Langnau : un ESSO S(CLT) ?*

Que faire d’autre que de se gausser des problèmes financiers de ces cloches d’Emmentalois ? Et si, pour une fois, une bonne faillite pouvait aussi concerner un club d’outre-Sarine ? Et si, finalement, cette incapacité à bien gérer une entité sportive n’était pas une particularité culturelle, encouragée par une «tête» française, de nous Romands ? Même pas besoin d’avoir de la compassion pour ces gens. Non, c’est bien fait, eux aussi ça leur arrive. «Ça redonne de l’équilibre…», diront ceux qui ont l’impression d’en avoir beaucoup bavé ces dernières années.

Il y a bien de quoi s’amuser de ces peu éclairés gestionnaires que l’on imagine si volontiers coincés entre deux meules du notoire fromage à trous découvrir le concept de «marketing». On peut aussi penser à la lenteur pachydermique pour la moindre décision d’ordre pratique qui doit être la leur. Et on imagine quelle bonne affaire ce fut de transformer l’une de ces trop nombreuses fermes en patinoire, étant donné que toutes celles qui étaient exploitables en Gasthaus l’étaient déjà (peu importe qu’il s’agisse du Rössli ou du Löwen, les deux noms possibles). Il est aussi indéniable que d’écouter Gölä est déjà une marque de progressisme et d’ouverture pour ceux qui se risquent à s’imaginer un futur, quelque part entre Burgdorf et Emmenbrücke. Alors jubilons ! Peu importe les résultats sportifs, l’ennemi (les bourbines, quoi), du moins son symbole le plus tigré a mis un genou à terre ! Il ne manque plus qu’à l’achever d’une bonne lampée de mépris et regretter à petite dose l’immense certitude statistique qu’était la position par rapport à la barre de Langnau à la fin de la saison régulière.


Noyée dans la Emme c’te chiotte ouais…

Mais voilà. Les bougres n’ont peut-être pas notre savoir-faire en «baissage de bras». Et pour croire sur parole quelque margoulin venu de là où se lève ou se couche le soleil, il faut déjà croire au retour de quelque chose et peut-être un peu au Messie. Or les choses sont différentes dans cette région qui s’est laissée avoir par les vices de la civilisation un peu plus tard que l’arc lémanique. Ce qui arrive à nos chers pensionnaires de l’Ilfis n’est rien d’autre qu’une mauvaise récolte. Une tradition dans le coin, si l’on sait qu’au 19e siècle déjà, une bonne partie de la population – dont mes ancêtres – était condamnée à l’exil, sous peine de crever de faim.
Alors, devant une situation qui est inscrite dans le cycle des moissons, les Emmentalois s’organisent, mettent leurs notables en avant pour qu’ils fassent jouer de leurs relations à l’extérieur, dans le reste du canton. Les saisonniers ont vu leurs contrats renégociés. Et surprise ! La grande majorité a accepté une substantielle baisse, allant de 10 à 15%. Une belle expérience psychosociale qui, si elle était pratiquée par pur goût de l’hypothétique dans certains clubs – notamment Berne et Gottéron pour ses dernières recrues – laisserait entrevoir la motivation réelle de certains joueurs dont le rendement et l’attitude ne sont certainement pas chiffrables d’un point de vue monétaire, tant ils sont loin de la réalité.
Seuls trois joueurs ont mis les voiles. Mais à y voir de plus près, quoi de plus normal ? Jeff Toms a pensé à son confort de vie et Genève lui offrira une excellente proximité des HUG, son futur QG. Daniel Steiner qui entend déloger Rick Nash ou bien apprendre la notion de courage à Derek Brassard à Colombus devrait lui aussi se retrouver chez les Aigles si les Blue Jackets entendent participer deux années de suite aux séries. Joli coup de Chris McSorley qui met en valeur ses sponsors (les Services Industriels) en ayant recours à des méthodes d’éboueurs. Quant à Kobach, difficile de tout mettre dans le camion.

Déjà des soucis pour le genou de Jeff Toms (à droite)

Et il n’est pas question pour les gens proches du club, ni pour les politiciens de trouver le moment opportun pour déclarer que les liquidités restreintes de Langnau mettent à mal le rapport de confiance entre les parties prenantes. Non, la municipalité allonge un crédit de 800’000 francs et les entrepreneurs du cru se mobilisent pour que le club dispose d’un troisième étranger en la personne de Brendan Brooks : un spécialiste des situations spéciales et d’un quatrième nommé Naumenko, que l’on ne présente plus. Nulle part, on n’entend parler d’un riche Canadien qui verrait Langnau comme une affaire juteuse, compte tenu du bassin de population et du taux de saturation très bas. Non, il existe encore cette solidarité paysanne et cette bonhomie qui rappelle que le hockey, en Suisse, vient des vallées, d’en haut, et que son âme y sera toujours un peu (RIP HC Caux).
En matches de préparation, Langnau ne s’est pas laissé démonter. Son gardien alignant les prouesses pour laisser des scores vierges ou quasi lors de la Coupe de l’Industrie. Sera-t-il possible de tenir toute la saison à ce rythme ? Certainement pas. Mais au moins, les joueurs qui sont sur la glace savent qu’ils y sont pour l’amour du jeu et n’ont pas à se demander quelle pièce ils pourront ajouter à leur collection de trucs inutiles une fois qu’ils auront perdu pour de bon le match en cours.

Langnau en queue de classement ? Il y en a plusieurs que cela excite…

Amis du hockey sur glace, tout cela peut vous sembler bien moralisateur. Si c’est le cas, évitez de parler d’injustice au sujet du travail des arbitres, ni de partenariats pervers entre différents clubs, car on se trouve dans le même créneau. En sport, puisque c’est censé être le meilleur qui gagne, laissons la saison décider. Et ne voyons pas la dérive des Tigres comme du baume sur notre cœur. Un club qui part en banqueroute, c’est une bonne affaire pour personne. Son remplaçant devra toujours justifier sa place et il pourrait ne pas bénéficier de l’enrichissement immense pour l’esprit d’une équipe que procure une promotion à la régulière.
* Merci à la maison Esso, comme convenu oralement, de régler l’ardoise des Emmentalois et nos honoraires. Nous tenons encore à manifester notre reconnaissance pour l’engagement de Esso pour les tigres quels qu’ils soient, grâce à son programme en collaboration avec la National Fish and Wildlife Foundation portant le nom de «Save The Tiger Fund !». Plus d’infos : http://www.savethetigerfund.org

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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5 Commentaires

  1. Par contre, les commentaires genevo-valdo-centristes, même s’il s’agit de 2e degré (dur à déceler), sont à gerber.

    Eh Mouammar, tu veux pas donner VD et GE à la France, qu’on rigole un peu?

  2. (Je parlais de tout ce qui sonne anti-alémanique.)
    Ayant un pied de chaque côté de la Sarine, j’ai tendance à fulminer violemment à chaque fois que je lis ou entends de telles inepties. Mais je sais que la majorité des Prix Nobel habitués à ce site pensent exactement comme JBCL. Et sincèrement.

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