La forteresse imprenable

Le Westfalenstadion est en passe de redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : une forteresse imprenable. En remportant un match au sommet de haute tenue contre Hambourg, le Borussia Dortmund aligne une sixième partie consécutive à domicile sans prendre de but et confirme son retour au premier plan.

Dortmund – Hambourg, c’est l’un des grands classiques de la Bundesliga entre les deux seuls clubs allemands à avoir été sacrés champion d’Europe (laissons la Bavière aux Bavarois). Dortmund – Hambourg, ce sont aussi deux clubs qui tentent de renouer avec leur glorieux passé : le BVB n’a plus terminé dans les cinq premiers de championnat depuis la saison 2002-2003, alors que le HSV, s’il joue régulièrement les premiers rôles, n’a plus rien gagné, en dehors d’une insignifiante Coupe de la Ligue en 2003, depuis une Coupe d’Allemagne en 1987 et un titre en 1983, l’année du sacre en Coupe des Champions. Dortmund – Hambourg c’est aussi le duel entre les deux formations qui se disputent le titre d’équipe la plus malchanceuse de la ligue, avec, de part et d’autre, une kyrielle de blessés depuis le début de la saison. Malgré cela, les deux clubs alignent des statistiques impressionnantes en championnat : avant le coup d’envoi, le BVB reste sur 11 matchs sans défaite, 5 victoires consécutives et 5 rencontres à domicile sans encaisser le moindre but. De son côté, Hambourg était toujours invaincu en déplacement cette saison en Bundesliga.

La revanche

C’est donc un vrai choc au sommet qui s’est joué dans l’ambiance extraordinaire du Westfalenstadion. Et puis, Dortmund – Hambourg, il y avait aussi de la revanche dans l’air puisque l’an dernier les Rothosen avaient piqué la dernière place en Europe League au BVB sur un but entaché d’un hors-jeu flagrant à l’ultime seconde du championnat, avant d’infliger un sec 4-1 au Borussia au début de la présente saison. D’ailleurs, cela part très fort avec une grosse occasion manquée par Barrios après 90 secondes de jeu. Toutefois, la maîtrise est plutôt hambourgeoise dans le premier quart d’heure, sans grand danger, sinon un coup franc juste à côté de Trochowski (9e). Les attaques des Rothosen donnent l’occasion au peuple jaune et noir de signifier son courroux à Mladen Petric, qui revenait pour la 1ère fois au Westfalenstadion depuis son transfert à Hambourg. Dans la Ruhr, on n’a guère apprécié que celui qui n’ira pas à la Coupe Monde parce qu’il s’est trompé de pays joue les lâcheurs quelques jours à peine après avoir assuré qu’il resterait au BVB. On précisera tout de même qu’il n’était pas le seul coupable dans l’affaire, l’entraîneur dortmundois Jürgen Klopp et le manager Hans-Joachim Watzke avaient pensé faire une bonne affaire en récupérant Zidan et quelques millions en échange.

Nelson Valdez est magique !

Poussé par la ferveur des chants venus du mur jaune, le BVB va rapidement prendre le contrôle du jeu et, à partir du quart d’heure, il n’y aura plus guère qu’une équipe sur le terrain. Dépassés, les Rothosen multiplient les fautes et le défenseur Joris Mathijsen écope d’un carton jaune qu’on qualifiera de collectif suite à une succession d’interventions hambourgeoises illicites. Après un tir à côté du remarquable Sven Bender et un penalty refusé pour un accrochage de Trochowksi sur Schmelzer, la délivrance va venir de là où on l’attendait le moins. J’étais en train d’expliquer à l’un de mes compagnons de route du week-end que Nelson Valdez ne devait sa titularisation qu’aux nombreuses blessures, que le fait d’avoir prolongé son contrat était une grossière erreur et qu’il constituait incontestablement le point faible de l’équipe lorsque Dennis Aogo nous a gratifié d’une exécrable relance dans l’axe. Du genre à faire hurler tout entraîneur de juniors qui se respecte. Le ballon revient sur le «maillon faible» Nelson Valdez qui arme une frappe magnifique dans le petit filet. Le temple jaune et noir pouvait exploser et l’ambiance monter encore d’un cran, si c’était possible.

Marc Ziegler, l’autre héros du jour

Cette ouverture du score n’a pas altéré la domination dortmundoise. Le BVB aurait pu tuer le match sur un dribble d’anthologie de Lucas Barrios au détriment du décevant Rozehnal mais La Pantera s’est heurtée au gardien Frank Rost, tout comme Kuba quelques minutes plus tard. Néanmoins, Dortmund a passablement reculé et les vingt dernières minutes ont été plutôt à l’avantage du HSV, dynamisé par l’entrée en jeu du génial Eljero Elia, dont on ne peut que se féliciter qu’une légère blessure l’ait empêché de commencer le match. Hambourg a toutefois pu se rendre compte de la difficulté de revenir au score au Westfalenstadion avec 11 guerriers sur le terrain et 75’000 dans les tribunes qui défendent leur avantage comme si leur vie en dépendait. Les Rothosen passent toutefois tout près d’une égalisation qui, sur l’ensemble de la rencontre, n’eût pas été méritée sur une percée de Torun annihilée par la sortie du gardien Marc Ziegler, sur une tête du traître Petric juste au-dessus et surtout sur une reprise à bout portant du Suédois Marcus Berg, miraculeusement sortie par Ziegler. Pour sa première titularisation de la saison, le portier remplaçant du BVB a rendu une copie sans faute et peut ainsi porter le record d’invincibilité du Borussia à domicile à 600 minutes !

Willkommen Ruud !

En remportant ce match au sommet d’une grande intensité, Dortmund a confirmé son retour aux avant-postes. Les chants des supporters évoquent même déjà le titre. Du côté des joueurs et du staff, on reste beaucoup plus prudent avec un discours officiel qui se résume plus ou moins à «l’Europa League, ce serait déjà bien». Le BVB va au devant d’un mois difficile avec deux matchs abordables à domicile contre Francfort et Hanovre mais surtout trois déplacements vénéneux à Stuttgart, Munich et Gelsenkirchen. Disons qu’au soir du Revierderby du 26 février prochain à la Veltins-Arena (si celle-ci n’a pas achevé de s’effondrer d’ici là), on en saura sans doute beaucoup plus long sur les réelles possibilités de cette jeune équipe dortmundoise. Quant à Hambourg, je l’avais pronostiqué champion d’Allemagne 2009-2010 il y a quelques semaines. Je n’ai pas forcément révisé mon pronostic après ce match, Hambourg n’aura pas à affronter tous les week-ends une ambiance aussi survoltée que celle du Westfalenstadion. Je persiste donc à penser que le HSV a réellement sa chance cette saison, surtout avec le retour des blessés (en particulier Zé Roberto) et l’arrivée de l’immense Ruud Van Nistelrooy, que je me réjouis de voir en Bundesliga. Toutefois, avec déjà sept points de retard sur le leader Leverkusen, les Rothosen n’ont plus beaucoup de jokers.
En décembre, je t’avais relaté le centenaire du BVB, on a fêté un autre anniversaire dortmundois samedi, moins prestigieux mais tout aussi festif, les cinq ans du Anton’s Bierkönig. Cela aurait sans doute déplu à certains de mes collègues de CartonRouge.ch, il y avait pas mal de Schlager mais moi j’adore ça. Et puis, la Schlager a permis de recaser Eric Willemin, alors je milite pour 18 heures quotidiennes de Schlagerparade à la TSR afin de  recycler tout le service des sports. Après tout, la confusion entre DJ Ötzi et Andy Borg serait moins gênante que celle entre Lionel Messi et Benny Huggel.

Borussia Dortmund – SV Hambourg 1-0 (1-0)

Signal Iduna Park, 80’552 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Gräfe.
But : 36e Valdez (1-0).
Dortmund : Ziegler ; Owomoyela, Subotic, Hummels, Schmelzer ; S. Bender (75e Santana), Sahin ; Blaszczykowski (90e Dede), Valdez, Grosskreutz ; Barrios.
Hambourg : Rost ; J. Boateng, Rozehnal, Mathijsen, Aogo ; Trochowski (60e Elia), Rincon, Jarolim (84e Pitroipa), Jansen ; Torun (60e Berg), Petric.
Cartons jaunes : 35e Mathijsen, 48e Subotic, 57e J. Boateng, 92e Rozehnal.
Notes : Dortmund sans Weidenfeller, Kehl, Tinga, Feulner, Rangelov, Öztekin (blessés) ni Zidan (Coupe d’Afrique), Hambourg privé de Zé Roberto, Guerrero, Benjamin, Alex Silva, Reinhardt, Stepanek, Castelen (blessés), Demel (Coupe d’Afrique) et Van Nistelrooy (pas encore qualifié).

Écrit par Julien Mouquin