Curling : le ballet des pierres

Clap de fin pour les Jeux Olympiques de Pékin. La parenthèse olympique se referme. Avec elle, la visibilité de nombreux « petits » sports dont on ne va plus entendre parler pendant 4 ans. Parmi ces sports, il y a un roi, le curling. Et je vais vous expliquer que ce sport mérite d’être regardé et qu’on y trouve des choses que vous ne verrez pas ailleurs.

Avant de se lancer dans le vif du sujet, impossible de passer à côté de l’extra-sportif de ces jeux chinois. Le CIO a quand même réussi l’exploit de choisir un pays qui n’est pas très démocratique (Ming !), dans lequel le peuple ouïghour est opprimé (double Ming !) et dans une ville où il ne neige pas (Carton !). C’est un peu comme si on organisait une Coupe du monde de football au Qatar. Du coup, on a tous un ou une pote qui a décidé de boycotter fermement ces JO pour ne pas soutenir cette hérésie. On remarquera tout de même qu’il s’agit rarement de grands fans de sport. Et si c’était le cas, alors bravo à eux d’avoir eu la force et le courage de ne pas mettre son réveil à 2h du mat’ pour regarder du ski de fond. Chapeau bas ! Personnellement, je n’ai pas boycotté et je ne le ferai pas pour le Qatar non plus. Tout d’abord, parce que ça me fait royalement chier de louper ce genre d’événements sous prétexte que des dirigeants ont fait des mauvais choix. Et puis, il y a le fameux argument des sportifs qui sacrifient tout pour être présents et qui n’ont rien demandé. Argument un peu facile mais légitime à mon goût.

L’aparté politique étant terminé, place au sport ! Les Jeux Olympiques, ce sont des heures de direct à la télévision et des anti-sports qui gueulent parce que : « encore du sport ! Mais c’est pour ça que je paie cette merde de Billag ! (ndlr : on sait que c’est Serafe mais old style, tu connais). Les JO, c’est aussi la possibilité de regarder des sports dont on se fout tout le reste du temps mais pour 3 semaines, on devient soudain expert. Je vous parle du canoë-kayak, de la marche ou encore du pentathlon moderne en été ; du short track, du bobsleigh, du biathlon ou du curling en hiver. Ce genre de sports où personne ne connaît le champion du monde mais tout à coup, un matin d’hiver à la machine à café du boulot, sans crier gare, votre collègue vous lance :

« T’as vu le biathlon hier ? C’est de nouveau Quentin Fillon Maillet qui a gagné. Il est vraiment au-dessus ce type. Franchement après son 20km, je voyais que lui pour gagner la poursuite. Y’a éventuellement les frères Boe qui pouvaient l’embêter mais bon… »

Mais what !? D’où sortent ces noms ? Une analyse technique après une seule course, des remarques basées uniquement sur les commentaires des journalistes télévisés de la RTS puis de France 2/France 3 (#labascule) parce que « comme c’est un Français qui était devant j’ai zappé sur la France ». L’ultracrépidarianisme sportif dans toute sa splendeur.

Et puis, dans ce méli-mélo des sports, il y a le curling, ce sport qui se divise entre ceux qui adorent et ceux qui n’y comprennent rien. En même temps, un match, c’est pas loin de 3h, c’est une sorte de pétanque sur glace mais sans pastis et y’a des types qui hurlent à la mort sur des pauvres balayeurs. Cela dit, ça colle bien avec le traitement des travailleurs chinois. Pourtant, tout le monde est déjà resté croché une fois devant sa télévision, un dimanche, parfois le temps d’une petite sieste mais aussi quelquefois hypnotisé par ce doux bruit de frottement sur la glace, par cette danse de pierres qui s’entrechoquent.

Si je vous écris cet article, c’est évidemment parce que je fais partie du camp des fans du curling, car capable de rester les yeux rivés sur l’écran pendant 3 heures, fasciné par la précision et la tactique, le cœur s’accélérant pour les dernières pierres du end et surtout pour vibrer devant les exploits de nos équipes nationales.

Le curling et ses clichés

Cliché n°1 : ce n’est pas vraiment un sport.

A l’instar du tennis de table (exemple pris complètement au hasard et pas du tout parce que c’est mon sport et que je suis dans l’organisation du Top 16, tournoi avec tous les meilleurs européens présents, ce week-end du 26-27 février à Montreux, plus d’infos sur www.top16montreux.com), le curling n’est pas vraiment considéré comme un sport à part entière. C’est généralement un mec de 120kg, qui est incapable de monter des escaliers sans perdre un de ses deux poumons, qui va venir expliquer que c’est hyper facile de lancer des pierres et balayer et que c’est un scandale que ce soit aux JO. Bien que l’on soit d’accord que ce ne représente  pas la même dépense physique qu’un Ironman, le curling demande une certaine préparation athlétique, principalement pour les balayeurs. Sinon, il n’y aurait tout simplement pas de catégories séparées entre hommes et femmes. Sans oublier la grande difficulté technique que représente le simple fait de placer une pierre. Quiconque aura eu l’occasion de faire une initiation (et je vous encourage à le faire, on se marre bien), s’est rendu compte que la zone dans laquelle les pierres marquent des points est trrrrrès loin (environ 40 mètres). Et c’est sans compter qu’avec des semelles qui glissent et d’autres qui glissent pas, on peut vite rentrer dans le Guinness Book de la fracture la plus bête de l’hiver.

Cliché n°2 : ils ont des balais, c’est monstre drôle.

Aaaaaah ! Mais quel plaisir d’entendre à chaque fois ces vannes sur le fait que les curleurs balayent ! On ne se lassera jamais des fameux : « S’ils aiment autant ça, ils peuvent venir balayer chez moi ! », « c’est le seul sport où les femmes sont meilleures que les hommes » ou encore « ils n’ont pas d’équipe le Portugal ? ». Tant de phrases beaufs qui permettent aux gens de se payer la gueule des joueurs de curling alors qu’en fait ils tueraient leur mère à grands coups de balais pour avoir la chance de participer aux Jeux Olympiques.

Va nettoyer ta cuisine avec ça…

Cliché n°3 : c’est très chiant 

Regarder pendant 3h des gens faire glisser des pierres sur de la glace, ça donne pas très envie. Sans oublier l’argument phare : « c’est toujours la même chose ». Cet argument magique qui peut passer pour tous les sports. Le tennis, c’est 2 personnes qui frappent dans une balle avec une raquette. La natation, c’est des gens qui font des allers-retours dans une piscine. Bref, tous les sports sont un peu cons donc cet argument l’est tout autant. Au curling, c’est surtout la tactique de jeu qui rend le sport intéressant. Et puis, on se laisse emporter par le suspense de la partie. De toute façon, je crois que je suis un peu comme Thomas Wiesel qui nous avait expliqué lors d’un de nos derniers podcasts : « Tu me mets deux équipes, un score et moi je suis ». Ce qui me donne l’occasion et la chance de vibrer pour tout et n’importe quoi. Si vous êtes comme moi, je vous conseille les championnats du monde de fléchettes. Parfait pour un 2 janvier. Là n’est pas notre sujet…

Le curling, c’est passionnant.

Les Suisses et leurs commentateurs

Il faut avouer que s’il y a autant de curling à la télé, c’est qu’il y a de fortes chances de médailles helvétiques. Raté pour cette année car la délégation suisse repart bredouille En effet, les hommes du CC Genève ont fait un beau tournoi mais quelques imprécisions dans les moments importants leur coûtent leur place en demi-finale. Chez les femmes, la médaille leur semblait promise après un « Round Robin » quasi parfait. Mais c’était sans compter sur leur magnifique mental de chips, prêtent à craquer à tout moment en demi-finale et dans le match pour le bronze (face à la Suède, encore eux !). Rageant.

Le tout commenté par un journaliste de la RTS, Marc Gisclon, et l’indéboulonnable Patrik Lörtscher, champion olympique de la discipline en 1998. Et il faut avouer que s’il y a bien un sport dans lequel les commentaires apportent un vrai plus, c’est le curling.

Tout d’abord, à chaque match, Marc Gisclon s’efforce de se faire passer pour celui qui ne comprend rien en posant des questions de base à son consultant. Le spectateur néophyte peut alors comprendre les rouages de ce sport et tout le vocabulaire qui va avec. Quand le joueur joue un freeze, il ne va pas chercher une bière au frigo par exemple. Ce que fait Gisclon, c’est un peu comme si David Lemos demandait la règle du hors-jeu à Von Bergen à tous les matches.

Ensuite, il faut avouer qu’il n’est pas toujours facile de se rendre compte si le joueur a joué une magnifique pierre ou s’il s’est parfaitement merdé. Heureusement, l’expert s’en charge puisqu’il explique qu’il faut absolument jouer tel coup mais qu’au contraire surtout pas celui-ci. Malheureusement pour la fin de tournoi des Suissesses cela se terminait souvent par :« C’est complètement raté » ou encore « C’est pas du tout ce qu’elle a voulu faire. C’est catastrophique ». Bref, ce qu’on attend de la part des joueurs du LS dans l’interview d’après-match. On a même eu le droit à quelques belles punchlines de Patrik « MC » Lörtscher comme lors de la finale femmes pour la 3ème place: « Franchement, lors des championnats suisses juniors, ça joue mieux ». BIM ! Du balai !

A noter aussi, l’ambiance très sympathique entre les commentateurs qui se permettent des petites blagues en toute décontraction. Bref, ils ont pas un balai dans le c**. Attention tout de même avec les jeux de mots ! Ce cher Lörtscher (début de phrase d’orthophoniste) n’en est pas fan. Blaise Bersinger s’y est cassé les dents en demandant si les gardes suisses avaient un rapport avec le Vatican. Au match suivant, Marc Gisclon demandait si les Suédoises ne faisaient pas des boulettes comme à IKEA. On attend toujours la réaction de Patrik qui devait s’être cassé la voix. On se donne rendez-vous dans 10 ans pour les jeux de mots donc.

Pour finir, rares sont les sports dans lesquels on peut entendre les discussions entre les joueurs. Et c’est une des raisons pour lesquelles j’étais très heureux que ce soit l’équipe genevoise qui soit sélectionnée chez les hommes. Du côté féminin, à part les « LINIE ST’GUUUUEEEETTT ! », j’y comprenais pas grand chose. Dans l’équipe de Peter de Cruz, on pouvait sentir une grande concentration et un grand professionnalisme mais également un esprit très détendu. Un exemple parmi tant d’autres lorsque Valentin Tanner dit à son coéquipier qui venait de jouer une pierre parfaite : « Dis donc, t’es fort au curling toi ?! ».

Bref, je peux donc que vous encourager à regarder ce sport méconnu. Le curling, c’est super et on a une équipe bien sympa avec toutes les valeurs du sport qu’on aime. Des gars pros mais qui ne se la pètent pas. Ce serait donc un plaisir de les accueillir pour un podcast sur Carton-Rouge. Affaire à suivre….

A propos Valentin Henin 67 Articles
Je raconte des trucs, je fais des vidéos, tout ça, tout ça...

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