Citius, altius, hypocritius, dollarius

Jacques Rogge est un homme brillant. Comme tous les grands dirigeants du sport mondial, le Belge est avant tout un habile politicien. Etre président du CIO n’est pas fondamentalement différent qu’être à la tête d’un pays, qu’être un chef d’Etat. Pourtant, M. Rogge se défend de faire de la politique. Selon lui, le CIO n’a qu’un seul but : promouvoir le sport, organiser les Jeux Olympiques, régir le sport mondial et contribuer au développement de tous par la pratique du sport.

En résumé, M. Rogge colle à l’idéal olympique, celui de la fraternité dans l’effort, celui de la paix par l’activité physique, celui de la communion des peuples réunis dans des joutes amicales. Au risque de le décevoir, je me dois de lui faire remarquer que nous ne sommes plus en 1905. Eh non, cher président. Vous tenez-là un discours qui produit l’effet d’un larsen ô combien désagréable, soit empreint d’une naïveté effrayante, soit d’une hypocrisie telle que l’on frise la malhonnêteté.

Ingérence

Je veux bien croire encore en certaines valeurs du sport, même si je peine de plus en plus à me convaincre du bien-fondé de ces pulsions romantiques. Mais arrêtons un instant de nous mentir. Le sport, en tant que miroir de la société, est un business. Comment en serait-il autrement ? Droits TV, sponsoring, merchandising, catering, entreprise à créer du rêve – qui demeure une matière se monnayant extrêmement bien, surtout en période de récession -, fabrique de héros populaires : voici bien le coeur de l’activité du monde sportif depuis quelques décennies, depuis surtout les retransmissions télévisuelles.

Je m’amuse souvent à surprendre, au détour de quelques déclarations, les hauts responsables du sport s’offusquer de la possible ingérence de la sphère politique dans leur monde. Visiblement, l’intrusion totale et dictatoriale de la sphère économique ne dérange personne. Or, est-il besoin d’expliquer l’imbrication absolue entre politique et économie depuis que l’homme est homme ? Je ne crois pas.
Donc, si je comprends bien, le sport joue pleinement son rôle de moteur économique, participe à la création de richesses, revêt en grande partie l’habit de divertissement de masse, fonctionne comme une composante essentielle à la vie de tout un chacun, mais n’a aucune responsabilité politique. Difficile d’admettre pareille ineptie. D’autant que, quand le vent souffle dans le bon sens, le sport ne rechigne pas à fricoter avec le politique. Les athlètes héroïques, de retour de la terre de leurs exploits, sont-ils reçus par le président de leurs associations respectives, ou par des pouvoirs publics heureux de s’approprier quelque vague gloire ?
David Douillet reçoit-il un diplôme de la FFJ ou la Légion d’honneur ? L’équipe de France championne du monde en 1998 dîne-t-elle dans les locaux de la FFF ou participe-t-elle à la Garden Party de l’Elysée ? Les messages de félicitations à l’attention de Fabian Cancellara qui abondent dans les médias proviennent-ils de Swiss Cycling ou de Samuel Schmid ?

Comme tout le monde

Non, il est impensable que le CIO décline toute responsabilité politique. Certes, M. Rogge et ses acolytes ne doivent pas avoir la prétention de dicter à un gouvernement – élu ou non – son comportement, comme cela avait été demandé quelques mois avant les Jeux de Pékin. Ils n’en ont ni le pouvoir, ni le droit. Mais l’arme politique dont dispose le CIO peut être ravageuse : c’est lui qui décide de l’attribution des JO ! Quel signal politique plus fort que de refuser d’aller faire mumuse dans un pays bafouant certaines valeurs essentielles de la pensée occidentale, comme les droits de l’homme ?

Oui, l’expression est lâchée. Valeurs occidentales. Dans un monde globalisé, le CIO tient le rôle, malgré ce qu’il prétend, d’un acteur géopolitique. Dès lors, le choix de Pékin pour 2008 ou de Sotchi pour 2014, répond à la logique. Nos gouvernements ne collaborent-ils pas avec des nations que nous, bien-pensants européens, jugeons infréquentables ? Le CIO ne fait rien d’autre.
Mais qu’il l’assume ! Qu’il défende sa position d’Etat sportif obligé de louvoyer dans un contexte politico-économique bien précis ! Et surtout qu’il arrête de jouer à la blanche colombe immaculée de préjugés et d’opinions ! Il est bien trop facile de jouir de la connivence avec le politique quand tout va bien, et de lever les boucliers dès que des questions épineuses surgissent. Le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière, voilà ce que le CIO désire. Tiens, comme tout le monde aujourd’hui.

Écrit par Psyko Franco

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6 Commentaires

  1. Rogge, Platini, Blatter même combat !
    Des dirigeants modernes donc forcément intéressés par le fric, le profit et le pouvoir bien sûr.

  2. Tout juste Psyko. Magnifique article qui reflète au centime près la relation du sport en général avec le fric à lheure actuelle et même depuis belle lurette. Et quand Platoche ose sen prendre à la politique « business » affichée par Arsène Wenger à Arsenal, on se met à rêver les yeux ouverts… Bon, il a calmé le jeu dans lintervalle, mais il ne vaut pas mieux que Blatter et Rogge comme la si bien soulevé François Fellay.

  3. Bonjour,

    Pourquoi mettre Platini avec Blatter et Rogge ? Il me semble au contraire quil essaye (Vainement et maladroitement) daller à contre courant. Opposition à la vidéo, abstention sur lélargissement à 24 équipes de leuro, renoncement contraint au 6+5 alors que Blatter fait semblant de vouloir aller contre lUnion Européenne.

  4. Les seuls à avoir du pouvoir dans notre société sont les grands boss de léconomie. Meme les « vrai » politiciens sont leur pentins (plus ou moins bien articulés). Donc que dire de ces présidents de sociétés sportives. Ils sont sous lemprise des politiques et donc des grandes fortunes. Ils sont donc les exemples les plus flagrants des pantins.

  5. excellent papier Psyko, je te rejoins sur tous les points.
    Vivement les JO dété au Myanmar et ceux dhiver en Russie… oups, ceux-là sont déjà prévus!!!

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