Tu nous la fais avec l’accent suisse ? (rires)

Vous pensiez que les rédacteurs de CartonRouge.ch s’étaient battus pour avoir la Suisse à présenter ? Et bien, oui. Mais le rédacteur en chef, qui fait la pluie et le beau temps (et parfois les deux ensemble si personne ne se dévoue et après ça fait des arcs-en-ciel…) a préféré faire appel à deux journalistes, rencontrés au Montreux Jazz Festival il y a deux ans. Rédacteurs pour une agence de presse française, Patrice Hervé et Jean-Marie Morin nous laissent leur point de vue sur notre pays, notre championnat et les forces et faiblesses de notre Nati, bien qu’ils ne comprennent pas qu’on affuble notre équipe nationale d’un nom aussi ridicule.

1) Pourquoi avons-nous choisi de passer votre pays à la loupe ?Jean-Marie Morin : Parce que la Suisse est tellement petite que l’on pourra peut-être y voir que quelque chose s’y passe (rires).
Patrice Hervé : En France, si on avait les moyens financiers de la Suisse, on pourrait remplir une bonne dizaine de stades de glace de 20’000 personnes. La Suisse, c’est petit, oui, mais il y a cette ambiance village que l’on retrouve à Zermatt, à Berne ou encore à Lausanne. On s’est dit que l’on pourrait s’éloigner un peu du sport professionnel, pour en revenir à quelque chose de plus sympathique à dimension humaine… Alors quand Marco nous a contacté, on s’est dit que ce serait l’occasion.

2) A quoi sert la Suisse ?
Jean-Marie Morin : Alors là…Bonne question. Pour nous Français, c’est difficile de répondre car il n’y a pas grand-chose que l’on peut faire en Suisse que l’on ne peut pas aussi faire en France. Il y a les montagnes, c’est vrai, mais la plus haute d’Europe, c’est le Mont-Blanc. On peut aussi y placer son argent ou vous refiler Johnny Hallyday, dans ce sens, c’est intéressant pour nous.
Patrice Hervé : Je dirai que la Suisse est bonne pour les nerfs. A Paris, c’est à devenir fou tellement il y a d’excitation. Ici, les gens prennent leur temps pour vivre et ne sont pas constamment dans le stress du travail. Ne dit-on pas d’ailleurs : «y’a pas le feu au lac» ? C’est vraiment agréable de s’asseoir à une terrasse et d’attendre une demi-heure avant d’être servi, même si les vins proposés ici ne sont pas d’une qualité comparable à celle des grands crus bordelais, voire même de la pisse de Beaujolais nouveau…

3) Comment joue-t-on au hockey dans ce pays ?
Patrice Hervé : Je dois constater que l’on y joue avant tout sous les ordres de coachs étrangers. C’est amusant d’avoir une ligue qui protège le nombre de joueurs suisses, ce qui est contraire à la libre circulation dictée par Bruxelles, et de ne pas réussir à engager des entraîneurs d’origine suisse. On y joue tant bien que mal, à ce que j’ai pu voir. Compte tenu que la Suisse ne respecte pas la libre circulation, elle pousse les équipes à aligner des joueurs qui ont un train de vie déplorable. Et on disait que la Suisse était un pays raciste et replié sur lui-même après certaines votations, mais force est de constater que quand il y a un Championnat du monde à l’horizon, y’a certains Canadiens qui sont bien vite naturalisés… Rien à voir avec notre équipe qui présentait par le passé des joueurs bien de chez nous tels que Ylönen, Pajonkowski ou enocre Woodburn.
Jean-Marie Morin : J’aimerais tout de même dire, Patrice, que parmi les étrangers qui viennent jouer en Suisse, il y a tout de même quelques joueurs très attractifs pour le calibre de leur nationale ligue A. De tête, je pourrais citer Philippe Bozon qui avait préféré jouer à Lugano, plutôt que de rejoindre les Boucs de Mégève. Quant à Cristobal Huet, il est aussi passé par ce club aux mains de la mafia suisse italienne. Si mes souvenirs sont bons, Laurent Meunier était aussi passé par le Servette avant de repartir en Russie, où le niveau est nettement plus élevé. Et que dire de mon bon ami Treille qui a bien vite compris qu’il devait quitter Genève pour s’épanouir. C’est d’ailleurs ça qui m’a fait découvrir que la Cité de Calvin n’était pas en France ! J’étais sûr que celle-ci faisait partie de la Haute-Savoie…

4) Pourquoi vont-ils gagner les Mondiaux ?
Patrice Hervé : Vous savez, dans le sport, il ne faut jamais sous estimer personne. Je crois que ce n’est pas un hasard si la majorité des fédérations sportives élisent leur domicile en Suisse. Ce n’est en tout cas pas pour la culture, vous m’excuserez ! Les Suisses ont des arrangements avec le sport et l’argent. Et s’ils veulent gagner leur championnat à domicile, moi je dis que c’est possible. Le président de l’IIHF est Suisse, il ne faut pas l’oublier. Et de toute façon nos amis helvètes ne pourront pas faire pire qu’à l’Eurofoot… Là c’est un Championnat du monde mineur, qui ne rassemble que les pays riches qui peuvent se payer des patinoires pour égayer un quotidien bien terne.

5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
Jean-Marie Morin : Ils n’alignent même pas leurs meilleurs éléments. Reto Phonak, le meilleur joueur suisse de tous les temps, est resté sourd aux appels du sélectionneur. Huet a montré qu’il était au moins 1000 fois supérieur à «Habits chers». Il paraît même que l’ancien gardien remplaçant de Lausanne – un certain Hileurre je crois – aurait eu sa place de numéro un dans votre équipe nationale s’il n’avait pas été retenu pour d’obscures raisons en Californie. Non franchement, certaines choses m’échappent…

6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
Patrice Hervé : J’ai entendu dire qu’ils avaient quelques joueurs dans OHL et la LHJMQ. C’est une bonne nouvelle pour le hockey suisse qu’il cesse de se prendre pour le meilleur du monde et qu’il accepte de regarder un peu ce qu’il se fait ailleurs. Peut-être que d’ici 10-15 ans, ils auront 5-6 bons éléments.
Jean-Marie Morin : Il y a quelques gardiens qui ont fait l’expérience de l’Amérique du Nord, mais ils sont revenus bien vite car les équipes qui avaient pris le risque de les engager, même si elles étaient dans les profondeurs du classement avant cela, se sont retrouvées avec des portiers qui étaient troués comme du gruyère… (rires gras)

7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
Jean-Marie Morin : Déjà que l’accent suisse, c’est cocasse, vous devriez entendre les joueurs suisses allemands s’exprimer. Que du bonheur ! Quand j’entends Thomas «Six glaires» à l’interview, je me dis qu’il pourrait au moins en cracher une ! (rires) Au départ je me demandais si vos mères n’avaient pas toutes forniqué avec des Flamands.
Patrice Hervé : Il pourrait gerber, comme le gardien ! (esclaffements) Mais si on touche Du Bois ça fait forcément un Plüss (re-esclaffements).

8) Une bonne raison de les supporter ?
Patrice Hervé : Avoir un compte en banque chez eux.
Jean-Marie Morin : Ah là mon cher Patrice, tu me coupes l’herbe sous le pied !

9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
Jean-Marie Morin : Il faut refuser le sport business. C’est injuste car c’est toujours les mêmes qui s’en mettent plein les poches. La Suisse est au centre de toutes ces transactions. Elle est une plaque tournante dans le trafic de personnes qui utilise comme adresse alibi un club de foot perdu dans les montagnes ; elle s’empresse d’accueillir tous les sportifs étrangers qui ont fait des millions. Et ils n’ont tellement pas de culture qu’ils nous ont volé Johnny ! (rires, mais un peu agacés).

10) Bon d’accord, mais sinon ?
Patrice Hervé : Le Canada, avec à sa tête Martin St-Louis, un joueur dont les ancêtres ont grandi en France, ne va laisser que peu de chances aux autres équipes. Il faudra aussi faire attention à l’Union soviétique et à la Tchécoslovaquie. Ces deux équipes possèdent un joli potentiel, et pas seulement au niveau des filles (rire gras).
Jean-Marie Morin : L’équipe de France aurait fait figure d’outsider, si tous ses meilleurs éléments n’étaient pas blessés. C’est aussi l’injustice de ces Championnats du monde. Si vos meilleurs joueurs sont en NHL, vous ne pouvez pas les aligner. C’est notre cas avec Cristobal.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Patrice Hervé et Jean-Marie Morin