«Of course we will win»

Cela fait désormais trois mois et trois semaines que nous nous entraînons dans le cadre de notre équipe de hockey sur glace expérimentale en Nouvelle-Zélande. Nous avons multiplié les pratiques pour essayer de nous mettre à niveau, pour essayer tout simplement de prendre quelque peu de plaisir sur la glace. Imaginez avec quelle joie nous avons abordé notre premier match face à une équipe de Canadiens expatriés «Down Under»…

La veille, nous avons décidé d’aller boire un coup toute l’équipe afin de parler de l’échéance imminente. Une ou deux «Speight’s» par-ci par-là et les langues se sont déliées. «Vous croyez vraiment qu’on a une chance demain?», a questionné Michael entre deux gorgées d’un breuvage auquel je ne m’y ferai définitivement jamais. Hormis mon compatriote Stéphane et moi-même, personne ne semblait conscient de la boucherie à laquelle nous allions faire face. «Of course we will win», a emboîté son frère en commandant une nouvelle tournée. Autant ne pas les décourager, je me suis contenté de sourire… Les pauvres, s’ils savaient.

Gardien absent

Naïfs comme des moutons se rendant à l’abattoir, mes coéquipiers ont donc décidé de rentrer tôt de notre sortie afin de «mettre toutes les chances de notre côté». Un peu comme si Roger Federer buvait de l’Isostar au lieu de l’eau durant la finale de Roland Garros face à Rafael Nadal… Ca part d’une bonne intention, mais ça ne changera rien à l’issue du match. Sans les décourager, je leur souhaite une bonne nuit et avec Stéph’, nous parlons encore un quart d’heure et fixons les objectifs pour cette confrontation. Objectif 1: marquer au moins un but. Objectif 2 : en prendre moins de 20. Nous sommes clairement conscients de placer la barre très haut.
 
Le jour du match, tout le monde s’est pointé relativement tôt à la piste de glace. La rencontre était agendée à 19h00, il ne manquait plus que Mike, notre gardien. A peine mentionnons-nous son absence qu’il m’écrit un texto. «Problème au travail, ne comptez pas sur moi.» Comme un seul homme, le vestiaire a résonné. «F#@%». Va falloir trouver une solution… Après avoir retourné le problème dans tous les sens, une solution s’impose : jouer avec une poubelle devant le filet. N’étant pas en nombre suffisant, nous ne pouvons pas nous permettre de désigner une victime «volontaire» pour reprendre le poste au pied-levé.
 
Malgré ce sale coup, le stress prend doucement le pas sur l’excitation de la veille au soir. Les «grandes gueules» que sont Michael et son frangin Paul se font de plus en plus discrets à mesure que le premier engagement approche. Malgré le caractère ludique et amical de cette rencontre, l’importance du résultat pour certains joueurs m’a surpris en bien. Ce sont des gagneurs et dans une équipe, ce genre de personnalité est tout de même appréciable.

«Gagner le respect»

 Comme les infrastructures ne sont pas dignes de Graben ou autre lieu mythique, les deux équipes se changent dans le même vestiaire. A une heure du début du match, les «Canucks» débarquent et Paul a sans doute regretté d’avoir été aussi convaincu d’une victoire la veille devant une pinte de «Speight’s». Sans un mot, il me lance un regard empli de détresse. S’ils ne sont pas forcément imposants physiquement, ils ont des sacs de marque et des équipements un peu moins disparates que nous. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous…
 
Après un échauffement réduit à sa portion congrue, retour sur le banc pour la théorie d’avant-match. Mon discours était prêt depuis un bout de temps. «Bon les gars, je ne vais pas passer par quatre chemins. On va se prendre une branlée. C’est pas ça le plus important. Je veux avant tout qu’on ait du plaisir à jouer ensemble et que chacun soit fier de ce qu’il a proposé sur la glace aujourd’hui.» Mon compère Stéphane continue sur le même ton solennel : «Je ne vous demande pas de gagner le match. Je vous demande simplement de gagner le respect de ces Canadiens qui ont le hockey sur glace dans le sang. Vous, vous avez le rugby dans le sang et j’espère bien voir onze guerriers sur cette glace. Onze guerriers capables de se faire mal pour leurs coéquipiers. Allez les gars, faites vous plaisir.»
 
To be continued…

Écrit par Paul Fournier

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