Un record d’Europe et c’est tout !

Depuis son retour en Ligue Nationale A en 1998, jamais Langnau n’est parvenu à se qualifier pour les play-offs. Comme, en principe, la non-participation des Emmentalois aux séries finales est acquise très tôt dans la saison, l’attente est longue pour les fans jusqu’au véritable coup d’envoi de la saison, le début de la série de play-out contre Fribourg-Gottéron qui permet généralement aux Tigers d’assurer leur maintien dans l’élite.

Pour agrémenter cette longue attente, les dirigeants emmentalois ont eu l’idée – au demeurant géniale – d’organiser le centième derby bernois de l’histoire («Tatze-Derby», le derby des fauves en cassé de caillou local) en plein air au Stade de Suisse. Au niveau du marketing et des finances, l’opération a été une pleine réussite. Les 30’000 billets se sont vendus en trois jours et le vieux record d’Europe du nombre de spectateurs pour un match de hockey (23’192 à Göteborg en 1962) a été pulvérisé (30’076). Et l’on a été surpris en bien par la qualité de la vision du  match : on était situé tout en haut du balcon, derrière un but. A cette distance, le puck n’est pas bien grand mais on parvient mieux à suivre le déroulement du jeu que dans de nombreuses places «supporters adverses» des patinoires helvétiques. Comme lors de l’organisation de toute manifestation d’envergure dans notre pays, il y avait ce petit côté de folklore qui nous rappelle que l’on se trouve bien en Suisse : on connaissait déjà la fameuse brouette du Wankdorf (qui sert de civière), on a découvert avec amusement les racloires et les machines à récurer les sols pour refaire la glace du Stade de Suisse.Malheureusement, dans ce cadre exceptionnel, l’ambiance est restée d’une mollesse toute bernoise et n’est jamais parvenue à décoller. On était à des années-lumière des ambiances délirantes vécues dans ce même stade lors des matches Suisse – France et Suisse – Turquie. Et la petite qualité du match n’est guère venue troubler l’assourdissant silence du Stade de Suisse.

Malgré le décor inhabituel, certaines bonnes vieilles habitudes ne se perdent pas : après onze minutes de jeu, le futur retraité Rolf Ziegler avait déjà écopé de deux pénalités mineures. C’est tout ce que l’on retiendra d’un premier tiers à mourir d’ennui. Heureusement, les débats s’animeront un peu par la suite. Un caviar distillé par Berglund vers Bärtschi a définitivement écarté la menace que le match dans un stade de foot se solde par un score de foot italien. Une bourde monumentale de Rolf Ziegler (on aurait cru Merz face à Cormier la veille à Malley) a permis à Neff, l’ex-idole de Saint-Léonard, d’aller en solo inscrire l’égalisation emmentaloise. Les Bernois de la capitale finiront tout de même par concrétiser leur nette domination : 2-1 sur un missile de Jobin, profitant d’une pénalité infligée à l’inexistant Tuomainen, 3-1 sur un contre de Dubé et Bärtschi, comme à l’entraînement, soulignant l’insigne faiblesse du «jeu de puissance» emmentalois. Au troisième tiers, les Ours offriront de nombreuses occasions à leurs adversaires de recoller au score, via de nombreuses pénalités. En vain, le power-play des Tigers est resté désespérément stérile ; on ne parvient pas à comprendre pourquoi Christian Weber s’obstine à aligner Tuomainen en défense sur les supériorités numériques, alors que le puck ressort systématiquement de la zone de défense adverse du côté du fantôme finlandais. La réduction du score emmentaloise tombera donc… en infériorité numérique, toujours par Neff, sur un but copie conforme de sa première réussite. Mais, sur la fin de la même pénalité, Bordeleau et Gamache se retrouveront seuls devant le malheureux Schoder pour assurer le succès du SCB. Corrigés la veille quelques centaines de mètres plus loin par Davos (1-6), Berne ne s’est pas vraiment rassuré en dominant son rival cantonal. Les Bernois ne se sont pas comportés en prétendants au titre sur la glace du Wankdorf. Manifestement, l’entraîneur Van Boxmeer n’est pas encore parvenu à tirer la quintessence du formidable potentiel bernois. Quant à Langnau, il devra une fois encore cravacher pour assurer sa place dans l’élite. Ce n’est guère rassurant de devoir entamer des play-outs avec le maillot de top-scorer sur les épaules de Marko Tuomainen. S’il n’y avait pas Fribourg, on se ferait beaucoup de soucis pour les Emmentalois.
En conclusion, on a apprécié le cadre et le caractère insolite de ce Tatze-Derby historique. Et l’on aura l’inestimable satisfaction de pouvoir dire «l’Europarekord ? On en était !» En revanche pour l’ambiance et le qualité du jeu, on est resté sur notre faim, c’est le moins que l’on puisse dire.

L’organisation d’un tel événement avait été envisagée en Suisse romande pour un match (il n’y a que la TSR qui croit que c’est un derby) Fribourg-Gottéron – Genève-Servette à la Praille. Les dirigeants fribourgeois ont bien fait de renoncer : sachant que, sans Lausanne, les Genevois sont incapables de remplir leur patinoire des Vernets, il est certain qu’un Gottéron – Servette à la Praille aurait fait un bide. Si les Fribourgeois veulent mettre sur pied un tel match pour renflouer leurs caisses sempiternellement vides, ils auraient bien davantage intérêt à aller jouer un derby des Zähringen au Wankdorf plutôt que Genève à la Praille.
Toutefois, l’engouement pour de tels matches en plein air ne sera pas éternel. L’opération ne doit pas être répétée trop souvent car, si on lui enlève son caractère événementiel et insolite, elle repoussera les gens (comme une piste d’athlétisme dans un stade de foot) plutôt que de les attirer. Parce que, franchement, une fois le record d’Europe établi et après avoir apprécié le cadre exceptionnel, on aurait été partant pour aller jouer le troisième tiers dans le bon vieil Allmend voisin.

SCL Tigers – SC Bern 2-5 (0-0, 1-3, 1-2)

Wankdorf, Stade de Suisse : 30’076 spectateurs (guichets fermés, record d’Europe pour un match de hockey).
Arbitre : M. Kurmann.
Buts : 20’53 Bärtschi (Berglund) 0-1, 24’37 Neff 1-1, 27’26 Jobin (Rötheli, Gamache, 5 c.4) 1-2, 34’46 Bärtschi (Dubé, Gautschi, 4 c.5 !) 1-3, 54’35 Neff (Liniger, 4 c.5 !) 2-3, 55’10 Gamache (Bordeleau, Dubé, 5 c.4) 2-4, 59’55 Berglund (Dubé, cage vide, 5 c.6). 2-5.
Langnau : Schoder ; M. Leuenberger, Stettler ; A. Ramholt, Lüthi ; C. Moser, Aegerter ; Blum ; Miettinen, Liniger, Toms ; Tuomainen, Kolanos, Debrunner ; Joggi, F. Sutter, Neff ; S. Moser, A. Gerber, Rizzello ; Schneeberger.
SC Bern : Bührer ; B. Gerber, Steinegger ; Kobach, Jobin ; R. Ziegler, Gautschi ; Bordeleau, Gamache, Dubé ; P. Bärtschi, Berglund, D. Meier ; Raffainer, T. Ziegler, Reichert ; Berger, Landry, C. Camichel ; Rötheli.
Pénalités : 10×2 contre Langnau, 9×2 contre Berne.
Notes : Langnau sans Fast, Hoegardh, Schürch ni Siren, Berne sans Rüthemann, Furrer, D. Meier ni Söderholm (tous blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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