Bundesliga 2010-2011, bilan, partie I

Pour entamer ces bilans de fin de saison, trois clubs aux destins diamétralement opposés : St. Pauli et Eintracht Francfort ont passé une bonne partie de la saison au-dessus de la barre avant d’être relégués au terme d’une interminable descente aux enfers, alors que le Borussia Mönchengladbach, longtemps condamné, s’est sauvé au terme d’un redressement miraculeux opéré depuis l’arrivée de Lucien Favre.

FC St. Pauli (18e, 29 points, relégué)

Mon pronostic : 15e.
La belle aventure de St. Pauli n’aura donc pas duré plus d’une saison. L’euphorie, la solidarité et l’esprit d’équipe n’auront pas suffi à gommer les limites intrinsèques du contingent. La décision de ne pas recruter à Noël, alors que le club avait bouclé le 1er tour sur une vilaine série de 9 matchs / 4 points, s’apparentait déjà à une forme de suicide. Les Kiezkicker feront encore illusion au début du second tour puisque, au terme de la 22ème journée, après un succès historique 0-1 sur la pelouse du grand rival Hambourg, ils comptaient 9 points d’avance sur le premier relégué direct et 12 sur Mönchengladbach. L’euphorie était totale ce soir-là mais c’était un chant du cygne : lors des 12 journées suivantes, St. Pauli n’inscrira qu’un point !
Déjà guère convaincante au complet, la défense, décimée par les blessures, a pris l’eau de toute part, alors qu’en attaque les Kiezkicker ne possédaient aucun joueur dominant pour la Bundesliga ; quand ton meilleur atout offensif, c’est le préretraité Asamoah, c’est clair que ça devient dur de marquer des goals. La fin de saison n’aura été qu’un long calvaire. Et en plus l’image idéaliste du club s’est brouillée par le comportement imbécile de certains supporters. Au final, ce retour en Bundesliga du club rebelle du port d’Hambourg laissera un goût amer, une belle histoire qui s’est terminée en queue de poisson, faute de s’être véritablement donné les moyens de se sauver. 
Top-Spieler : Thomas Kessler
Ancien gardien remplaçant de Cologne, Thomas Kessler s’est exilé sur les bords de l’Elbe pour trouver du temps de jeu. Derrière la pire défense de la ligue, il a eu largement l’occasion de démontrer ses qualités. Certes, il a encaissé beaucoup des buts (notamment un historique 1-8 contre le Bayern) et a parfois été écarté au profit de l’improbable Pliquett, mais il a aussi souvent évité le naufrage aux Kiezkicker. Ce qui devrait lui permettre de rebondir comme titulaire à l’Eintracht Francfort.
Flop-Trainer : Holger Stanislawski
Tour à tour joueur, capitaine, manager, vice-président ou entraîneur de St. Pauli, Holger Stanislawski a incarné pendant dix-huit ans l’esprit rebelle et les valeurs alternatives du club hambourgeois. C’est pourquoi on a été surpris de voir le gardien du temple annoncer son départ pour la fin de la saison, alors même que les Kiezkicker étaient en pleine lutte contre la relégation, comme s’il n’y croyait déjà plus. Mais le pire c’est sa destination : Hoffenheim, la machine à pognon, le jouet artificiel, le club sans âme, l’Arena pour VIP, l’antithèse même des valeurs de St. Pauli. Les supporters lui ont pardonné ce reniement et les adieux se sont faits dans les larmes, mais nous on a de la peine à comprendre : Holger Stanislawski à Hoffenheim, c’est José Bové au conseil d’administration d’Areva ou Josef Zisyadis directeur de l’UBS…

La révélation : Benedikt Pliquett
S’il n’avait pas été agressé par une horde de hooligans du rival Hambourg, Benedikt Pliquett, troisième gardien de St. Pauli et honnête portier de ligues régionales, ne serait jamais sorti de l’anonymat. Mais, suite à son agression, l’entraîneur Stanislawski a décidé d’offrir à cet inconnu de 26 ans sa première titularisation en Bundesliga pour le grand derby contre le HSV au Volksparkstadion. Le coup de poker est gagnant, l’équipe fait bloc autour de son gardien, qui multiplie les prouesses et dégoûte les stars du SV Hambourg, permettant à St. Pauli de l’emporter 1-0. Stanislawski retentera le coup de bluff lors des matchs décisifs contre la relégation contre Schalke, Leverkusen, Brême et Kaiserslautern mais le malheureux Pliquett multipliera les approximations et démontrera pourquoi il n’était jamais parvenu à s’imposer jusque-là en Bundesliga ni même en Zweite Liga. Il n’empêche, rien que pour le derby, des chants en l’honneur de Benedikt Pliquett résonneront sans doute encore dans 20 ans dans les Kneippen de la Reeperbahn. Enfin, à part dans le Kneippe du HSV situé juste en face de la Herbertstrasse…

Eintracht Francfort (17e, 34 points, relégué)

Mon pronostic : 10e.
A l’instar de Nuremberg ou Hanovre, Francfort fait partie de ces équipes, plus besogneuses que talentueuses, qui peuvent aussi bien titiller l’Europe dans une bonne dynamique que jouer la relégation en cas de spirale négative. SGE a connu les deux dans la même saison. Au 1er tour, c’est l’euphorie : bien que sans génie, l’équipe est très difficile à manier avec une bonne organisation, un engagement physique de tous les instants et un tueur en attaque, Gekas. Après avoir mis fin à une série de 15 matchs sans défaite du leader Dortmund, l’Eintracht bouclait son 1er tour à trois points du Bayern Munich et de l’Europe, les supporters chantaient «Europapokal, Europapokal».
Sauf qu’au 2e tour, la machine se grippe, le buteur providentiel devient muet et les limites de l’effectif apparaissent au grand jour. Les défaites s’accumulent, la confiance s’envole et l’équipe apparaît comme tétanisée sur le terrain, les pressions malsaines exercées par des supporters très courroucés par la tournure des événements n’arrangeant rien. Bien évidemment l’entraîneur Michael Skibbe en fait les frais mais son successeur, Christoph Daum, se montre incapable de remporter la moindre victoire à la tête de SGE. Du coup, après avoir été du bon côté de la barre de la 1ère à la 32ème journée, Francfort glisse du mauvais côté à l’avant-dernière journée. Un passeport pour l’échafaud, sachant que son dernier match se jouait sur la pelouse du champion Dortmund. Et les «Zweite Liga Frankfurt ist dabei» avaient remplacé les «Europapokal, Europapokal».
 
Top-Spieler : Theofanis Gekas
L’espace d’un tour, le premier, et de 14 buts en 17 matchs, on a retrouvé le Theofanis Gekas sacré meilleur buteur de la Bundesliga 2007 avec Bochum, un attaquant qui ne paie pas de mine mais terriblement efficace devant le but lorsqu’il est en confiance. Mais on le sait, la confiance du buteur est aussi fragile qu’un joueur du FC Barcelone dans un duel. Un peu de malchance et un peu de maladresse au début du 2e tour, et l’on a retrouvé le Fanis Gekas qui s’était égaré du côté de Leverkusen, Portsmouth ou Berlin. A l’exception d’un doublé lors de la seule victoire francfortoise du 2e tour, contre St. Pauli, le Grec est resté désespérément muet ce printemps. Et comme il n’y avait personne pour prendre le relais, cela explique – en partie – la longue descente aux enfers de SGE.
Flop-Spieler : Caio
Arrivés en janvier 2008, Caio et le Tchèque Fenin devaient être les deux jeunes talents qui allaient permettre à l’Eintracht de franchir un palier. Trente mois plus tard, l’échec est total. Le Brésilien a souvent été aligné mais il s’est surtout distingué par sa nonchalance coupable, sa propension à ralentir le jeu et sa motivation défaillante. A son actif, il n’y a guère que deux ou trois coups francs plus ou moins bien tirés (pour quelques dizaines dans les tribunes), ça fait peu pour un joueur présenté comme le nouveau Rai à son arrivée.
La révélation : Ralf Fährmann
Alors troisième gardien du club, Ralf Fährmann avait connu son baptême du feu en Bundesliga avec Schalke 04 en 2008 à Dortmund lors d’un Revierderby de légende où Alex Frei et le BVB avaient gommé un passif de trois buts dans les 20 dernières minutes (j’en ai encore des frissons). Mais, barré par l’immense Neuer à Gelsenkirchen, il s’est exilé à Francfort où il connaîtra dix-huit premiers mois difficiles, barré par des blessures, une certaine inconstance et par le titulaire Nikolov. Malgré quelques couacs ici ou là, il finira toutefois par obtenir la place de portier numéro un et démontrera de belles qualités sur la fin du championnat. Ce qui lui permettra d’effectuer un retour par la grande porte à Schalke la saison prochaine, où il est appelé à remplacer Manuel Neuer.

Borussia Mönchengladbach (16e, 36 points, sauvé en barrage)

Mon pronostic : 9e.
De prime abord, Mönchengladbach avait l’effectif pour vivre une saison tranquille en milieu de tableau. Mais rapidement tout est allé de travers : blessures en cascade, arbitrages défavorables (dix points de perdus sur le championnat, selon le Bild !), indiscipline coupable (huit expulsions en une saison, record battu), maladresse chronique des attaquants, gardiens et défense en mode passoire… Si l’on excepte deux succès historiques dans les derbies à Leverkusen (3-6) et Köln (0-4), le Borussia s’est rapidement enfoncé dans une spirale négative dont l’entraîneur Michael Frontzeck semblait incapable de l’en extirper. Mais comme il s’agit d’une figure légendaire du club, les dirigeants ont tardé à s’en séparer. Quand enfin Lucien Favre est appelé à la rescousse après la 22ème journée, tout le monde pense qu’il est déjà trop tard. D’une part, parce que le retard concédé est considérable, d’autre part parce que le Borussia va au-devant d’un calendrier infernal sur la fin de saison.
Et pourtant, le miracle va s’accomplir : Lulu parvient à stabiliser la défense (2,54 buts encaissés par match avec Frontzeck, 0,71 avec Favre !) et à renouer avec la victoire à domicile après près d’une année de disette. On pense toutefois que les deux défaites mortifiantes contre Kaiserslautern (sur une immense boulette du gardien Bailly) et à Mainz (sur deux erreurs d’arbitrage) vont condamner les Fohlen. Mais ceux-ci ne désarment pas et parviennent à arracher une place en barrage, grâce notamment à deux succès héroïques contre le Meister 2011 Dortmund et le prétendant à la Champions League Hanovre. Revenu de nulle part, Gladbach ne pouvait décemment pas échouer en barrage contre Bochum. Et même si rien ne fut facile, avec notamment un but victorieux à la 93ème à l’aller, Lucien Favre pouvait parachever l’un des redressements les plus spectaculaires de l’histoire de la Bundesliga. 
Top-Spieler : Marco Reus
Révélation de la saison dernière, Marco Reus a confirmé son immense talent. Avec Lucien Favre, c’est l’autre héros du maintien, avec notamment des buts capitaux en fin de saison contre Hanovre, Freiburg et Bochum. A même pas 22 ans, Reus a porté sur ses frêles épaules la plupart des espoirs offensifs des Fohlen et n’a pas craqué sous la pression. Né et formé à Dortmund, Marco Reus était parti à Ahlen pour s’aguerrir avec son pote Kevin Grosskreutz. A l’été 2009, les dirigeants dortmundois ne rapatrient que le second nommé, en oubliant le premier. Ils s’en mordent aujourd’hui les doigts car Marco Reus est désormais considéré comme l’un des espoirs les plus doués du foot allemand et est déjà dans le collimateur des plus grands clubs d’Europe, Manchester United et Bayern Munich en tête.
 
Flop-Spieler : Logan Bailly
Arrivé au Borussia Park à l’hiver 2009, Logan Bailly avait été l’un des grands artisans du maintien miraculeux (déjà) des Fohlen cinq mois plus tard. Il enchaînera avec une saison 2009-2010 honorable mais les choses se gâteront au début du présent championnat. Auteur de plusieurs bourdes spectaculaire, le gardien belge perd la confiance et devient la bête noire des supporters, qui n’hésitent pas à l’ovationner à chaque ballon facile qu’il parvient à capter. Après une nouvelle bévue contre Brême, il sera écarté en octobre. Comme son remplaçant, Heimeroth, n’a pas été beaucoup plus convaincant, Lucien Favre lui redonnera sa chance à son arrivée. Cela se passe bien pendant quatre matchs avant que le malheureux Bailly ne commette une bourde monstrueuse dans une rencontre capitale contre Kaiserslautern, sans doute le glas de sa carrière avec les Fohlen. Aujourd’hui indésirable à Gladbach malgré un contrat jusqu’en 2013 et condamné à cinq mois de prison avec sursis pour une vieille histoire de bagarre, celui qui était il y a peu encore présenté comme le digne successeur des Michel Preud’Homme et autres Jean-Marie Pfaff voit sa carrière bien enlisée.
La révélation : Marc-André ter Stegen
Déçu du rendement catastrophique de ses gardiens numéros 1 et 2, Bailly et Heimeroth, Lucien Favre tente un coup de poker insensé à six matchs de la fin : titulariser en Bundesliga le tout jeune gardien (à peine 19 ans) de l’équipe réserve qui évolue en 4ème division. Le coup de poker se révèle un coup de maître, Marc André ter Stegen impressionne par son calme et ne paraît aucunement ressentir la pression de la lutte contre la relégation. Il aligne les copies parfaites, avec notamment une performance homérique lors de la victoire contre Dortmund.  Voilà qui lui vaudra dès la saison prochaine une place de titulaire en Bundesliga à Mönchengladbach (qui se trouve dans le Niederrhein et non dans la Ruhr, contrairement à ce qu’on peut lire dans presque chaque article paru dans la presse romande depuis l’arrivée de Lucien Favre à Gladbach).

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

5 Commentaires

  1. Le pronostic pour Francfort et Borussia M. était le même ?

    Très joli article sinon, ça serait génial de pouvoir retrouver ça pour les autres grand championnats européens, mais je me rend bien compte du boulot que ça doit demander.

  2. @Telex…

    Une passion plutôt…et aller voir des matchs au Signal Iduna Park, ca doit tout sauf être un boulot chiant…lol

    Bien vu la pique aux journaux romands concernant Gladbach qui se trouverait dans la Ruhr….tellement simple de s’informer un petit peu mais certains journalistes pensent que leur (maigre) savoir suffit…(TSR, le Matin,…?)

  3. @ CC

    n’empêche, quitter Sankt Pauli pour Hoffenheim….

    et bravo lulu pour Ter Stegen

    Et oui, on aimerait la même chose pour un autre championnat européen…Julien pourrait se passioner pour Evian thonon Gaillard par exemple …;)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.