Entretien exclusif avec Sébastien Buemi

Je ne sais pas s’il est encore utile de présenter notre invité, mais vu que beaucoup de nos lecteurs sont plus «sports de baballe» que «sports motorisés», je vais quand même me donner la peine de le faire. Sébastien Buemi est âgé de 19 ans et a déjà un palmarès impressionnant derrière lui : en 2002, il devient champion d’Europe en karting, ce qui lui ouvre tout grand les portes de la filière Red Bull.

En 2005, il remporte le championnat BMW ADAC sur la piste mais termine vice-champion sur le tapis vert, et en 2007 il termine 2ème du Championnat Formule 3 Euroseries. En 2008, il disputera le championnat GP2, ce qui est la dernière étape avant la Formule 1, où il a d’ailleurs déjà un pied puisqu’il est le 3ème pilote de l’écurie Red Bull. Officiellement, il habite à Aigle mais il n’y est pas très souvent, non pas pour des raisons fiscales mais à cause d’un emploi du temps démentiel ! Alors ceux qui ne le connaissaient pas encore, retenez bien ce nom, puisque si un Suisse arrive en F1 dans les trois prochaines années, il s’appellera de toute façon Sébastien Buemi.
Salut Séb ! On commence avec une question pour ces demoiselles : es-tu célibataire ou casé ?
Célibataire.
Es-tu plutôt fêtard ou plutôt peinard ?
Plutôt fêtard.
Parle-nous un peu de ton emploi du temps.
Je n’ai rien de vraiment fixe. Disons que durant une journée traditionnelle, je m’entraîne deux heures le matin et deux heures l’après-midi pour l’endurance. En plus de ça, je fais des exercices spécifiques comme par exemple pour la nuque. Mais je n’ai pas vraiment de routine, parce que je voyage beaucoup et partage mon temps entre l’Autriche, Londres, Aigle et les courses.

Que fais-tu de ton temps libre ?
Je sors avec des amis.
Etre pilote à ton niveau, ça aide avec les filles ?
J’aime mieux me faire croire que c’est mon charme naturel (il se marre) ! Non sérieusement, je ne pense pas à mon niveau. Et de toute façon, les filles, ça les intéresse rarement de savoir que je fais des courses.
Parle-nous un peu de ton parcours jusqu’ici : quels sont tes meilleurs souvenirs et tes plus grosses désillusions ?
Mes meilleurs souvenirs, c’est tout d’abord en 2002 quand je suis devenu champion d’Europe karting, ça reste quelque chose d’inoubliable. Sinon, la première victoire dans chaque catégorie est toujours un moment très spécial, parce que la première est toujours la plus difficile. Et enfin, mes premiers tours de roues dans une F1, c’était le 24 juillet dernier. C’est incroyable comme sensation.
Au niveau des plus grosses désillusions, je dirais qu’il y a la perte du titre BWM ADAC en 2005 mais je n’ai pas envie d’épiloguer à ce sujet, et aussi la course à Macao il y a deux semaines. J’aurais vraiment voulu conclure mes deux années de F3 par une victoire, mais je me suis fait monter dessus par un adversaire en première manche. Je partais donc tout derrière pour la deuxième course, et sur un circuit comme Macao, c’est presque impossible de dépasser.

Quel est ton circuit préféré ? Et celui que tu aimes le moins ?
Le plus beau, et de loin, c’est Spa, il est complet : gros freinages, courbes rapides, fortes dénivellations. Et Budapest est le genre de circuit que je n’apprécie pas vraiment, c’est un peu un tourniquet monotone.
Pourquoi avoir commencé un sport motorisé plutôt que le foot ou le tennis ?
Parce que la passion était déjà bien présente dans ma famille, et un jour mon père m’a assis dans un karting et ça m’a plu.
Et pour 2008, quel va être ton programme et quelles sont tes ambitions ?
Je serai pilote essayeur pour le Team Red Bull F1 et disputerai le championnat GP2 sous les couleurs du Team Arden International. Pour cette première saison dans cette catégorie, mon objectif est de goûter à la victoire et terminer dans les cinq premiers au général.
3ème pilote, ça veut dire que si un des deux autres se blesse, c’est toi qui roules ?
Oui, mais je n’en viens pas à souhaiter la blessure d’un des deux titulaires… Mon programme est déjà bien assez chargé pour l’instant, et même si mon rêve c’est la F1, ça ne sert à rien de brûler les étapes.

Alonso a-t-il signé chez Red Bull ou va-t-il le faire ?
Je pressens que oui, suite à diverses discussions que j’ai eues avec les gens du team mais rien n’est signé pour le moment. Mais ça devrait se concrétiser tout prochainement.
S’il signe, cela change-t-il quelque chose à ton statut ?
Non je ne pense pas.
Gagne-t-on bien sa vie à ton niveau ? Ou au moins, peut-on en vivre ?
Je peux en vivre.
Qu’as-tu pensé de la dernière saison de Formule 1 ?
La saison a été très intéressante, avec des rebondissements jusqu’à la fin. Par contre, il y a eu beaucoup trop de politique cette année.
Petite question piège : le milieu est-il corrompu ou est-ce juste une impression de l’extérieur ?
J’aime mieux ne pas me poser la question…
Qui sera champion du monde en 2008 ?
Hamilton.
Qui est selon toi le plus grand pilote de tous les temps ?
Beaucoup disent que c’est Senna ! C’était un pilote génial, mais je pense que son accident mortel a fortement contribué à le faire entrer dans la légende parce qu’au moment de sa mort, il n’étouffait pas complètement la concurrence. Pour moi, Schumi est le plus grand parce qu’il était fort sur la piste, mais également sous tous les autres aspects : il comprenait sa voiture, il était très fort pour le relationnel et il a réussi à trouver le bon équilibre qui lui a permis de garder sa motivation au top si longtemps. Pour moi, c’est lui le plus grand !

Et tous sports confondus, quel est le sportif que tu admires le plus ?
Federer, lui il a vraiment une classe à part.
Ta cousine Natacha est, elle aussi, pilote automobile aux USA. Comment ça se passe pour elle là-bas ?
Elle vient de boucler sa première saison qui s’est plutôt bien passée. Elle va prochainement faire des tests en DTM, et si tout se passe bien, elle disputera ce championnat en 2008. Sinon, elle restera chez l’Oncle Sam pour disputer la Formule Atlantic.
Sera-t-elle la première fille en F1 ?
J’espère, en tout cas elle en a le talent, mais ça ne dépend malheureusement pas que de ça. Il faut aussi une bonne dose de chance, se trouver au bon endroit au bon moment.
Tu fais partie du Junior Team Red Bull, qui est considéré comme le meilleur tremplin pour les jeunes talents. Etes-vous plutôt tous copains ou tous rivaux ?
On est tous rivaux, chacun de nous est conscient qu’il n’y a pas la place pour tout le monde.
Qui est le meilleur pilote que tu aies eu à affronter ?
Sébastian Vettel.
T’arrives-t-il d’avoir peur ?
Non jamais. En fait en course, des fois j’ai des montées d’adrénaline lors de dépassements chauds mais ce n’est pas de la peur, c’est juste que ça me ferait ch… de sortir et de devoir abandonner.

Si un gamin qui rêve de devenir pilote t’appelle pour te demander des conseils, que lui dirais-tu ? Y a-t-il une recette miracle ?
Il faut y croire à fond, être très bien entouré, avoir une famille passionnée, savoir se vendre, se trouver au bon endroit au bon moment et avoir une dose de chance aussi.
C’est un milieu impitoyable qui ne fait pas de cadeaux, et moi j’ai eu beaucoup de chance jusqu’à maintenant, mais tout peut changer très vite, dans un sens comme dans l’autre.
Comment vois-tu ta vie dans cinq ans ?
J’aimerais être pilote en F1 et gagner des courses, mais je sais que le plus dur reste à faire.
Si tu n’avais pas été pilote, que serais-tu aujourd’hui ?
Je serais étudiant !
Dernière question : Greg Junod m’a chargé de te transmettre un défi : un contre-la montre de 20 tours sur une piste de ton choix, 10 tours chacun sur sa moto et 10 tours dans ta GP2. Acceptes-tu de le relever ?
Je suis partant, cependant avec la GP2 ce n’est pas possible, on ne peut pas faire d’essais en dehors des courses. Mais avec une formule Ford à Lédenon sans problème, faut juste qu’on se trouve une date, parce que Greg a aussi un emploi du temps chargé non ?
Ça marche, c’est noté, nous baptiserons ce challenge le «défi Carton Rouge !» Merci Séb, et bonne suite pour ta carrière ! 

Photos copyright GEPA-Pictures

Écrit par Sébastien Junod