Excursion dans le temple du football… gaélique !

Parfois, il faut savoir trouver d’autres occupations le dimanche après-midi que de regarder, l’œil vitreux et les petits nains qui tapent, des séries télé de troisième catégorie. Décision fut dès lors prise d’aller voir d’un peu plus près ce à quoi ressemble un match de football gaélique.

Croke Park

A quelques grandes enjambées du centre ville de Dublin se dresse Croke Park ou «Croker» pour les locaux. Il s’agit du stade national des sports gaéliques (GAA). Ici se jouent toutes les finales, demi-finales et quart-de-finales des compétitions nationales (All-Ireland Championships) de football gaélique ainsi que de Hurling.
Avec une capacité de plus de 80’000 places, le stade est très impressionnant. Moderne et couvert sur trois côtés, il ne reste qu’une «pelouse» comme on dit chez nous, derrière l’un des buts où les places sont encore debout. Cette pelouse, la Hill 16, est bâtie sur des décombres récupérés après les troubles précédant l’Indépendance Irlandaise (Rébellion de 1916). Par ailleurs, c’est à Croke Park que s’est produit le «Bloody Sunday» de 1920 lorsque des paramilitaires tirèrent sur la foule et tuèrent 14 personnes… et voilà c’était la minute historique.
Aux portillons électroniques se succèdent buvettes et stands de saucisses, tout est bien rodé et organisé. Fumée et alcool sont interdits dans les tribunes mais pas dans la zone buvette fort heureusement !

Depuis la destruction et reconstruction (en cours) de Lansdowne Road, le stade national pour le rugby et le football, les équipes nationales de ces sports ont obtenu l’autorisation temporaire, après de bien longs et tumultueux débats, d’organiser des matches internationaux à Croke Park. En effet, il était interdit de pratiquer un sport britannique sur la pelouse sacrée des sports gaéliques depuis la création de l’association GAA en 1884. Comme il n’y a pas d’autre stade en Irlande remplissant les conditions pour accueillir des matches internationaux, footballeurs et rugbymen auraient du jouer leurs matches à l’étranger, ce qui n’aurait pas été franchement idéal.

Le jeu, le match

La taille de la zone de jeu est bien plus grande (137m par 82m) qu’un terrain de football standard (105m par 70m en général). Les goals sont le résultat étrange d’un mélange entre un but de foot et des poteaux de rugby…
Chaque équipe aligne quinze joueurs dont un gardien de but. Les règles semblent aussi être un amalgame entre football et rugby, les joueurs peuvent se passer le ballon à la main ou au pied, en avant et en arrière, ils peuvent aussi avancer avec le ballon en main mais ils doivent le faire rebondir ou jongler toutes les trois ou quatre enjambées… cela en fait ma foi un jeu assez bizarre.
Les contacts sont assez violents mais il est interdit de retenir l’adversaire sous peine d’être sanctionné d’un coup-franc. Par ailleurs, il n’y a pas de règle du hors-jeu et donc pas vraiment de mouvement en bloc d’une ou l’autre équipe. Les défenseurs marquent leur vis-à-vis à la culotte et protègent farouchement leur camp pour empêcher l’avancée des attaquants adverses (pas exactement comme les latéraux de l’équipe de Suisse donc…).

Deux sortes de goals peuvent être marqués : soit entre les poteaux, ce qui rapporte un point, soit dans la cage, ce qui rapporte trois points mais vu l’intensité des contacts physiques aux alentours des buts, il y a plus de buts à un point qu’à trois. La plupart des buts sont le résultat d’exploits personnels des attaquants qui, après de longues courses dans le camp adverse, ont la lucidité de loger la balle entre les poteaux.
Enfin, et assez logiquement, il y a un arbitre et deux juges de touche mais aussi deux «juges de but», habillés en infirmiers… et placés à côtés des poteaux pour confirmer (en agitant un drapeau) la validité d’un effort à un point.
Le match en question oppose les comtés de Dublin et Westmeath dans le quart de finale du championnat de la province du Leinster. Dublin part favori mais les premiers échanges sont à mettre à l’avantage des joueurs de Westmeath qui surprennent leurs adversaires en prenant rapidement le large et en concluant quelques jolies actions dont un but à trois points. Dans ce sport, les contacts sont rugueux et vu la taille des bonhommes et l’engagement à 200%, on préfère être tranquillement assis dans les tribunes que sur le terrain. Au fur et à mesure que le match avance, Dublin fait gentiment son retard mais se trouve tout de même mené à la mi-temps (un match de football gaélique compte deux périodes de 35 minutes).
À la reprise, Dublin prend l’initiative du jeu et commence à dominer la rencontre, puis les joueurs de Westmeath obtiennent quelques bonnes occasions sur coup-franc mais les gaspillent et se voient punis par les joueurs de la capitale en contre. Les actions vont d’un but à l’autre, le rythme est frénétique. L’ambiance dans le stade est fantastique avec ce match tendu et âprement disputé, et il y a plus de 70’000 spectateurs !
Les supporters des deux équipes sont mélangés et cela donne une ambiance conviviale et sympa. Finalement, les Dubs (surnom des Dublinois) l’emportent (13-0 à 8-1) et c’est la folie à Croke Park ! Cependant, cela n’aura pas été une promenade de santé, loin de là.

En conclusion, c’est une expérience intéressante pour tout amateur de sport car c’est très inhabituel. Autant la qualité du jeu et le jeu en lui-même ne sont pas fascinants, autant l’ambiance, les drapeaux et l’engagement valent la peine de se déplacer une fois dans sa vie pour voir ça !
Par ailleurs, la GAA est une association complètement amateur où il est strictement interdit de payer les joueurs et pourtant ce sont de sacrés athlètes. Les gens peuvent donc facilement s’identifier à leur équipe locale.

Hurling

Le Hurling est l’autre principal sport gaëlique. Il se joue avec une crosse et une petite balle extrêmement dure. Le terrain et les buts sont les mêmes que pour le football gaélique. C’est le sport sur gazon le plus rapide du monde, m’a-t-on dit, et c’est aussi un sport hyper dangereux car si un joueur prend la balle dans l’œil après un coup de crosse à 50-60 mètres (qui part très haut et redescend très vite), et bien il gagne un déguisement de pirate pour le reste de sa vie. Une balle de Hurling peut en effet facilement arracher un œil. Malheureusement, je n’ai pas encore eu l’occasion d’assister à un match de ce sport.

Écrit par Fabien Roch