Tombe la neige, tu ne viendras pas ce soir

Pas de Chris McSorley, pas de spectateurs, et, pendant deux tiers, pas de Genève-Servette, qui s’en sort avec un score flatteur et aurait même pu viser le hold-up.

L’avant-match avait débuté par une séquence émotion : à 19h32, toutes les lumières s’éteignaient. Il ne s’agissait pas d’une coupure d’électricité due au pénible remboursement de l’affaire de la caisse noire, mais bien de la cérémonie d’anniversaire de Geo « Bancomat » Mantegazza. Pour ses quatre-vingts ans de résistance à l’attraction du lac de Lugano sur sa voiture, le mécène eut l’honneur de recevoir des mains même de Paolo Rossi (le président du club, pas le footeux rital) un maaagnifique chandail tricoté main par les dames de l’ouvroir. Pour le remercier des services rendus au hockey suisse en débauchant tous les bons joueurs pour les laisser moisir en 12e ligne et finir péniblement leur carrière à Gottéron, on eût préféré qu’il prît une veste, mais il faudra encore attendre pour voir les Aigles s’imposer dans une patinoire dont on pouvait encore mieux qu’à l’habitude contempler les superbes sièges oranges, les spectateurs ayant déserté sous le fallacieux prétexte qu’il était tombé trois flocons sur le Tessin.
À ce sujet, et si vous me pardonnez la digression, on ne se lassera jamais de constater l’état de panique dans lequel notre beau pays est plongé à la moindre chute de neige. Bref, devant ces intempéries d’une violence rare par chez nous, l’aéroport d’Agno fut même fermé, ce qui eut l’effet collatéral de contraindre Chris McSorley à suivre la partie depuis les Vernets, laissant Louis Matte à la manœuvre. Et c’est comme ça que l’on retombe sur ses pattes. N’essayez pas cela à la maison. Journaliste, c’est tout un métier.
Bref, nul ne sait si la raison en était l’absence de leur coach-tyran préféré, mais les joueurs genevois n’avaient pas l’air plus motivés que ça durant les deux premiers tiers. Il se firent même passablement tourner autour, y compris par une troisième ligne comprenant un Dario Kostovic dont on avait peine à croire qu’il fût passé par Malley. On eut même droit à un powerplay à cinq contre cinq lors d’une rare apparition des quatrièmes couteaux blanc et noir. Pendant ce temps, David Aebischer passait une soirée pour le moins tranquille.
Dans ces conditions, les Grenat pouvaient s’estimer heureux de n’avoir encaissé qu’un but par tiers au chant de la deuxième sirène, par la grâce à la fois de la maladresse luganaise, d’un Gianluca Mona en grande forme, ainsi que du premier buzzer, qui eut le bon goût d’intervenir in extremis pour interrompre les desseins maléfiques de Thierry Paterlini. Il aurait même été indécent de regretter d’avoir renoué avec une antique tradition un peu perdue, celle des buts encaissés en supériorité numérique.
Et pourtant, des regrets, les Aigles allaient pouvoir en nourrir après s’être soudainement réveillés lors de la troisième période ‑ encore une vieille coutume. (Et on ira nous dire que Genève-Servette n’est pas une équipe de tradition.) Juraj Kolnik, parfaitement démarqué par une belle transversale de Serge Aubin, pouvait assez rapidement raccourcir les distances en inscrivant presque le même but que contre Fribourg. Mais les visiteurs allaient ensuite buter sur le dernier rempart adverse (oui, une de plus) et l’ex-fromage à trous du Colorado pouvait s’interposer sur une dernière occasion de Kolnik, préservant ainsi les trois points de son équipe ainsi que la morale. Car au-delà des considérations partisanes, les hommes de Slettvoll auraient légitimement pu se sentir floués par tout autre résultat.
Aucune excuse donc à invoquer pour les Genevois. Juste une défaite somme toute logique. Ils ne pourront même pas se plaindre de l’arbitrage. Non seulement parce que, comme on l’a vu précédemment, Chris McSorley n’était pas là. Mais surtout parce que ce brave Monsieur Popovic s’est montré pour le moins gentil avec eux. Notamment lorsqu’il infligea un surréaliste 2 + 10 à Timo Helbling pour une petite poussette comme on en voit des tonnes dans un match. D’accord, techniquement, c’est une charge dans le dos. Et selon le règlement, c’est minimum 2 +10. Et l’ex-prédateur de Nashville ne l’avait pas volé pour l’ensemble de son œuvre. Mais par rapport à la relative innocuité de la faute, et au regard de la mansuétude qui accompagne les courants attentats par derrière, on peut s’interroger sur l’existence d’une ligne de conduite dans l’arbitrage suisse. (Ou plutôt non, on ne s’interroge plus.)
Après cette non-performance, il appartient aux Grenat de redresser la barre dès mardi face à un EHC Biel désormais renforcé par le terrible Daniel Boss.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lugano – Genève-Servette 2-1 (1-0 1-0 0-1)

Resega, 3’114 spectateurs.
Buts : 16’44 A. Näser (H. Domenichelli, B. Murray / 5 contre 4 / S. Schilt, J.-P. Vigier ; J. Pohl) 1-0, 30’45 P. Thoresen (P. Nummelin, J. Pohl / 4 contre 5 / A. Hänni) 2-0, 42’53 J. Kolnik (S. Aubin, F. Conz / 5 contre 4 / J. Vauclair) 2-1.
Arbitres : K. Popovic ; R. Bürgi, S. Marti.
Lugano : D. Aebischer ; J. Vauclair (‑), A. Chiesa (+1) ; M. Nodari (‑), P. Nummelin (+1) ; A. Hänni (‑), T. Helbling (‑) ; M. Jörg (‑), P. Thoresen (+1), J. Pohl (+1) ; H. Domenichelli (‑), B. Murray (‑), A. Näser (‑) ; T. Vauclair (‑), T. Paterlini (‑), D. Kostovic (‑) ; K. Cantoni (‑), F. Conte (‑). Absents : R. Robitaille, R. Lemm, R. Sannitz, S. Hirschi, F. Conne (blessés) et K. Romy (suspendu).
Genève-Servette : G. Mona ; G. Bezina (-1), J. Mercier (‑) ; O. Keller (‑), J. Gobbi (‑) ; S. Schilt (‑), D. Vukovic (‑) ; F. Heynen (‑) ; J. Kolnik (-1), F. Conz (-1), J.-P. Vigier (‑) ; T. Deruns (‑), S. Aubin (-1), T. Salmelainen (-1) ; P. Savary (‑), M. Trachsler (‑), J. Cadieux (‑) ; R. Suri (‑), D. Rubin (‑). Absents : M. Hoehener, R. Breitbach, I. Fedulov, G. Augsburger, C. Rivera (blessés), B. Ritchie (raisons familiales), J. Gailland et T. Bezina (surnuméraires).
Pénalités : 7 x 2’ + 10’ (T. Helbling / poussette par derrière) contre Lugano, 6 x 2’ contre Genève-Servette.
Notes : Genève-Servette est dirigé par Louis Matte, Chris McSorley ayant vu son vol pour le Tessin être annulé. 3’25 J. Vauclair tire sur le poteau. 54’30 H. Domenichelli trouve l’extérieur du poteau. 58’35 Temps mort pour Genève-Servette. 59’00 G. Mona quitte sa cage jusqu’à la fin du match.

Écrit par Yves Grasset

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4 Commentaires

  1. Sacré Yves…Si on avait su, on l’aurait noyé dans la Sarine! Meuh non, j’aime bien ton humour mon grand (j’ai pas marqué…) Pis du moment que les gars de 12ème ligne de Lugano viendront nous aider à nous maintenir sur la barre, on les accueillera volontiers!, même en fin de carrière! Pour être plus complet on accepte même les servettiens et leurs journalistes en fin de carrière! Notre patron n’est pas St-Nicolas pour rien…

  2. Bon article qui met en évidence certaines caractéristiques piquantes/énervantes de Genève-Servette sans oublier nos amis les animaux à rayures…

  3. Je me demande si McSorley Chris a passé vingt minutes à passer un savon à Chris McSorley pour son absence assez délirante/comique de Lugano.

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