Le tournoi du siècle ?

Une fois tous les quatre ans et cela depuis Nagano, les meilleurs joueurs de hockey sur glace du moment s’affrontent avec la bénédiction des dieux de l’Olympe que sont Gary Bettman et René Fasel. Est-ce que l’assentiment des deux plus grands hommes de hockey de tous les temps fait de ce tournoi le plus grand de notre siècle ?

Il est non seulement difficile d’affirmer quoi que ce soit qui ne soit pas une promotion déguisée pour un événement que les organisateurs doivent encore chercher à vendre à des segments récalcitrants au génie de ce sport de crosse et accessoirement de contact, mais avouez aussi que cette expression de «tournoi du siècle» est sacrément ringarde. Faut-il rappeler qu’il reste à peu près 90 années à notre siècle. Donc à moins de spéculer sur une fin du monde très proche ou bien d’avoir des informations confidentielles sur les études en cours qui traitent les commotions cérébrales, on aura encore le temps de voir d’autres tournois de très haut niveau, même si Bettman fait sa moule pour Sotchi. Enfin, ce «tournoi du siècle» ; c’est l’occasion pour certains de nous rappeler ce temps de gloire où ils étaient «les maîtres de la piste», voici 10-15 ans, sans avoir évolué depuis.

Bref, une fois cette importante mise au point effectuée, il me reste à vous présenter les équipes du millénaire qui sont toutes imbattables. Et pour commencer, autant prendre la plus imbattable de toutes : le Canada qui nous servira l’artillerie lourde en termes de contingent. En effet, alors qu’il avait été ignoré de la sélection de Turin à sa première année chez les professionnels au détriment notamment d’un Kris Draper, Sidney Crosby sera la pierre angulaire d’une attaque composée de «4 premières lignes». On peut légitimement se demander si elles feront le sale travail ? Fort heureusement la perspective d’une victoire à domicile devrait aider à l’unité du groupe. En défense, si l’on a choisi de faire l’impasse sur Mike Green, probablement le meilleur défenseur offensif de la ligue, on devra composer avec les vétérans Pronger et Niedermayer. S’ils sont presque autant que Ric Jackman les grands artisans de la Coupe Stanley remportée par Anaheim en 2007, ils ont – eux aussi – passablement ralenti. Le premier étant allé jouer le grand frère pour ados galleux en échange de Sbisa et le second s’étant persuadé qu’il est un lemming depuis bien deux ans. Entre les poteaux de but, ce sera potentiellement très fort. D’ailleurs peut-être trop. Ni l’autochtone Luongo, ni Brodeur ne sont habitués à de la concurrence en club. Sauront-ils composer avec et voir le danger lorsqu’il vient de ridicules adversaires déguisés en secouristes ? Fort à parier que oui. Brodeur aura à cette occasion bien en tête la devise de sa belle province : «Je me souviens…». Et sinon, il y aura toujours Fleury…
Entre sa haine et sa fascination pour les rivaux extra-septentrionaux, le public canadien n’aura d’autre choix que d’apprécier l’expression de leur talent. Le hockey mis sur un pied d’égalité avec le ballet et toutes les disciplines d’esprit et d’esthétique ? C’est ainsi que les double champions du monde en titre envisagent leur sport. On devrait voir Malkin, Ovechkin, Datsyuk, Kovalchuk, Semin et Afinogenov se partager les deux premières lignes. Fedorov devrait faire pivoter une troisième ligne des plus fourbes avec Radulov et Kozlov sur ses ailes. Quant à la quatrième ligne, composée des joyaux continentaux que sont Zynovyev, Morozov et Zaripov, elle manifeste une tradition de stabilité et mise sur la qualité tactique qui aura fait ses preuves pour mettre en échec la rudesse nord-américaine. A l’arrière, Gonchar et Markov, s’ils sont en pleine possession de leurs moyens, risquent de rendre les unités spéciales des Russes irrésistibles. Les plans classiques du rideau de fer en zone médiane qui se resserre sur le porteur de la rondelle ne devraient pas être d’un grand secours pour contrer la sélection de Bykov tant les joueurs retenus cette année sont dominants en combat rapproché. Pour le potentiel de tir… Partout et très fort. Mais on le sait, les Russes préfèrent attendre d’être à Cuba avant d’envoyer leurs engins balistiques. Aux buts, Nabokov et Bryzgalov sont chacun les artisans des deux derniers titres mondiaux. Et si le score devait se mettre à être très serré et la pression sur la cage russe insoutenable, on devrait voir une ombre furtive nommée Volchenkov exactement entre le tireur adverse et le but. Reste l’âme russe qui parfois est insondable et mène à l’autodestruction sans que l’occidental puisse saisir les raisons la déroute de son adversaire, à moins d’avoir étudié en détail l’Idiot de Dostoïevski. Et il y a aussi les bars…

Face à ces deux valeurs sûres, la Suède est bien plus mystérieuse. Généralement occupée avec ses meilleures énergies à faire gagner Detroit, elle semble avoir toutes les pièces mais ne montre pas bien comment elle compte les assembler. Et il est vrai qu’avec des joueurs d’une polyvalence tels que Zetterberg, Forsberg, l’infatigable Alfredsson ou la fratrie Sedin, il est inutile de préparer le plan de match trop à l’avance. D’ailleurs, celui-ci porte probablement le «C» sur son chandail. Et à côté de ces valeurs sûres il y a cette nouvelle génération issue d’une politique de formation dont la Suisse serait bien avisée de s’inspirer. Avec cet Enström qui fait subsister l’espoir à Atlanta, cet Eriksson qui compte les buts à presque chaque nouvel épisode du Dallas et ce Nicklas Backström qui connaît une bien meilleure saison que son homonyme finlandais. Du côté des gardiens, Lundqvist peut désormais compter sur un véritable adjoint en la personne de Gustavsson. Peut-être que pour compléter le puzzle, il faudra encore que le coach qui est dans une situation contractuelle assez identique à son maître d’antan, Krüger, transforme les meurtrissures de son égo en énergie positive pour mener une troupe dont au moins trois éléments clés (Franzén, Kronwall et Forsberg) ne sont pas dans les conditions de compétition idéale pour donner leur 100%, qu’ils reviennent de blessure ou y retournent bientôt… Reste encore à savoir si l’équilibre sera trouvé entre la fin d’une dynastie et le début d’un règne…
Et si l’on doit parler des favoris, il ne faut surtout pas mettre de côté les Américains. Pas que les sommes astronomiques qui sont dépensées là-bas pour développer le hockey sur glace ne donnent pas autre chose qu’un minable retour sur investissement, mais simplement parce que les USA n’auront ni Robert Esche, ni un autre feuillu devant les buts. Entre Miller qui arrête tout à part d’exceller à Buffalo, Quick qui participe à l’avènement des Kings en répondant à la question du gardien pour cette organisation et Thomas qui ne peut que se replacer tant il est une sorte de Didier Cuche en termes professionnalisme et d’éthique de travail, cela risque bien d’en être fini des 3 «garbage goals» que l’équipe étasunienne nous offrait en moyenne par match aux Mondiaux. Le reste de la sélection ? Le très talentueux et plein de ruse Kane, les Johnson en défense et leurs gros potentiels et du plombier made in USA. Encore une fois, la question sera surtout de savoir si la chimie opérera dans un groupe créée de toute pièce pour l’occasion. Compte tenu des joueurs choisis, on serait plus tenté de se demander qui prendra la responsabilité de créer de l’offensive plutôt que de mettre en échec l’adversaire. En tout cas, le staff de Toronto qui est aux commandes ne peut aucunement prétendre à l’excellence en saison régulière, ni à une situation personnelle idyllique. Le fils du DG Brian Burke étant décédé il y a quelques jours des suites d’un accident de voiture. La genèse de quelle médaille ?

Foi de Jean-Boris, le champion Olympique se trouve parmi ces 4 nations. Pourquoi pas les autres ?
Parce que le fait que l’on sélectionne encore Koivu, Selänne et Peltonen prouve qu’il a manqué une génération à la Finlande. Parce que les Tchèques nous servent une forme de hockey-mépris sans aucune passion depuis qu’ils n’ont plus de fou devant leurs buts. Parce que Juraj Kolník ne fait même pas partie de la sélection Slovaque. Parce que la Biélorussie sans Andreï Kostitsyn et Grabovsky, ce ne sont que 2998 licenciés de hockey. Parce que les Allemands arrivent même à perdre contre les Français. Parce que Oleg Znaroks est trop en avance sur son temps et pas qu’au niveau du look. Parce que Julien Sprunger va faire un carton contre la Norvège. Et surtout parce que Paterlini ne sera jamais un aussi bon bouc-émissaire que Bezina.
Voilà, la messe est (presque) dite. Ne manque plus qu’aux équipes à jouer. Et si ce tournoi doit être grandiose, autant que ce soit sur la glace plutôt que dans les effets d’annonce.

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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3 Commentaires

  1. D’accord avec cette analyse… Toutefois, je n’enterrerais peut-etre pas si vite la Finlande. Le rôle d’outsider leur réussit souvent… Et aux sélections de Selänne, Koivu et Peltonen, je réponds que lles Suédois ont décongelé Forsberg pour l’occasion, les Russes s’amènent avec Fedorov dans les valises et les Tchèques avec Jagr. entre autres…
    Mais c’est dans les vieilles marmites….. 🙂

    Amicalement
    Bagoo

  2. Il me reste le souvenir d’une Post Finanz Arena debout pour applaudir Slava à la tête de la Sbornaja alors qu’elle l’avait tant sifflé lors des debys CP Bern -F Gottéron. Je resterai un inconditionnel de Slava et pour ça, Forza CCCP !!!

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