Octobre : un peu de franchise

Le 16 octobre, Stéphane Lambiel lâchait une bombe dans le paysage sportif helvétique. Le double champion du monde, double vice-champion d’Europe, vice-champion olympique et médaillé de bronze aux Mondiaux arrête la compétition pour ne se consacrer qu’aux galas et vivre sa vie loin de la pression du sport de haut niveau. Les réactions sont partagées. Certains pleurent leur idole, saluant ses performances de premier ordre. D’autres fêtent ce départ, criant leur soulagement de ne plus avoir à supporter les pleurnicheries du Valaisan.

On a franchement tout lu et tout entendu sur Stéphane Lambiel. Vous vous en doutez, je m’intéresse bien plus au discours de ses détracteurs qu’à celui de ses fans. La violence avec laquelle le roi du triple axel manqué a été attaqué durant sa riche carrière ne peut que m’interpeller. «Pourquoi tant de haine ?», dirait la formule.Afin de mieux comprendre, ou plutôt d’essayer de mieux comprendre, il nous faut faire un rapide tour du propriétaire. Qu’a-t-on reproché à Lambiel ? Il n’a jamais battu lors d’un grand championnat Evgueni Pluchenko, le maître russe considéré à raison comme le meilleur patineur de la dernière décennie. Est-ce véritablement une raison pour en vouloir à Lambiel ? Peut-on en vouloir à Federer de ne jamais avoir battu Nadal à Roland Garros ? Peut-on tenir rigueur à Didier Cuche de ne pas réussir à remporter le général de la Coupe du monde alors qu’il doit faire face à des cracks comme Svindal, Miller ou Raich ? Est-ce si grave que Charles Barkley n’ait pas obtenu un sacre en NBA durant les années Jordan ?
Non, ce seul argument ne suffit pas. Par contre, l’ami Lambiel semble avoir une très haute estime de lui-même. Personne n’oubliera son «Le Petit Prince que je suis a besoin de prendre du recul…». Un mec qui parle de lui à la troisième personne, ça agace, c’est sûr. Qui s’appelle lui-même le Petit Prince encore plus. Je ne vais pas dire le contraire, ça me mettait hors de moi. Mais d’autres sportifs sont dans ce cas-là. Parfois plus, parfois moins.
Lambiel fait dans la sensiblerie. C’est plutôt vrai aussi. Moi, les types qui nous expliquent qu’ils nous aiment et qui nous remercient sans cesse de tout l’amour que nous leur donnons, tout ça en imitant la coccinelle… Putain je voudrais lui péter les dents ! Il faut toutefois bien comprendre que c’est sa sensibilité qui a permis à Lambiel d’atteindre les sommets. Ah, voici un dossier intéressant. Sa sensibilité. Le plus gros défaut de Lambiel ? Ce qui tape le plus sur le système de ses détracteurs ? Sa supposée homosexualité, bien sûr !
Enfin, supposée. A voir les sujets-poubelle du Blick en décembre, il faut croire que ce que tout le monde pensait était bel et bien avéré. Vous rendez-vous compte que les médias se battent depuis plusieurs années pour enfin avoir une réponse concernant l’orientation sexuelle de Lambiel !?!? Pouvez-vous imaginer les ressources qui ont été utilisées, le temps passé, les manoeuvres dégueulasses effectuées, tout ça pour savoir si Lambiel «il fait des bisous aux filles ou aux garçons» ?
Le fond du problème est là. Malgré le prosélytisme imbuvable de bon nombre de journaux, TV ou radios, la société demeure encore homophobe. Sûr que si Lambiel était marié à une femme, qu’il la battait en sifflant des bières et en lorgnant sans cesse les croupes féminines alentours, le Valaisan aurait eu bien moins d’ennemis.
Alors, messieurs, un peu de courage. Un peu de franchise. Si beaucoup n’aiment pas Lambiel, c’est parce que c’est «une pédale» ! C’est quand vous aurez enfin fait ce coming-out-là que vous vous rendrez peut-être compte, un jour, de votre imbécillité. Je suis passé par là, et maintenant ça va bien mieux. Je vous l’assure.

Écrit par Psyko Franco