Robert Enke, le suicide qui a choqué l’Allemagne et l’Europe

Il y a quelque temps, on a pu lire dans les journaux que Robert Enke n’est plus. Au sein du Matin, la dépêche ne faisait que quatre lignes. Mais en Allemagne, l’événement est dans tous les journaux et sur les grandes chaînes de télévision. On pourrait se dire que c’est simplement la mort d’un footballeur. Mais le mal est bien plus profond dans le pays où le football est roi.

A chaque époque le mythe du joueur de foot allemand a existé. Dans les années 50, on admirait l’ancien prisonnier de guerre : Fritz Walter ou par exemple Franz Beckenbauer qui a eu joué un match avec un bras cassé. Personne ne devait être faible et cette façon de penser est restée présente jusqu’à aujourd’hui…Alors que le football actuel se modernise grâce aux nouvelles technologies, nouveaux stades et autres nouvelles méthodes de fitness, les mœurs ont peu changé et un footballeur homosexuel est toujours pas accepté au sein d’une grande équipe. Les maladies mentales sont toujours un sujet tabou. Les journaux deviennent de plus en plus «tabloïd» (Blick, Le Matin, Bild, The Sun, etc.) en respectant de moins en moins les joueurs ou leur vie privée.

Mais pour en revenir à Enke, qui était-il ? Né en Allemagne de l’Est le 24 août 1977 à Jena, il commença sa carrière dans sa ville natale et a fait les sélections juniors avec Ballack. Très vite et très jeune, il fait ses premiers matchs en 2. Bundesliga avec Carl Zeiss Jena pour ensuite partir à Mönchengladbach et malgré de bonnes performances de sa part, Gladbach descend et Enke part pour le Benfica Lisbonne. Il vit de très belles années avec comme coach Heynckes (actuel Bayer Leverkusen). Il devient même capitaine avant de partir au Barça en 2002. Il ne réussit pas à s’imposer et c’est à partir de là qu’auraient commencé ses dépressions. Il n’a pas tenu le choc et malgré son talent incontestable, Enke ne fera qu’une dizaine de matchs officiels avec le Barça avant de partir à Fenerbahce. Il rate son premier match et se fait insulter, grossièrement. Alors il rompt son contrat et six mois plus tard va jouer à CD Tenerifa en deuxième division espagnole sous Ewald Lienen qui l’a aussi entraîné dès son retour en Allemagne, en 2004, où il revient à Hanovre pour devenir gardien titulaire. Au fil des années il s’impose comme capitaine et en 2007, il disputera son premier match avec la Mannschaft. Il se rendra aussi à l’Euro 2008 en tant que doublure de Lehmann. Enke devait, normalement, rejoindre le Bayern à la fin de la saison actuelle.
Enke a perdu sa fille en 2006 suite à des problèmes cardiaques qu’elle avait dès sa naissance. Elle avait deux ans. Ensuite, l’année dernière, il adopte une petite fille et ça a l’air de mieux aller. Voilà la personne que l’on connaissait. Il était de la génération des gardiens allemands qui aimaient le football et ne faisaient pas toutes ces histoires comme le font les Adler, Wiese ou Hildebrand. Il a toujours été correct et humble. Ce sont ce genre de joueurs que l’on aime. C’était un joueur discret très apprécié dans toute l’Allemagne.
Un étrange virus l’a empêché de disputer la rencontre décisive, en qualifications de la Coupe du Monde, contre la Russie. On se posait déjà la question s’il avait déjà perdu sa place de titulaire au sein de la Mannschaft.
Le 10 novembre 2009 vers 22h, la tragique nouvelle m’a atteint. D’abord je cherche les sources et ensuite je tombe sur cette dépêche intéressante de Martin Kind (président de Hannover 96) : «Nous sommes tous très triste d’apprendre la nouvelle de sa mort et je peux vous dire que cela n’a rien avoir avec le football.» Première déclaration qui a été corrigée ensuite. Mais comment cela se fait-il que son club déclare cela dans un premier temps ?  Tout simplement scandaleux !

Par la suite, des milliers de personnes ont souhaité laisser leurs messages ou simplement montrer le soutien à son club et sa famille. Ce drame a véritablement choqué l’opinion publique et les larmes de Bierhoff ont fait le tour du monde. La conférence de presse qui m’a le plus touché est celle de sa femme qui a osé affronter la vérité et a également essayé de faire comprendre que ce ne sont que des joueurs et que ces joueurs ont le droit d’avoir des problèmes. Après des obsèques télévisées (qui font penser à celles des hommes d’Etat), on continue à se poser la question en Allemagne qui restera sans réponse…
Après avoir vu ce week-end les larmes du  «nouveau» capitaine de Hanovre 96 (Arnold Bruggink) lors de l’interview d’après-match, je me dis que vraiment il y a des choses plus importantes qu’une main non sifflée pour une qualification de Coupe du Monde et que malgré tout le mal et toutes les tricheries des joueurs qui mènent à des défaites ou victoires. Ce ne sont en fin de compte que des défaites ou victoires alors que Robert Enke, lui, n’aura pas de match retour…

Écrit par Philip Borns

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