La belle aventure continue pour Karlsruhe

Diego Benaglio et le VfL Wolfsburg ne sont pas invincibles. Après six matchs sans défaite en 2008 (quatre en championnat et deux en Coupe), les Wölfe ont trouvé leur maître dans le vétuste Wildparkstadion : le néo-promu Karlsruhe de Mario Eggimann qui n’en finit plus de surprendre.

En attendant un éventuel retour du SC Freiburg en 1ère Bundesliga, Karlsruhe constitue la destination la plus proche de la Suisse romande pour assister à un match du championnat allemand. Il fallait donc bien que l’on aille une fois voir cela sur place. Le stade local, le Wildparkstadion, tranche singulièrement avec les enceintes ultramodernes que l’on a l’habitude de voir outre Rhin. L’antre du KSC constitue l’un des derniers témoins d’une époque révolue, un stade d’une génération passée avec sa piste d’athlétisme, ses grillages, ses allées en terre battue, ses virages non couverts, ses places debout disséminées aux quatre coins de l’arène, y compris en tribune latérale… Cela ravive quelques vieux souvenirs de stades que l’on a connu chez nous il y a quelques années. Il existe bien un plan d’agrandissement et de rénovation du Wildparkstadion mais le projet a pris du retard et les travaux ne devraient pas commencer avant 2009.Cela n’empêche pas le KSC de jouer ses matchs devant un stade presque tout le temps comble. La qualité des infrastructures ne saurait donc à elle seule expliquer le formidable succès populaire de la Bundesliga, puisque des stades vétustes et dépourvus de tout confort comme le Wildparkstadion ou le Weserstadion affichent des taux de remplissage proches de 100%. Un facteur clé de la popularité du championnat allemand tient davantage en quatre lettres : Bier. Celle de Karlsruhe, la Rothaus, s’avère plutôt pas mal et mériterait certainement un nombre de buvettes (de simples tentes dressées au pied des tribunes) plus conséquent pour la servir.

Le match du jour, venons-y, oppose la révélation de la saison, le néo-promu Karlsruhe, à la révélation du 2e tour, Wolfsburg, meilleure équipe de la ligue depuis la reprise avec 4 matchs/10 points avant sa venue au Wildparkstation. Il s’agit d’une belle entre les deux équipes, puisque, cet automne, Wolfsburg a gagné en Coupe à Karlsruhe, alors que les Badener se sont imposé en championnat à la Volkswagen-Arena. Une belle que les deux formations n’abordent pas dans les meilleures conditions : le KSC est privé de son buteur et maître à jouer Tamas Hajnal, suspendu, alors que l’entraîneur des Wölfe, Felix Magath, n’aligne pas d’entrée ses stars brésiliennes Grafite et Marcelinho, laissées au repos trois jours après une victoire en Coupe contre Hambourg aux prolongations.
Le premier haut fait du match est helvético-helvétique : Mario Eggimann reprend de la tête un coup franc de Timm (à ne pas confondre avec Tim, notre excellent rédacteur en chef du foot régional et grand fan du KSC), le gardien suisse du VfL Diego Benaglio s’interpose mais le capitaine suisse de Karlsruhe a bien suivi et ouvre le score, du pied cette fois. Le Wildparkstadion est encore en train de célébrer cette réussite que le VfL égalise, à la stupeur générale. «Haben Sie etwas gesehen ?», me demande mon voisin de droite. «Nein», répondis-je lâchement. En fait si, j’avais vu mais je n’avais pas bu assez de bière pour expliquer auf deutsch que Görlitz avait mal renvoyé et que le marquage trop large de la défense du KSC avait laissé toute quiétude à Schäfer pour tirer dans le petit filet. Karlsruhe tente de reprendre l’avantage avant la pause mais Benaglio sort deux belles parades sur un tir d’Aduobe (meilleur homme sur le terrain avant son remplacement) et surtout sur une frappe d’Eichner qui prenait la direction de la lucarne.

On l’a dit, le SC Karlsruhe constitue la révélation de la saison en Bundesliga. Alors que la plupart des observateurs les voyaient jouer la relégation, les Badener sont à la lutte pour les places européennes. Ce qui est remarquable, c’est que ces résultats ne sont pas obtenus en bétonnant derrière, comme le font souvent les néo-promus, mais avec un football tourné vers l’avant. On n’avait pas vraiment eu l’occasion de s’en rendre compte en 1ère mi-temps, ce sera beaucoup plus flagrant après la pause. Le KSC presse, les situations chaudes se multiplient devant les buts de Benaglio et le Wildparkstadion se réveille enfin. L’occasion la plus nette échoit à Eggimann, dont le tir flirte avec la lucarne. Les corners s’enchaînent pour Karlsruhe, ce qui ne me plaît pas forcément car chaque coup de coin entraîne la diffusion des premières notes de la version locale de la reprise de White Stripes, qui évoque l’une des pages les plus sombres de l’histoire du football.
Bien que dominés, les Wölfe se procurent une balle de match à la 69e mais Dzeko, seul à cinq mètres du but, place son coup de tête à côté. Le tournant de la partie car quatre minutes plus tard, le KSC va reprendre l’avantage : Iashvili lance Kennedy, l’attaquant dont Nuremberg ne voulait plus. L’Australien longe la ligne des seize mètres et, au moment où l’on pensait qu’il s’était trop déporté, arme un tir croisé soudain totalement imparable pour Benaglio. Le gardien suisse s’inclinera encore une fois à l’ultime seconde sur un tir de Iashvili légèrement dévié par Costa. Le portier de la Nati est néanmoins à créditer d’un bon match, il a fait quelques arrêts de classe, il s’est montré rassurant sur les sorties aérienne et il ne peut pas lui être reproché grand-chose sur les trois goals encaissés. Maintenant qu’il a concédé sa première défaite avec Wolfsburg, il serait temps pour lui de fêter sa première victoire avec l’équipe de Suisse. Le plus tôt sera le mieux.

Pour Karlsruhe, le conte de fée se poursuit avec ce succès amplement mérité, malgré une petite ombre au tableau : l’excellent Mario Eggimann (qui doit à mon sens former la charnière centrale de la Nati avec Senderos à l’Euro) a écopé d’un 5e carton jaune et sera suspendu pour le prochain match, contre le Bayern à l’Allianz Arena. Dommage, car l’Argovien faisait jusque là partie des rares joueurs de champ de Bundesliga à ne pas avoir raté la moindre minute de jeu depuis le début de la saison.
Où s’arrêtera la belle aventure du KSC ? En Coupe d’Europe ? L’hypothèse, a priori farfelue en début de saison, ne peut aujourd’hui plus être écartée. Si tu compares l’effectif, le budget ou le stade de Schalke 04 et du Karlsruher SC, tu te dis que les deux équipes n’appartiennent pas au même monde et devraient être séparées par vingt points. Et pourtant, au soir de cette 22e journée, les Badener émargent à la 5e place du classement, qualificative pour le Coupe UEFA, un point devant les Knappen, et à seulement quelques encablures de la Champion’s League.
Malgré ces brillants résultats, j’ai trouvé l’ambiance plutôt moyenne pour de la Bundesliga pendant le match ; il faut dire que la configuration du stade avec sa piste d’athlétisme et ses quatre kops disséminés un peu partout, n’est pas très favorable. En revanche, on sent qu’un lien très fort unit cette équipe et son public, tissé dans les durs combats de la Zweite Liga. Quinze minutes après le coup de sifflet final, aucun spectateur n’a encore quitté sa place pour le tour d’honneur qui se termine en apothéose lorsque le latéral Christian Eichner escalade les grillages pour lancer lui-même les chants. L’image d’un club qui, après neuf saisons de purgatoire en Zweite Liga et en Regionalliga, vit un rêve éveillé et n’a pas envie de se réveiller.

Karlsruher SC – VfL Wolfsburg 3-1 (1-1)

Wildparkstadion : 27’871 spectateurs.
Arbitre : M. Gräfe.
Buts : 23e Eggimann (1-0), 28e Schäfer (1-1), 73e Kennedy (2-1), 93e Iashvili (3-1).
Karlsruhe : Miller ; Görlitz, Franz, Eggimann, Eichner ; Timm (81e Carnell), Mutzel, Aduobe (55e Porcello), Iashvili ; Freis ; Kennedy (91e Kapllani).
Wolfsburg : Benaglio ; Costa, Simunek, Madlung, Quiroga (54e Josué) ; Dejagah (46e Grafite), Hasebe (77e Ljuboja), Schäfer, Gentner ; Krzynovek ; Dzeko.
Cartons jaunes : 56e Hasebe, 65e Eggimann, 68e Eichner, 70e Franz, 92e Costa.
Notes : Karlsruhe sans Hajnal (suspendu) ; Wolfsburg sans Santana (blessé).

Écrit par Julien Mouquin

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1 Commentaire

  1. Merci Julien, sublime comme dhabitude !

    Cest quand même incroyable, le KSC a une équipe de relégables et est à une poignée de points de la Ligue des Champions…Cest quand même spécial là-bas et comme tu dis, cest un des seuls stades où tu sens une communion entre joueurs et public.

    Karlsruhe, cest la classe !

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