Un Suisse – Brésil sans passion

Je n’avais plus eu l’occasion de revoir notre équipe nationale depuis une soirée magique du mois de juin à Hanovre contre la Corée, dans un stade transformé en disco-karaoké géant. L’ambiance était bien différente mercredi soir au Parc Saint-Jacques bâlois.

Une affluence respectable (la plus forte pour un match de la Nati sur sol helvétique depuis Suisse – Ecosse en 1991 dans l’ancien Wankdorf), trente-cinq mille drapeaux rouges à croix blanche distribués par les sponsors et quelques timides Hopp Schwiiiz ne suffiront pas à entretenir l’illusion. Ce match amical, situé à la fin d’une année chargée, n’a pas déchaîné les passions. On était très loin de cette incroyable ferveur populaire qui a accompagné notre équipe nationale lors des matches qualificatifs contre la France ou la Turquie, sur les pelouses allemandes ou même dans l’enfer du stade Sükrü Saraçoglu (on ne nous avait pas beaucoup entendu mais je vous garantis que l’on avait chanté durant tout le match). Le désenchantement est tout aussi patent du côté des supporters brésiliens. L’heure n’est plus, comme cela était le cas lors des entraînements publics contre Lucerne ou la Nouvelle-Zélande au printemps dernier, aux murmures d’admiration béats et aux tonnerres d’applaudissement à chaque passe réussie par un joueur de la Seleçao.


Photo © Fabien Fontecave

Le match ne contribuera pas à raviver les passions. La Suisse n’a pourtant pas démérité mais elle s’est vite trouvée confrontée à ses limites actuelles. Il est difficile de trouver le rythme et de bousculer un adversaire aussi prestigieux que le Brésil, fût-il diminué, lorsque six des onze joueurs alignés d’entrée sont régulièrement remplaçants ou non convoqués avec leur club. La situation aurait d’ailleurs été problématique si la Nati avait dû jouer un vrai match de qualification. En conséquence, la Suisse s’est montrée, durant plus d’une heure, trop timorée, trop sage, dépourvue de ce petit grain de folie et d’insouciance qui l’animait encore cet été. Il a fallu attendre la réduction du score sur une erreur défensive adverse pour qu’enfin Frei et consorts mettent sous pression une arrière garde adverse qui n’était de loin pas infranchissable, privée de ses cinq meilleurs éléments défensifs axiaux (Cris, Lucio, Emerson, Gilberto Silva et Edmilson). La poussée finale helvétique aurait d’ailleurs mérité meilleur sort, notamment sur la reprise de Barnetta détournée par Helton (74e). Même si auparavant le Brésil a galvaudé quelques belles occasions d’inscrire le 0-3.
Il est difficile de reprocher quelque chose à Zuberbühler sur l’ouverture du score car le corner de l’excellent Elano était remarquablement tiré, l’erreur devant plutôt être imputée au «marquage» défectueux de Streller sur Luisao. En revanche, le deuxième but se passe de tout commentaire. On ne va pas accabler ici le troisième gardien de West Bromwich Albion, la presse de boulevard alémanique va assez s’en charger. On se bornera à constater que ceux qui pensaient que le problème de gardien était résolu après les quatre blanchissages de la Coupe du Monde doivent déchanter. A trente-cinq ans, Zubi ne changera plus : avec lui, il faudra toujours s’attendre à une fantaisie à un moment ou à un autre. Il ne reste plus qu’à souhaiter que ces bourdes surviennent lors de matches amicaux ou de matches faciles (du style Chypre) plutôt que dans une rencontre décisive. En l’état actuel des choses, les performances peu convaincantes de ses concurrents (Benaglio, Coltorti, voire Vailati ou Leoni) permettent à Zubi de conserver sa place de N°1. Toutefois, si le colosse thurgovien devait être durablement écarté des terrains avec son club, la donne pourrait changer.


Photo © Fabien Fontecave

Köbi Kuhn trouvera quelques motifs de satisfaction dans cette rencontre. Malgré sa passe en retrait hasardeuse de la 35e, Vonlanthen a réussi sa rentrée en équipe nationale. Sa titularisation sur le flanc droit a donnée à la Suisse une force de percussion sur les côtés, avec la bonne prestation de Barnetta à gauche, qui lui fait défaut depuis qu’Arthur Jorge a écarté Alain Sutter de la Nati. La paire Senderos-Djourou, malgré sa situation précaire à Arsenal, n’a que rarement été mise en difficulté dans le jeu. La première sélection de Lichtsteiner a également été convaincante. Même si l’on ne comprend pas la logique qui consiste à sélectionner 27 joueurs pour un match amical et finir par en titulariser un 28ème. L’affirmation du latéral droit lillois permet ainsi à Köbi Kuhn de disposer de deux voire trois solutions pour chaque poste de sa défense (Magnin et Spycher à gauche ; Müller, Djourou, Senderos, Grichting, Von Bergen dans l’axe ; Degen, Behrami et Lichtsteiner à droite). La relative abondance de biens en défense contraste avec la pauvreté des solutions offensives. Bien que menée au score, la Suisse a dû remplacer deux attaquants par des milieux de terrain, faute de disposer d’un avant de pointe sur le banc. Streller a une nouvelle fois été un poids mort pour son équipe. Pourquoi ses coéquipiers s’obstinent-ils à lui adresser des balles aériennes alors qu’il perd tous ses duels de la tête ?
La Suisse est donc passée à côté de l’exploit face à un Brésil qui n’aura guère séduit. A l’image de son entraîneur Dunga, la sélection auriverde était plus besogneuse que talentueuse. On regrettera que le capitaine des champions du monde 1994 n’ait pas laissé plus de temps de jeu à ses artistes Ronaldinho, Diego ou Daniel Carvalho. A l’arrivée, ce Suisse – Brésil a surtout fait le bonheur des caissiers des deux fédérations qui se sont partagés, quoiqu’en dise l’ASF, le coquet bénéfice de la vente des places à un prix exorbitant.


Photo © Fabien Fontecave

Le Parc Saint-Jacques se présentait pour la première fois dans sa configuration du match d’ouverture de l’Euro 2008. Comme on pouvait s’y attendre, le test a été raté, l’organisation des matches à Bâle laissant comme d’habitude à désirer. Gabegie sur les routes, normes de sécurité tatillonnes et inefficaces, nombre d’entrées insuffisant et autres problèmes ont fait que, pour un match amical à Bâle, on a davantage attendu que pour l’ensemble des cinq parties de Coupe du Monde auxquelles on a assisté. La logique consistant à faire des économies sur le personnel aux entrées du stade tout en envoyant huitante six (on a compté !) Securitas sur le terrain à la mi-temps pour remettre les mottes nous échappe quelque peu. Si la Suisse veut réussir son Euro, le chemin à parcourir est encore long. Sur le terrain, dans les tribunes et dans les coulisses.

Suisse – Brésil 1-2 (0-2)

Parc Saint-Jacques : 39 000 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Merk.
Buts : 22e Luisao (0-1), 35e Kakà (0-2), 70e Maicon (autogoal, 1-2).
Suisse : Zuberbühler ; Lichtsteiner (85e Inler), Djourou (66e Müller), Senderos, Magnin ; Vonlanthen (79e D. Degen), Cabanas (73e Yakin), Vogel (46e Dzemaili), Barnetta ; Streller (46e Margairaz), Frei.
Brésil : Helton ; Maicon, Luisao, Juan, Adriano ; Elano (89e Diego), Fernando (62e Tinga), Dudu (91e Daniel Carvalho), Kaka ; Robinho (62e Ronaldinho), Rafael Sobis (70e Ricardo Oliveira).

Écrit par Julien Mouquin

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