Russie : quand la pêche au trou prend des allures de croisière

Limitées sont les sources de distraction pour les villageois russes durant l’hiver. Nombreux sont ceux qui ont fait de la pêche au trou une véritable tradition que l’on attend dès la fin de l’automne.

Ce sport consiste à s’aventurer sur les surfaces gelées des lacs et mers, souvent loin des côtes que ce soit à pied, à vélo ou encore à moto, afin de pêcher. Grâce à un outillage relativement simple et peu coûteux, ces passionnés de la pêche percent un trou d’une dizaine de cm de diamètre dans la glace et y laissent filer une ligne plombée pourvue d’un appât. Commence alors l’attente de la touche : des heures peuvent s’écouler avant que le petit bouchon disparaisse de la surface de l’eau alors que la température avoisine parfois les – 40 degrés celsius (sans tenir compte du facteur vent sur ces étendues dégagées). La petite eau, plus connue sous le nom de vodka, est alors un fidèle compagnon.

L’image romantique de la pêche à la mouche dans une rivière traversant une luxuriante forêt n’a rien à voir avec la pêche au trou. Assis sur une chaise de camping pliable, ces pêcheurs semblent paralysés par les nombreuses couches d’habits qu’ils portent et fixent le bouchon qui apparaît dans ce si petit trou. Si certains pêcheurs s’installent à proximité les uns des autres, pas une seule fois j’en ai entendu un articuler un mot. Comme il est improbable que tous s’adonnent à ce sport pour fuir leurs épouses l’espace de quelques heures, il doit bel et bien y avoir une motivation sociale à cette pratique. Une grosse prise ne traverserait jamais le petit trou percé et la taille des musettes laissent deviner au menu une maigre fricassée, il n’y aurait donc pas de motivation pécuniaire ou alimentaire. Le mystère de cette occupation prend de nouvelles dimensions lorsqu’on apprend qu’elle est en plus dangereuse.
Samedi dernier (le 3 février), 3’000 personnes pratiquaient ce sport sur les eaux gelées entourant l’île de Sakhalin, à proximité de Vladivostok. Un énorme bloc de glace de 25 kilomètres carrés s’est alors soudainement détaché de l’île sous la pression de vents violents et a commencé à dériver, emportant avec lui 442 pêcheurs. Les équipes de secours ont fort heureusement pu évacuer tout le monde à temps, par air et par mer, mais non sans mal. 76 pêcheurs refusaient obstinément d’être évacués alors que les glaces dérivantes commençaient à fondre. Si selon le porte parole du ministère des situations d’urgence la plupart étaient dans un état de «forte intoxication alcoolique», il est possible que l’amour de la pêche au trou y soit également pour quelque chose.
Et vous ? Regrettez-vous que notre bon vieux Léman ne gèle pas ?

Écrit par Julien Matter, votre ambassadeur à Moscou

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