à présent en tout cas, les pronostiqueurs se sont plantés dans les grandes largeurs. Gianluca Mona a su se concilier les sceptiques par un début de saison extrêmement solide. Par conséquent, Michael Tobler n’aura obtenu la garde de la cage servettienne que deux fois en cours de rencontre, pour une durée totale inférieure à un match entier. Et encore, il s’agissait alors moins de sanctionner le Léventin que de faire réagir l’équipe, selon une pratique curieuse mais courante.

Toutefois, cette «surprise» était assez prévisible. En effet, hormis une (très) relative vulnérabilité sur les tirs en haut de la cage, Mona pêche essentiellement par son manque de contrôle des rebonds et sa tendance à perdre le palet de vue. Ce qui implique qu’il bénéficie grandement de la présence d’une défense attentive et suffisamment physique pour ressortir les pucks avant que l’adversaire ne les trouve. Or si à Fribourg, les fromages se distinguent quoiqu’on veuille en dire par leur manque de trous, c’est beaucoup moins le cas de la défense, et surtout pas de celle de la saison dernière. Le manque de confiance et les nombreux «spécialistes», pour qui les mauvais résultats s’expliquent avant tout par les performances du gardien, ont fait le reste du tort à sa réputation. Avec devant lui des joueurs qui savent se faire respecter dans le slot, ce n’est plus la même limonade.

Les étrangers

Laurent Meunier constitue la révélation genevoise de cette première série de matches. Venu pour jouer les utilités, il a su profiter de l’absence de Michal Grošek pour tout de suite se distinguer par sa hargne sans relâche et ses récupérations de pucks perdus pour le commun des mortels. On n’est pas près de le voir avec le maillot de meilleur marqueur, mais dans une équipe où le fighting spirit fait figure de vertu cardinale, il prend une place importante. Le manque de compétition de Grošek est-il la seule explication du naufrage corps et biens de la 2e ligne samedi, ou le Grenoblois a-t-il plus d’influence que certains ne persistent encore à le croire ?
Serge Aubin est l’autre moteur de l’équipe et réalise un début de championnat digne du centre défensif titulaire en NHL qu’il était encore la saison dernière. Peu de secteurs du jeu lui échappent. Il défend, participe au forecheck, récupère, mène le jeu, fait les cafés et, cadeau bonus, marque plus souvent qu’à son tour, avec un faible certain pour les buts importants. Seul point noir, une vilaine tendance à aller s’asseoir en face du banc genevois.
La dernière saison de Kirby Law en AHL a un peu tourné les têtes, et beaucoup de fans attendaient autre chose du Canadien. Joueur peu spectaculaire, il amasse pourtant les points sans trop se faire remarquer, avec le troisième total de l’équipe, à une longueur du meilleur marqueur Bezina. Il figure dans le top 10 des buteurs de LNA ainsi que parmi les 20 meilleurs compteurs.

Héros des playouts de la saison dernière, Jamie Wright s’est vu confier un autre rôle cette saison. Très généreux, il passe son match dans les bandes à ressortir des pucks pour ses coéquipiers, et a signé quelques assists de qualité. Malheureusement, il est en total manque de réussite devant le but et vendange trop de belles passes de ses compatriotes.
L’autre Français de l’équipe est fidèle à ce qu’on attend de lui. Yorick Treille, en bon buteur, laisse échapper peu d’occasions et a fait une petite croix à cinq mètres du but à la hauteur du poteau droit pour pouvoir exploiter les passes de Fedulov en jeu de puissance. Il est de plus toujours là pour prêter main forte à Meunier dans son travail de sape.
Michal Grošek est le seul joueur capable d’amener un peu de folie à cette équipe quelque part trop raisonnable. Sa performance «touristique» à Fribourg inquiète pourtant quant à son degré de motivation, alors même qu’il doit se refaire une place dans l’effectif grenat. Pour le moment, il est difficile de le voir ailleurs que dans les tribunes. On n’oubliera cependant pas qu’il revient de blessure, ni que le colosse tchèque est par nature très irrégulier, et pas seulement par ses pénalités. À revoir.

La défense

Souvent décrié à juste titre la saison dernière, Goran Bezina a entamé le championnat de façon explosive. Toujours porteur du magnifique maillot jaunasse de Topscorer, il s’efforce de donner un maximum de regrets à ceux (dont votre serviteur) qui considèrent qu’il passe à côté d’une brillante carrière d’attaquant. Dans un rôle plus offensif, il mène avec succès le power play et lance les offensives par des remontées de puck bien plus heureuses que par le passé. En revanche, lorsqu’il opte pour la passe depuis sa zone, il crée là aussi souvent le danger, mais de façon moins recommandable.
Le duo Olivier Keller-John Gobbi fait figure d’assurance presque tous risques. Peu enclins aux fioritures, ils défendent solidement et perdent peu de palets. Philippe Rytz fait son travail derrière et n’hésite pas à prendre sa chance en attaque, ce qui lui vaut une place sur le jeu de puissance. Il reste toutefois encore trop indiscipliné. Avant sa blessure au dos, Jakub Horak a entamé la saison comme il a fini la précédente, soit de façon pour le moins approximative. Quant à Sébastien Schilt, il poursuit son apprentissage et doit éviter de se faire trop facilement déborder.
Auteur d’un bon début de saison, Jonathan Mercier a connu une semaine absolument catastrophique. Quand il n’offrait pas aux attaquants adverses les quelques pucks que Bezina leur refusait, il essayait une nouvelle spécialité : alors que le reste de l’équipe était prêt à lancer une attaque, le défenseur genevois envoyait une passe (?) bien haute et bien forte histoire d’être sûr que personne ne puisse la rattraper avant le fond de la patinoire. On ne sait pas s’il s’agit là de travailler le jeu en zone défensive ou si l’on assiste aux prémices de l’importation de la passe «Ave Maria» chère aux footballeurs américains. Pour le moment en tout cas, ça laisse plutôt perplexe.
Enfin, après Simon Gamache, la Ligue semble vouloir donner un coup de pouce à Robin Breitbach. L’Allemand s’est en effet vu attribuer un assist assez généreux lors de ses deux derniers matches. Confondu avec Wright jeudi, il a également eu droit à un point sur le but décisif de samedi alors qu’il n’a pas participé à l’action. Cela mis à part, il continue de divertir le public par son style fort heureusement assez inimitable.

Les attaquants suisses

Peu de surprises dans ce secteur. Igor Fedulov enfile les premiers assists comme des perles et donne l’impression de pouvoir jouer jusqu’à 50 ans. Jan Cadieux distribue les coups. Morris Trachsler défend diligemment et place un tir du poignet en lucarne de temps en temps. Paul Savary fait admirer son patinage et sa technique de crosse, récupère des pucks et part au but avant de faire la joie du gardien adverse avec son absence totale de sens du but. La routine, quoi. Seule petite nouveauté, la dimension toujours plus grande prise par Thomas Déruns dans le jeu. Toujours volontaire pour aller aplatir un adversaire (quand tout va bien) dans la bande, il fait preuve depuis la reprise à la fois de plus de punch et de moins d’égoïsme en phase offensive. Son passage en équipe nationale lui a visiblement fait le plus grand bien.

Le jeu

Ne nous leurrons pas : si la déroute de jeudi était un accident de parcours, la victoire aisée contre Lugano était également une anomalie. Tout porte à croire que les matches seront en général très disputés avec un Genève-Servette plus travailleur que génial. La constance est l’élément qui manque le plus pour le moment. Les Aigles peuvent par exemple faire preuve d’un match à l’autre d’une efficacité glacée ou d’une maladresse à rater Sven Schmid dans un couloir. En revanche, les escouades spéciales tournent bien et chacune des trois premières lignes a déjà fait basculer un match à elle seule. S’il est difficile dans ces conditions de situer où exactement finira l’équipe, on peut penser qu’elle est bâtie pour que les Vernets goûtent à nouveau aux playoffs fin février.

Écrit par Yves Grasset

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.