Le jour de gloire de Ludovic Magnin

Dans une carrière de footballeur, il y a des jours où tout vous sourit, des matches où tout ce que vous entreprendrez réussira. Ludovic Magnin a connu cet état de grâce samedi, et pas dans n’importe quelle rencontre, puisqu’il s’agissait du choc au sommet, le «Spitzenspiel», de la 21e journée de Bundesliga, entre le VFB Stuttgart (3e du classement) et le Werder Brême (2e) dans un Gottlieb-Daimler-Stadion archicomble.

Le Vaudois était complètement métamorphosé par rapport au joueur qui avait fait si pâle figure quatre jours auparavant avec notre équipe nationale à Düsseldorf. Déjà excellent une semaine plus tôt avec le VFB à Dortmund, Magnin semble avoir définitivement récupéré sa place de titulaire sur le flanc gauche de la défense souabe et l’Ivoirien Arthur Boka être durablement cantonné sur le banc des remplaçants (sauf quand Ludo sera suspendu, ce qui sera le cas au prochain carton jaune reçu). Désormais joueur clé d’une équipe qui joue le titre ou, à tout le moins, une place en Champion’s League, Magnin peut remercier ses dirigeants de l’avoir dissuadé (voire même empêché) d’aller jouer contre la relégation au Bétis Seville.Le show Ludovic Magnin a débuté dès le coup d’envoi : bien lancé par da Silva, Ludo a adressé un centre au cordeau, Gomez était trop court mais Roberto Hilbert, esseulé au deuxième poteau, n’a eu aucune peine à prendre Wiese à contre-pied pour l’ouverture du score. On jouait depuis moins de 180 secondes ! Heureusement que l’on ne s’était pas attardé à la VFB-Fan-Party, une immense halle entièrement dédiée au foot et à la bière. Bon, il faut dire que la bière du Gottlieb-Daimler-Stadion, la Dinkelacker, n’est pas fameuse et ne viendra pas déloger la DAB en tête de notre hit-parade des meilleures bières vendues dans les stades allemands.

Le début de match de Stuttgart est tonitruant : à la 10e, Mario Gomez préfèrera tirer à côté plutôt que de servir Cacau, seul devant le but vide. Le néo-international allemand se rachètera cinq minutes plus tard en parachevant magistralement une action limpide amorcée par Hilbert et Cacau. Du très bon football ! Sonné, le Werder n’est cependant pas deuxième du classement par hasard et réagira sous l’impulsion de son génial meneur de jeu Diego. Le petit Brésilien réduira le score sur une action confuse, après un tir contré de Klose, et sera tout près de l’égalisation à la 29e sur un tir détourné du bout des doigts par l’excellent portier Timo Hildebrand.
Même s’il presse pour égaliser, le Werder se fait régulièrement transpercer sur le flanc droit de sa défense par l’intenable duo Ludovic Magnin – Thomas «the Hammer-131 km/h, noch Fragen ?» Hitzlsperger (c’est comme ça que le présente le programme de match). Conscient du problème, Thomas Schaaf, l’entraîneur brêmois, remplace le Danois Jensen par le Croate Vranjes (ex-VFB Stuttgart). Cela ne changera rien. A la demi-heure, Ludovic Magnin prend un mauvais coup en taclant pour récupérer un ballon impossible et reste longuement allongé. On ne s’inquiète pas trop pour lui, cela fait longtemps qu’on le connaît : lorsqu’il avait une dizaine d’années, à l’occasion d’interminables dimanches de foot à Echallens, Ludo était coutumier du fait, se rouler par terre de douleur et repartir de plus belle quelques minutes après. A ce niveau-là, il n’a pas tellement changé. Quelques instants après sa «blessure», il inscrira un but sensationnel, pour reprendre les termes du speaker local : parti le long de sa ligne de touche, Magnin est rentré dans le terrain, a effacé son défenseur Fritz et a adressé, du pied droit et avec la complicité du poteau, une merveille de tir enroulé dans le petit filet opposé. Pour célébrer son premier but de la saison, son 6e en 80 matches de Bundesliga, Ludo a traversé le terrain en sprint et est allé se jeter dans les bras de Marco Streller sur le banc.

Après la pause, Schaaf fait passer Tim Borowski sur le flanc droit pour tenter d’enrayer les déboulés du duo «the Hammer – the Blagueur». Avec un certain succès puisque l’international allemand posera quelques problèmes à Magnin, parfois un peu large au marquage, et croira avoir réduit le score à la 68e mais Hildebrand a réussi un arrêt réflexe tout simplement ahurissant. Le probable successeur de Kahn et Lehmann dans les buts de la Nationalmannschaft finira définitivement d’écoeurer Borowski et le Werder avec une nouvelle parade à l’orée du dernier quart d’heure. Les supporters de Brême pouvaient se lamenter en voyant leur équipe sécher devant la solide défense souabe et leurs attaquants (Klose en tête) briller par leur discrétion, alors que les écrans géants annonçaient le nom des buteurs du FSV Mainz contre Cottbus : un but pour Andreasen et trois pour Zidan, soit deux joueurs dont le Werder s’est débarrassé au Mercato. Malgré la sortie sur blessure de son capitaine et patron de sa défense, l’international portugais Fernando Meira, Stuttgart parviendra à gérer et à conserver l’avantage pris au cours d’une première mi-temps de très haute tenue.
En fait, on n’avait pas trop l’impression d’être à un match de Bundesliga : la bière n’était pas terrible, les centres précis, la qualité technique remarquable, les prises de balle des gardiens sûres (enfin, à part Wiese), et l’ambiance bonne mais sans plus, rien à voir avec le délire qu’aurait provoqué un match de cette qualité à Dortmund, Gelsenkirchen ou Francfort. Cette rencontre extraordinaire, dans tous les sens du terme, ne pouvait se conclure autrement que par un but de Marco Streller. C’est ce qui se produira à quatre minutes de la fin du match : une bonne récupération de Magnin, un débordement de Gomez, une remise d’Hilbert et le grand Marco se retrouvait seul à six mètres du but. Après avoir lamentablement échoué devant Wiese dans un premier temps, le n° 9 du VFB a pu profiter du rebond pour inscrire son quatrième but de la saison. Le tout en 340 petites minutes de jeu, ce qui lui fait un but toutes les 85 minutes. A titre de comparaison, le meilleur buteur actuel de la Bundesliga, son coéquipier Mario Gomez, ne marque qu’un but toutes les 137 minutes. Comme quoi, avec les chiffres, on peut prouver tout ce que l’on veut, même que Marco Streller est un buteur d’exception ! Après ce quatrième but, le speaker se met à brailler des «Hopp Schwiiz», nous rappelant le Suisse – France vécu dans ce même stade en juin dernier, avec vingt-cinq degrés de plus et cinq buts de moins.

Au coup de sifflet final, les caméras du Gottlieb-Daimler-Stadion restent longuement braquées sur Ludovic Magnin, incontestablement l’homme du match, avec son gardien Hildebrand. Au-delà des performances individuelles, c’est toute l’équipe de Stuttgart qui est à créditer d’un match énorme. L’entraîneur Armin Veh fait du très bon travail avec cette équipe jeune, talentueuse, dynamique et enthousiaste. Quand on voit des joueurs comme Hildebrand (27 ans), Tasci (19 ans), Hilbert (22 ans), Hitzlsperger (24 ans) ou encore Gomez (21 ans), on se dit que le football allemand, après avoir longtemps fait figure de parent pauvre du continent européen en matière de formation, est peut-être en passe de retrouver sa splendeur passée. En tous les cas, l’avenir appartient à ce VFB Stuttgart, même si cela sera sans doute un peu juste pour le titre cette saison. On souhaite vivement que cette équipe parvienne à accompagner Schalke 04 et le Werder en Ligue des Champions, et renvoie ainsi le FC Hollywood à une petite cure d’humilité en coupe UEFA.
On regrettera juste que le public de Stuttgart ne montre pas plus d’enthousiasme devant la qualité du football présenté par ses favoris. Quand on voit qu’à Francfort, tout le stade se met à sautiller pour fêter un corner obtenu par Spycher, on se dit que les tribunes latérales de l’ex-Neckarstadion auraient au moins pu se lever et taper dans les mains pour saluer la grande performance réussie par le VFB aux dépens d’une équipe qui était considérée il y a peu comme la grande favorite du championnat.
Car le Werder a peut-être perdu plus qu’un match sur les bords du Neckar : en l’espace d’une semaine, les Brêmois ont été battu par leurs deux adversaires les plus dangereux dans la conquête du titre, Schalke au Weserstadion (0-2) et le VFB samedi, passant ainsi de la première place à un retard de six points sur la tête. Lorsque l’on fera les comptes en fin de saison, on s’apercevra peut-être que cette Bundesliga 2006-2007 a basculé ce samedi 10 février sous les coups de boutoir de Ludovic Magnin, un remplaçant en pleine déprime deux semaines auparavant, qui ne songeait qu’à aller voir ailleurs. Comme quoi, tout peut aller très vite en football.

VFB Stuttgart – Werder Brême 4-1 (3-1)

Gottlieb-Daimler-Stadion : 55 900 spectateurs (guichets fermés, record de la saison).
Arbitre : M. Gräfe.
Buts : 3e Hilbert (1-0), 15e Gomez (2-0), 21e Diego (2-1), 33e Magnin (3-1), 86e Streller (4-1).
Stuttgart : Hildebrand ; Tasci, Meira (52e Khedira), Delpierre, Magnin ; Hilbert, da Silva (80e Gentner), Pardo, Hitzlsperger ; Cacau (74e Streller), Gomez.
Brême : Wiese ; Womé, Naldo, Mertesacker, Fritz (62e Rosenberg) ; Jensen (30e Vranjes), Diego, Frings, Borowski ; Klose, Hunt (77e Almeida).
Notes : avertissements à Frings (18e), Cacau (25e), Naldo (65e), Womé (67e), Tasci (78e), Magnin (79e).

Écrit par Julien Mouquin

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