Lettre ouverte à Marat Safin

Chaque mois, retrouvez une lettre ouverte rédigée à l’attention d’une personnalité du monde du sport. C’est aujourd’hui Marat Safin, joueur de tennis professionnel pour quelques semaines encore, qui est à l’honneur !

Cher Marat,

Il y a quelques mois, tu as annoncé au grand public que cette saison 2009 serait ta dernière en tant que tennisman professionnel. A 29 ans seulement, tu as donc décidé de t’octroyer une retraite anticipée – si tu me passes l’expression – durant laquelle tu auras tout loisir de profiter de la vie en bon épicurien que tu es. Au diable les réveils matinaux du coach, les entraînements interminables en plein été, les longs voyages en avion et les «désolé les gars, continuez la fête sans moi, j’ai match demain» : le monde t’appartient maintenant ! Une sensation qui te rappellera sans doute la fois où tu as quitté ta première copine, ou lorsque ton banquier t’a appelé pour te demander comment tu désirais gérer ton premier million : la liberté à l’état pur, la quiétude réincarnée, le paradis sur terre. Depuis le temps que ton pote Marc Rosset te vante les vertus de la «vie de rêve» version Scarface, tu vas enfin pouvoir y entrer de plain-pied ! Ce n’est pas sans une certaine jalousie que je t’écris ces quelques lignes, Marat, je te le concède… De belles soirées t’attendent.

Seulement voilà : si le monde de la nuit te tend les bras, celui du tennis, lui, va devenir orphelin de l’un des ambassadeurs les plus géniaux qu’il n’ait jamais connus. Je ne m’éterniserai pas ici sur ton exceptionnel palmarès et ton incroyable talent, dont on connaît tous la nature… J’insisterai plutôt sur cet aura magique que tu dégageais, Marat, sur et en dehors du terrain, celui-là même qui va tant nous manquer ; ce charisme qui n’était pas sans rappeler celui de McEnroe, cette attitude à la fois nonchalante et impressionnante, ces coups de gueule spontanés qui faisaient de toi un joueur d’exception, apprécié et respecté tant par tes pairs que tes supporters. Il faudra désormais se contenter de la nouvelle vague de showmen, menée par Monfils, Tsonga et autre Djokovic : c’est dire si tu laisses un gouffre derrière toi, Marat. Le tennis spectaculaire va perdre un de ses joyaux : cela devait être dit !
Maintenant, ne va pas croire que le but de cette lettre est de te porter aux nues ; les journalistes de tout poil s’en chargeront largement. Car outre les éloges précités, je t’en veux, Marat ! Je t’en veux de ne pas avoir réalisé la carrière que ton talent promettait, de ne pas t’être impliqué à la hauteur de ton potentiel, de ne pas avoir fait davantage honneur au sport que tu défendais au détriment de ta petite personne. Car en douze ans de professionnalisme, tu en conviendras, ta préférence a toujours été de «profiter de la vie» plutôt que de faire les sacrifices nécessaires qui auraient pu te propulser au rang de légende du tennis. Comme toi, je considère qu’un sportif de haut niveau aurait tort de se priver d’un certain luxe de vie, somme toute parfaitement mérité ; mais il est, je pense, quelques exceptions dans le monde du sport dont le talent inné est d’une telle ampleur qu’il leur incombe des responsabilités qui vont au-delà de la satisfaction personnelle. Tu fais partie, à mon humble avis, des dix joueurs les plus doués de la dernière génération ; comment m’expliques-tu, dès lors, que ton palmarès n’égale pas celui d’Andre Agassi ? Tout simplement parce que tu as préféré écumer les boîtes de nuit des quatre coins du globe plutôt que d’étayer ton tennis, en t’offrant pour chaque ace claqué la veille une péripatéticienne bien méritée. Quel égoïsme !

Ainsi donc, seuls ceux qui auront eu la chance de te voir à l’œuvre se souviendront de toi, Marat. Tu as mené une vie pleine – et tu vas continuer dans cette voie –, soit ! Mais jamais ton nom n’atteindra la postérité, pas même par l’intermédiaire de ton arrogante petite sœur. Dans quelques dizaines d’années, personne ne se souviendra que tu étais numéro un mondial à seulement vingt ans, que tu as gagné deux Coupe Davis, deux tournois du Grand Chelem (tout en étant demi-finaliste des deux autres), que tu as battu Roger Federer à Melbourne, ou encore que tu as brisé presque autant de raquettes durant ta carrière que Stéphane Bohli ne compte de points à l’ATP. Sois-en bien conscient, Marat, même entre deux gorgées de vodka.
C’est donc de la sorte que tu vas nous quitter, espèce de lâche. Nos regrets sont d’autant plus vifs que tu as maintes fois démontré, notamment l’an passé à Wimbledon ou même l’autre jour à Moscou, que ton tennis est toujours bien vivant, et que tu restes prêt à croiser le fer avec le premier imprudent qui oserait se mettre au travers de ta route. Je reste par ailleurs persuadé que ton envie de jouer est toujours là, contrairement à d’autres dont l’amour pour le jeu s’est éteint depuis longtemps déjà (comme Marcos Baghdatis ou Richard Gasquet, que tu as battu cette semaine à Saint-Pétersbourg)… Mais que faire ? Tu as fait ton choix, que nous ne pouvons désormais que respecter – bien que nous le regrettons. Une chose est sûre, Marat : putain, tu vas nous manquer !
Avec toute mon admiration,
Raphi Stollé

Écrit par Raphi Stollé

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11 Commentaires

  1. Et comme dit mon ami Krebs (le cycle, pas Pascal): quand t’as trop fumarate, après, t’es malate.

    bon vent Marat et à bientôt au détour d’une bouteille !

  2. Certes la lettre est bien écrite, reste cependant quelques passages dont je ne suis pas d’accord!
    Comment oses tu attaquer sa sœur de la sorte ! Elle n’a rien a voir avec sa retraite donc ce que tu penses d’elle tu te le garde. Tu y vas beaucoup trop fort, dans 10 ans personne n’aura oublié qui est Marat. Si tu es amatrice de tennis et que tu regardes souvent les matchs tu t’apercevrais qu’au moins une fois par match les commentateurs évoquent le nom de Marat.

  3. Bravo pour cette lettre…vraiment ça m’a donné les frissons tellement j’aime ce joueur! C’est, il me semble, la dernière figure « authentique non lisse » du monde du tennis. Putain, il va nous manquer!

  4. C’est marrant, mais je croyais qu’il avait arreté sa carrière depuis environ 5 ans – c’est dire s’il va me manquer.

    Et puis si le but est d’encenser Safin, écrire qu’il passe sa vie à se payer des prostituées, c’est super classe (m’est d’avis que le brave Marat n’a pas besoin de payer…) … à moins que ce soit le top du top de la vie merveilleuse selon les critères de carton rouge de se bourrer la gueule et de se payer des putes…

    Et puis les piques à deux balles sur les blacks français, Djoko et compagnie c’est d’un convenu sur ce site… [baillement].

    Faut vous renouveler les gars.

  5. Voilà, ça y est… Ou « This is It » comme disait l’autre.
    Et c’est dommage, il lui restait sûrement un ou deux bons coups à réaliser dans sa carrière, vu ce qu’il a montré contre La Poutre.

    C’est le premier champion que j’aurais vu naître (contre Agassi, Roland 1998) et mourir.

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