De la nécessaire nécessité de lever la tête…

Julien Mouquin avait ouvert la voie la semaine dernière. Après ce dimanche matin festif, réjouissant, je reprends la balle au bond et m’adresse aux bons Suisses, bons pessimistes, frustrés en tout genre, semi gauchos à peine révolutionnaires, demi écologistes râleurs ou gogos de l’UDC. A l’organisation aussi, et aux 22 chèvres et quelques bergers inutiles qui composent depuis quelques mois l’équipe nationale et son entourage. Dimanche 2 décembre, sur le coup de 13 heures, le réveil a sonné. Levons-nous, redressons la tête et les épaules, regardons haut, regardons loin, mobilisons-nous et travaillons, dans un peu plus de six mois nous avons rendez-vous avec l’histoire. Loin des clivages, des débats improductifs, des discussions de café du commerce, rassemblons les énergies, le rêve est devant nous, l’occasion est unique, nous nous devons d’y croire !

Ça avait commencé au bout du lac. Le lac Léman ? Non le lac de Genève évidemment (ils y tiennent tellement…). Non contents d’avoir construit une arène fantôme, hideuse, sans ambition et surtout inutile aujourd’hui, nos meilleurs «amis» genevois avaient cru bon de hausser le ton avec l’organisation de l’Euro ou la Confédération. Ça avait continué avec Zurich, la rage et la connerie mal placées de quelques écolos en mal de visibilité, et des débats sans fin sur l’utilité ou non de bâtir et construire pour l’avenir. Ajoutez à cela, en toile de fond, la communication pertinente, enthousiasmante, excitante de l’organisation et de l’ASF, des mêmes mal inspirés qui font vibrer la ménagère d’au moins 50 ans entre le journal, la météo et ABE et vous comprenez pourquoi la Suisse a mal à son Euro depuis quelque temps déjà… Pourtant, quelques émotions en Coupe du Monde, inspirées par les performances de notre équipe nationale en Allemagne, avaient enfin fait parler de l’Euro, lever la tête des Suisses, tout d’un coup pleine d’air frais et d’espoir. Même Köbi avait osé, osé parler de victoire.
C’était sans compter sur le pessimisme local qui s’était très vite offusqué de cette démarche, comme trompé et jaloux. C’était sans compter également sur une «équipe» nationale de foot traînant son spleen sur les terrains de matches amicaux plus ou moins prestigieux, prenant le soin d’enfoncer le clou à Bâle et à Zurich pour les derniers espérants, comme pour mieux se foutre de la gueule de son public. Pour couronner le tout enfin, les médias, qui entre deux chats sauvés d’un abricotier par des pompiers volontaires de Savièse ou un flic strip-teaser à Morges, ont cru bon de nous gaver d’élections fédérales, de ses politiciens spectaculaires, de ses débats sur-intéressants. Après des mois à croiser Blocher dans sa rue, à entendre les onomatopées de Freisinger à la radio (avec l’accent ça mange pas de pain) et les bégayements et approximations de Romaine Jean, il faut être fort pour trouver de l’enthousiasme autour de l’Euro.
Bref, après un été de merde, un automne pourri, la Suisse a mal à la patte et peine à croire en son Euro, le pessimisme persiste.

Mais l’Euro frappe à la porte et c’est la dernière qui sonne…

Il n’empêche qu’aujourd’hui le plus bel événement d’Europe frappe à la porte ! Que le peuple européen par milliers va débarquer en Suisse et en Autriche, que la vitrine est énorme, que les enjeux sont colossaux, que la chance est unique ! Alors en bons Suisses, nous pourrions continuer à nous regarder le bout des pieds, à tirer la gueule et à chier sur notre équipe entre deux «ouais, ouais» et un verre de Mont-sur-Rolle… Mais après Lucerne, quelques lumières clinquantes et un tirage au sort plus ou moins favorable, c’est le dernier moment pour nous tous de nous mettre un grand coup de pied dans le cul !
Il s’agira en effet d’ici juin d’avoir travaillé, de s’y être préparé. Il s’agira pour Genève et les autres notamment d’être capables d’assumer les responsabilités aujourd’hui confiées. Très loin si possible des manifestations du G8 ou de l’organisation approximative – pour ne pas dire médiocre – du dernier Suisse – Pays-Bas. A l’organisation et l’ASF surtout d’apporter une dimension supérieure à l’événement, d’encourager le rassemblement, la fête, de mettre le paquet. Trois panneaux sur les quais d’une gare, un pseudo match de maladroits à la Jungfrau ou deux mascottes ridicules dans les bus ou dans les journaux ne suffiront pas à dissiper les craintes, garantir l’ouverture et créer les conditions de la fête ! 
Aux Suisses aussi de se lever, d’ouvrir les yeux, de saisir leur chance et de s’enthousiasmer. Les communautés portugaises, italiennes ou espagnoles ne s’en priveront pas et elles auront raison. Il faudra donc se faire violence et y croire ! Que tous les cons qui ont un jour déposé plainte pour tapage nocturne – ou râlé du trop de klaxons les soirs de victoire – apprennent les règles du foot, achètent des maillots et descendent dans la rue. La Suisse a rendez-vous avec la fête, la bière et la saucisse. Pour peu, j’imagine déjà les UBS Arena, les bistrots, les rues pleines à craquer, prêtes à vibrer, chanter, vivre !

Ce destin n’appartient qu’à 22 hommes

On aura beau avoir travaillé dur, y croire très fort, notre destin finalement n’appartient qu’à 22 hommes. Aujourd’hui brebis galeuses, brebis boiteuses, troupeau de chèvres malhonnêtes et méprisantes qui ne méritent après leurs dernières performances rien du soutien, de l’ambition placés en elles. Alors il s’agit maintenant chers joueurs de vous rappeler vos origines, de vous redonner le bon goût des Titans. Vous vous êtes bien égarés depuis. A se prendre pour Zorro un soir au stade de Genève ou à trop vouloir ressembler à Beckham dans les hôtels, vous avez oublié que vous êtes avant tout des besogneux. Votre talent, certes excessif pour des Suisses, vous permet de faire bonne ou pâle figure à l’étranger. Mais ce même talent, qu’il soit collectif ou individuel, ne vous permet aucun écart au niveau international, aucune ambition de supériorité. Vos trois matches et demi avec Arsenal, vos minutes sans relief avec les clubs italiens ou allemands, vos petites saisons avec Metz ou Lille ne vous enlèvent en rien le devoir de travailler et de mouiller votre maillot.
C’est dans la douleur que vous avez gagné vos plus beaux combats, vos plus belles victoires. Ce n’est pas en mettant une main maudite, comme le plus petit des tricheurs, que Senderos a offert la qualification à la Suisse pour le deuxième tour de la Coupe du Monde. C’est en dévastant la tête d’un Coréen, en s’ouvrant l’arcade… Derrière vous, Messieurs, la tête baissée, les regrets, le cimetière des éléphants aux côtés de l’épopée des générations Jeandupeux, Fringer ou Gress… Devant vous votre destin, le chemin du combat, la chance unique de gravir la montagne et de trouver la gloire, les victoires, le paradis. Bref, ne vous soumettez pas à la tentation d’être trop Suisses, vous y avez déjà cédé contre l’Ukraine et cela n’a produit que des regrets.

 

A Köbi et Mimi de rétablir l’ordre également, de mener la bateau à bon port. Aujourd’hui dans une position difficile, cet encadrement ne donne de loin pas toutes les garanties… Il serait aberrant de le changer, mais important de le bonifier, mais pas avec Adrian Knup. Je connais un Suisse, un grand, un moustachu, qui a mené Werner Günthör ou l’équipe de France de basket vers les sommets. Ce même Suisse a guidé Simon Ammann vers deux médailles d’or et conduit Alinghi vers la plus grande victoire du pays après Morgarten… Dans l’ombre il a travaillé auprès des athlètes, su trouver les mots, l’alchimie, tirer le meilleur des individualités comme des collectifs. Ce grand Suisse, c’est Jean-Pierre Egger.
Alors à la veille d’un tel rendez-vous, toutes les questions doivent être posées, toutes les problématiques résolues, tout le monde doit s’impliquer. Que la Suisse se mobilise, rassemble au coeur et au tour de l’équipe les meilleures énergies, les meilleures expériences, le plus bel enthousiasme. Car au mois de juin le moindre petit détail comptera. D’ici là, il ne nous reste plus qu’à faire table rase, ouvrir les yeux et y croire. Après tout la Suisse n’a rien à envier à la Grèce ou au Danemark.
De la nécessaire nécessité de lever la tête, je me suis réveillé dimanche. Le rêve est devant nous, l’occasion est unique, nous nous devons d’y croire !

Photos copyright www.mediasport.ch – Pascal Muller

Écrit par Vince McStein

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