United fait chavirer Old Trafford

Après un début de saison un peu poussif, Manchester United est de retour. Dimanche, les Red Devils ont remporté le choc contre le grand rival Chelsea au terme d’un match qui a fait couler beaucoup d’encre. Les Blues peuvent incriminer l’arbitre mais ils devraient surtout reconnaître qu’ils ont perdu contre plus forts qu’eux dans un stade d’Old Trafford en délire.

C’est un peu incrédule que je pénètre dans le Theatre of Dreams : je vais vraiment voir Manchester United – Chelsea à Old Trafford. Le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu. L’ambiance est énorme, une vraie ambiance à l’anglaise sans kop mais avec des chants qui partent des quatre coins du stade et finissent par être repris en chœur par tous les supporters. Vainqueurs des trois derniers championnats, Manchester (2006-2007) et Chelsea (2004-2005 et 2005-2006) ne sont pas au mieux en ce début de saison. On peut même parler de crise pour le club londonien avec le match nul contre Rosenborg, les relations tendues entre Abramovich et Mourinho et, finalement, le départ du «Special One» jeudi.Le licenciement de l’entraîneur portugais ne constitue à mon sens pas forcément une mauvaise nouvelle pour les Blues. Certes, le palmarès de Mourinho en trois saisons à la tête de Chelsea (deux championnats, une FA Cup, deux Carling Cup) force le respect mais vu les moyens à disposition, c’était la moindre des choses. Et l’ancien entraîneur de Porto a toujours échoué en Ligue des Champions avec Chelsea, présentant un jeu certes efficace mais très peu spectaculaire. A priori, ce n’est pas avec son successeur, Avram Grant, que cela va changer. Avram Grant, c’était l’entraîneur de cette détestable et rébarbative équipe d’Israël que la Suisse avait affrontée lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2006.

Avram Grant & Abramovich

En tous les cas, il n’y a pas plus d’Anglais dans l’équipe de Chelsea avec Grant qu’avec Mourinho. Tu me diras, en tant que Suisses, on est mal placé pour critiquer l’internationalisation des sports collectifs : trois Anglais sur onze joueurs, ça fait toujours plus qu’un Suisse sur dix-sept marins. Et les trois British de Chelsea (Ashley et Joe Cole, Terry) sont alignés pour leurs qualités, pas parce qu’ils sont sponsors du club. Jusqu’à nouvel avis, Abramovich n’a pas encore exigé sa place sur le terrain. Par contre, le fait qu’il ait choisi un entraîneur pas très connu mais qui serait un proche pourrait indiquer que le milliardaire russe a l’intention de s’impliquer davantage dans les choix sportifs et là ce serait une très mauvaise nouvelle pour les fans de Chelsea parce qu’on ne peut pas dire qu’Abramovich ait fait preuve d’une très grande connaissance du football dans ses choix de transfert.
Reste à savoir si Grant sera vraiment confirmé ou s’il ne s’agit que d’un intérimaire (il n’est même pas certain qu’il ait les diplômes requis pour entraîneur en Premier League) ; de nombreux noms continuent de circuler pour la succession de Mourinho. La presse anglaise était toute émoustillée parce qu’Abramovich a assisté au match à Old Trafford assis à côté de Marco Van Basten, alors que le Néerlandais était là uniquement parce qu’il avait été invité par Nike dont il est l’un des ambassadeurs.
En tous les cas, le premier Chelsea version Avram Grant n’est pas venu à Old Trafford pour faire le spectacle : huit joueurs à vocation défensive alignés au coup d’envoi, le malheureux Shevchenko seul en pointe, espérant vaguement recevoir de temps en temps un hypothétique soutien des demis de couloir J. Cole et Malouda. Pour Manchester l’équation est simple : il faudra trouver un moyen de percer le bunker londonien, avec un duo d’attaque inédit Tevez-Rooney. Les Mancuniens prennent rapidement le match en main, se créent de nombreux corners mais ils se heurtent à un impérial Petr Cech, le meilleur joueur des Blues dimanche. Le portier tchèque s’interpose sur des tirs de Rooney (2e), Tevez (28e) et Vidic (39e), alors qu’un essai de Giggs file à côté (29e).

Expulsion de John Obi Mikel

Le premier tournant du match intervient à la 31e avec l’expulsion du Nigérian John Obi Mikel pour une faute sur Evra. J’avais une excellente place, en tribune latérale, tout devant, à maximum sept mètres du terrain (en première mi-temps, je pouvais entendre Brown et Ronaldo discuter) mais l’action s’est produite de l’autre côté du terrain, je n’ai pas très bien vu. A priori, c’est une décision plutôt sévère mais l’arbitre a toujours raison, n’est-ce pas ?
Le deuxième tournant intervient au bout du bout des arrêts de jeu de la première mi-temps : Ryan Giggs adresse un centre parfait pour Carlos Tevez qui jaillit au premier poteau, devance Cech et fait enfin sauter le verrou londonien. C’est le délire à Old Trafford. Le petit Argentin n’avait plus marqué en championnat depuis le 13 mai dernier, c’était déjà à Stretford End (la tribune ouest d’Old Trafford) mais sous les couleurs de West Ham.

But de Tevez !

Venu pour chercher un 0-0, Chelsea s’est montré incapable de modifier son plan de jeu après la pause et s’illustre surtout par son manque de fair-play, en ne rendant pas un ballon sorti par United pour une blessure de Rooney. J’ai tendance à penser qu’un club dont les supporters arborent une banderole «José Mourinho simply the best» est irrécupérable. Avram Grant démontre lui toute sa science du coaching en sortant son unique attaquant Shevchenko, alors que son équipe est menée au score. J’ai toujours eu un faible pour Sheva, ça me navre de le voir aussi mal utilisé, il est vraiment en train de perdre son temps du côté de Stamford Bridge.
L’impressionnante charnière centrale mancunienne Riiiiiiiiiiiiiiiiiiiio Ferdinand – Nemanja Oho Oho Vidic endiguent donc sans difficulté les timides tentatives de retour de Chelsea. Il restait encore à leurs coéquipiers à inscrire le but de la sécurité, alors qu’un véritable déluge s’abat sur Old Trafford. On découvre l’inconvénient d’avoir des places aussi près du terrain mais un Manchester – Chelsea ça vaut bien quelques gouttes de pluie. Giggs ne parvient pas à cadrer sa reprise (58e), un coup franc de Ronaldo est bloqué par Cech (83e), ce n’est que sur la fin que Manchester est parvenu à inscrire le deuxième but grâce à un penalty consécutif à une «faut » de Ben Haim sur Saha. Sur ce coup là, il faut reconnaître que l’arbitre n’avait pas complètement raison, l’attaquant français s’est joyeusement laissé tomber. On dit que l’attaquant qui a subi la faute ne devrait pas tirer le penalty qui s’ensuit mais là comme il n’y avait pas de faute, rien n’a empêché Saha d’aller transformer et assurer la victoire des Red Devils. On jouait la 89e.
Durant les arrêts de jeu, l’ambiance est indescriptible à Old Trafford, de ces moments magiques dans une vie d’un supporter dont on souhaiterait qu’ils se prolongent éternellement. Incontestablement, les dérives commerciales (il suffit de voir la taille du Megastore d’Old Trafford, ça n’a plus rien à voir avec la bonne vieille boutique des supporters) et la hausse du prix des billets n’ont pas altéré l’enthousiasme des gens pour le football à Manchester.

Saha ne rate pas le penalty

Evidemment, du côté de Chelsea, on crie au scandale contre l’arbitre : l’expulsion de Mikel était trop sévère, les arrêts de jeu étaient écoulés lors du 1er but et le penalty est inexistant. Force est de constater que Manchester n’a pas été malheureux avec l’arbitrage mais on peut aussi relever qu’un penalty a été refusé à Evra pour une faute de Joe Cole (17e) et que le tacle de Joe Cole sur Ronaldo aurait pu lui valoir davantage qu’un avertissement (73e). Les allégations d’Avram Grant sur un éventuel parti pris de M. Dean sont donc totalement déplacées. Et ce n’est quand même pas de la faute de l’arbitre si Chelsea ne s’est créé qu’une demie occasion de but de toute la partie, un tir non cadré d’Essien (75e).
Manchester n’a pas été flamboyant (c’est dur d’être brillant contre une équipe qui refuse de jouer) mais est à créditer d’un match solide. Incontestablement, les Red Devils sont sur la pente ascendante et les soucis d’effectifs du début de saison (blessure de Rooney, suspension de Ronaldo, non qualification de Tevez) sont oubliés. Ce 2-0 constitue tout simplement la victoire mancunienne la plus nette depuis le début de la saison, espérons qu’il permettra à Manchester de véritablement lancer son championnat.

Manchester United – Chelsea 2-0 (1-0)

Old Trafford : 75’663 spectateurs
Arbitre : M. Dean
Buts : 45e + 3 Tevez (1-0), 89e Saha (penalty, 2-0)
Manchester : Van der Sar ; Brown, Ferdinand, Vidic, Evra ; Ronaldo, Carrick, Scholes, Giggs ; Tevez (79e Saha), Ronney.
Chelsea : Cech ; Ferreira, Ben Haim, Terry, A. Cole ; J. Cole (76e Pizarro), Mikel, Makelele, Essien, Malouda (69e Wright-Philips) ; Shevchenko (59e Kalou).
Cartons jaunes : 61e Rooney, 73e J. Cole, 80e Brown, 82e Terry (tous pour jeu dur).
Carton rouge : 31e Mikel (tacle appuyé).
Notes : Manchester sans Hargreaves, G. Neville ni Silvestre (blessés), Chelsea sans Drogba, Lampard, ni Carvalho (blessés) ni Ballack (non convoqué).
 

Écrit par Julien Mouquin